La religion au travail en période d’apprentissage

Prières, signes ostentatoires, absences pour des fêtes à caractère confessionnel : les manifestations et revendications religieuses augmentent au travail, selon une étude de l’agence d’intérim Randstad réalisée par l’Observatoire du fait religieux en entreprise (Ofre). «En 2015, le fait religieux se manifeste avec plus d’intensité que par le passé : près d’un quart [23%] des personnes interrogées déclare rencontrer régulièrement – de façon quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle – la question du fait religieux dans l’entreprise, alors qu’elles n’étaient que 12% en 2014», note le document (1).

Si certaines demandes ayant trait à la religion se règlent sans difficulté, les cadres interrogés par l’Observatoire font état d’une hausse de cas conflictuels, qui sont passés de 3% en 2014 à 6% en 2015. Un doublement dû, selon Lionel Honoré, président de l’Ofre, à une crispation des croyants après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris.

«Racisme». Pour les auteurs de l’étude, plusieurs facteurs alimentent les crispations, notamment la crainte, par les hiérarchies d’entreprise, d’être accusées «de racisme ou [de] discrimination» par les salariés pratiquants. Certains vont jusqu’à remettre en cause «la légitimité de l’entreprise et/ou du manager à contraindre la pratique religieuse». L’Ofre observe une forte progression de salariés (58%) qui définissent la laïcité comme «la défense de la liberté de culte», tout autant que «la neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions».

Excepté les «cas conflictuels» qui restent marginaux, «la pratique ou les croyances religieuses ne sont pas un sujet tabou», souligne l’Ofre : 86% des personnes interrogées déclarent ainsi connaître la confession de leurs collègues, et 81% considèrent que la religion est un sujet de discussion qui a sa place dans la sphère professionnelle. En revanche, la pratique religieuse dans l’enceinte de l’entreprise est nettement moins acceptée, puisque 38% des salariés affirment qu’elle peut avoir «un effet négatif» sur les relations entre collègues.

Le contexte général reste toutefois «apaisé», insistent les chercheurs. Tant qu’elle n’empiète pas sur le bon fonctionnement de l’entreprise, la religion est globalement bien acceptée : 88% des cas religieux rencontrés n’entraînent «ni conflit ni blocage». Autre chiffre : 92% des sondés déclarent ne pas être dérangés de savoir que leur collègue est pratiquant.

L’étude distingue nettement deux types de faits religieux : le premier qui relève d’une demande personnelle recueille l’assentiment du panel interrogé, alors que le second, qui remet en cause l’entreprise et son organisation, est au contraire refusé. Ainsi, 75% des managers consultés trouvent admissible que leurs collègues qui le souhaitent prient pendant les temps de pause. Mais ils sont tout aussi nombreux (78%) à juger inacceptable que l’on refuse d’exécuter une tâche pour un motif religieux.

Aménagement. L’observatoire a cherché à savoir quels étaient les trois demandes à caractère religieux les plus fréquentes au sein de l’entreprise. Dans l’ordre, on note l’absence pour les jours de fête (19% des cas), le port de signes religieux (17%) et l’aménagement d’horaires (12%). Les trois sont très largement acceptées.

(1) Etude réalisée en ligne en février et mars. 1 296 réponses ont été prises en compte. 93% des personnes ayant répondu occupent des fonctions d’encadrement, dont 30% dans la gestion des ressources humaines.

Louis NADAU

Pour en savoir plus : http://www.liberation.fr

La religion de plus en plus présente dans le monde de l’entreprise

 

© Guy Andrieu, AFP | Un syndicaliste de la CGT prie sur le parking de PSA Peugeot, à Aulnay-sous-Bois, en 2011.

 

Selon une étude rendue publique mardi, près d’un quart des managers en France ont été confrontés à un « fait religieux » (prières, refus d’accomplir certaines tâches, demande de congés pour fêtes…) début 2015. Ils n’étaient que 12 % en 2014.

La religion prend de plus en plus de place dans les entreprises françaises : voici en substance la conclusion d’un rapport publié mardi 21 avril par l’Observatoire des faits religieux en entreprise (Ofre) et l’institut Randstad. L’enquête est basée sur un questionnaire en ligne rempli entre les mois de février et mars 2015 par 1 296 salariés, exerçant à 93 % des fonctions d’encadrement.

Dans les chiffres, seuls 12 % des mangers en entreprises étaient confrontés à des « faits religieux » en 2014, contre 23 % cette année. Concrètement, ces « faits religieux » s’apparentent le plus souvent à des demandes de congés pour fêtes religieuses (19 %, contre 18 % en 2014) ou à des ports ostentatoires de signes religieux : croix, kippa, foulards, turban (17 %, contre 10 % l’an dernier).

Peu de managers sont confrontés à faits plus graves comme des refus de travailler sous les ordres d’une femme (environ 4 %, un chiffre stable) ou au refus de travailler avec un collègue d’une religion différente (environ 2%, chiffre également inchangé).

Il n’y a donc pas d’explosion du fait religieux en France, précise Lionel Honoré, directeur de l’Ofre et co-auteur de l’étude. Selon lui, ce résultat s’explique plutôt par une « banalisation » du sujet religieux, les salariés hésitant moins à faire des demandes à leur hiérarchie en lien avec leurs croyances ou pratiques religieuses.

6 % des cas conflictuels

Seuls 6 % de ces faits se caractérisent comme « conflictuels », contre 3 % en 2014. Les raisons de ces tensions sont souvent liées à des menaces d’accusation de racisme ou de discrimination envers l’employeur. Il est important de souligner que, dans l’ensemble, 88 % des confrontations n’entraînent ni conflit, ni blocage.

Concernant la laïcité en entreprise, les réponses ont aussi évolué depuis l’année dernière. Trois sondés sur dix considèrent que la religion devrait se cantonner à la sphère privée contre 12 % en 2014. Et ils sont presque six sur dix à inclure la notion de « défense de liberté de culte » dans la définition de la laïcité, contre 12 % en 2014.

Si la quasi-totalité des personnes interrogées déclare ne pas être gênée par les pratiques religieuses de ses collaborateurs, ils sont 38 % à penser que ces dernières ont un impact négatif sur les relations entre collègues. Pour Lionel Honoré, « si quantitativement le fait religieux au travail n’augmente pas, qualitativement, il se complexifie ».

Un point positif à retenir : la religion n’est pas un sujet tabou entre collègues, 84 % connaissent la confession religieuse de leurs voisins de bureau et 75 % estiment qu’il est admissible de prier pendant les pauses – si cela n’affecte pas le travail.

Texte par FRANCE 24

Dernière modification : 21/04/2015

 

Fait religieux : « pas de neutralité en entreprise »

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En 2015, près d’un quart des managers (23%) ont déclaré faire face à la question du fait religieux dans l’entreprise, contre 12 % seulement en 2014. Ceci est le résultat d’une étude menée par l’Institut Randstad et l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE) en avril 2015 sur l’expression du fait religieux en entreprise.

L’occasion, pour nous, de faire un point sur ce sujet avec Hicham Benaïssa, chercheur au Groupe Sociétés, Religions, Laïcités du CNRS depuis 2010. Chargé d’études et de recherche « Diversité et fait religieux en entreprise » chez FACE de septembre 2010 à avril 2014, il a mené une recherche-action sur le thème de la gestion du fait religieux en entreprise.

« Une problématique qui commence à émerger publiquement »

Poser ses congés pour célébrer une fête religieuse, prier pendant ses pauses, porter un signe religieux devant ses collègues. Le fait religieux fait son entrée dans le monde de l’entreprise depuis quelques années. « L’entreprise est l’un des principaux lieux de socialisation dans notre société », Hicham nous explique ainsi l’intérêt d’étudier l’articulation du fait religieux en entreprise. Penser à l’entreprise comme une organisation à finalité économique est une limite. Il continue : « La fonction d’une entreprise dépasse ses fonctions premières. Améliorer les liens au sein d’une entreprise, c’est aussi améliorer les liens au sein de la société ».

Connaître, s’engager et agir

Pour ce jeune chercheur il s’avère donc fondamental entamer des recherches afin de proposer des formations et des sensibilisations dédiées aux entreprises qui souhaitent mieux s’outiller sur ce sujet. « Jusqu’à aujourd’hui j’ai dispensé une trentaine de formations et sensibilisé plus de 600 personnes. La demande ne cesse  d’augmenter », souligne Hicham. L’expertise sur le sujet est le résultat de recherches qui confrontent les analyses juridiques et sociologiques existantes avec une série d’entretiens avec les acteurs directement concernés par cette problématique (salariés, managers, DRH, chefs d’entreprises…).

L’entreprise. Un lieu laïque ?

« Si nous entendons un lieu laïque par un lieu neutre, alors non. » précise Hicham Benaïssa. D’où naissent alors les problématiques liées au fait religieux en entreprise ? La réponse, d’après le chercheur, est à chercher dans l’assimilation de la laïcité à son principe de neutralité. « Nous oublions souvent qu’avant d’être une restriction, la laïcité est une liberté » continue-t-il. « Ceux à qui la loi commande la neutralité sont l’ensemble des personnes travaillant pour et au nom de l’Etat. L’entreprise n’est pas dans ce cas-là, elle reste régie par le droit privé. Par conséquent, en l’état actuel des choses, c’est le principe de liberté religieuse qui prévaut ». Néanmoins l’entreprise demeure un lieu régulé ou conditionné par des principes juridiques. Le droit du travail et la doctrine jurisprudentielle encadrent l’expression religieuse en entreprise. Ce qui explique pourquoi il est urgent d’en prendre connaissance et ne pas hésiter à interdire certains comportements dès lors que le droit le permet.

Religion : deux fois plus de revendications en entreprise

ReligionEntreprises

Selon une enquête rendue publique mardi 21 avril, près d’un manager sur quatre est confronté régulièrement au sujet de la religion au travail.

Demandes d’absence pour une fête, port de signes religieux, refus de s’adresser ou de serrer la main à une femme, pause dédiée à la prière: en un an, la question de la religion s’est ancrée au travail.  C’est la conclusion de l’étude réalisée par l’Institut Ranstad et l’Observatoire du fait religieux (OFRE) auprès de 1 000 salariés dont la plupart exercent des fonction de cadre.

Selon une enquête de l’institut Randstad et de l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE), menée pour la troisième année, 23% des managers déclarent rencontrer régulièrement, c’est-à-dire de façon quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, le fait religieux dans l’entreprise. Ils n’étaient que 12% dans ce cas en 2014. Selon les auteurs de l’enquête, ce résultat peut traduire une « banalisation » de ces sujets, les salariés hésitant moins à faire des demandes à leur hiérarchie en lien avec leurs croyances ou pratiques religieuses.

Un manager sur deux confronté au fait religieux

Au global, un manager sur deux a déjà été confronté au moins une fois à la question. Les sujets les plus fréquents sont les demandes d’absence pour une fête religieuse (19%), le port de signes religieux (croix, kippa, foulard, turban…) rencontré par 17% des personnes interrogées et les demandes d’aménagement d’horaire (12%). Plus rarement les prières pendant les pauses ou pendant le temps de travail, le refus de travailler avec une femme, ou le prosélytisme.

Dans l’ensemble, le contexte reste apaisé, notent les auteurs de l’étude, puisque 94% des cas rencontrés n’entraînent ni conflit ni blocage. Les raisons qui rendent certains cas plus difficiles à gérer sont d’abord les menaces d’accusation de racisme ou de discrimination et la remise en cause de la légitimité de l’entreprise et/ou du manager à contraindre la pratique religieuse.

Un sujet « compliqué à gérer »

Interrogée sur cette enquête, la numéro un du syndicat des cadres CFE-CGC, Carole Couvert, a reconnu mardi 21 avril que le sujet pouvait être compliqué à gérer pour les managers. « Oui, tout le monde n’est pas à l’aise avec le fait religieux. Tout le monde ne connaît pas l’ensemble des religions, ni les us et coutumes qui sont liés à chaque religion », a dit Mme Couvert sur Radio classique.

Elle a souligné ne pas avoir eu vent d’une hausse des « problèmes de faits religieux« , mais plutôt des difficultés des managers à « comprendre les besoins par rapport à certaines religions, par exemple le respect de certains temps de prière, de certaines périodes de l’année comme le ramadan »« Tous les managers n’ont pas été formés à cela dans les cursus scolaires, donc ils se retrouvent démunis face à ce type de comportement ou ce type de demande et il vaut mieux en discuter (…) pour trouver ensemble un modus vivendi », a-t-elle souligné.

Elle a relevé qu’« un certain nombre de groupes n’ont pas hésité à avoir une négociation sur le sujet avec les partenaires sociaux et éditer par exemple un petit fascicule pour les managers, je pense par exemple au groupe Casino, et du coup ça démystifie complètement la problématique ». Ce type d’outils, a-t-elle insisté, « permet, y compris à un nouveau manager d’avoir un guide de survie par rapport aux différentes religions pour ne pas commettre de boulettes ».  L’enquête est basée sur un questionnaire en ligne rempli entre février et mars par 1.296 salariés, exerçant pour l’essentiel (93%) des fonctions d’encadrement.

Ce que dit la loi

Dans le domaine privé le principe de laïcité ne s’applique pas. Un employeur ne peut pas interdire à un salarié d’exprimer ses convictions religieuses. Cependant, il a le droit de de poser des restrictions précises si la pratique religieuse est incompatible avec le travail exercé, la sécurité ou la bonne marche de l’entreprise. Un employeur n’est donc pas tenu d’accorder des jours d’absence pour des fêtes religieuses? Il peut également interdire certaines tenues (présence de machines dangereuses, ou représentation de l’entreprise à l’extérieur)

Dans le service public, la laïcité, c’est à dire l’obligation légale de neutralité vis-à-vis des religions, s’applique aux représentants de l’Etat ainsi qu’aux employés de structures privées ou d’associations qui agissent pour son compte.Les agents doivent respecter le principe de laicité, censé garantir leur neutralité à l’égard de tous les citoyens.  Ces employés n’ont donc par le droit de porter dans le cadre de leurs fonctions des signes ostentatoires d’apprenance religieuse (kippa, voile islamique..). Il en va de même dans les collèges et lycées publics.

Dans l’espace publique, la règle diffère. Le liberté de culte permet d’arborer des signes religieux dans la rue, dans les transports en commun ainsi que sur les bancs des universités. Le voile intégral est en revanche prohibé, au motif qu’il dissimule le visage et l’identité de la personne qui le porte. Les manifestations religieuses sur la voie publique doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation à la préfecture, sauf s’il s’agit de traditions locales répétées tous les ans ( par exemple les processions catholiques du 15 août).

Ouest-France, avec AFP

Pour en savoir plus : http://www.entreprises.ouest-france.fr/

La religion s’invite (un peu trop) dans l’entreprise: comment réagir ?

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Un salarié ne laisse pas ses convictions au vestiaire: elles font partie de son identité et, de plus, le principe est la liberté religieuse dans l’entreprise.

Le cabinet d’avocats August & Debouzy organisait récemment une formation autour du fait religieux. L’occasion de donner des conseils aux employeurs et managers de plus en plus confrontés à la problématique.

Une salariée d’un cabinet de conseil licenciée car elle avait refusé d’ôter son voile islamique alors qu’un client l’exigeait et alors qu’elle avait pourtant, lors de son entretien d’embauche, accepté le principe d’un éventuel retrait. C’est l’affaire que vient de refuser de juger la cour de cassation, renvoyant la patate chaude à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le climat sociétal hyper-sensible depuis les attentats parisiens de janvier aurait-il eu raison de la capacité des hauts magistrats à se prononcer, alors qu’ils auraient pu réitérer la célèbre « jurisprudence Baby-Loup » ? C’est en tout cas l’avis d’Eric Manca, associé chez August&Debouzy. Le cabinet d’avocats organisait ce 4 juin une formation à destination des employeurs désireux de connaître plus globalement leur marge d’action autour des faits religieux dans l’entreprise. La question est épineuse. N’en déplaise aux partisans de la neutralité, tous les employeurs ne peuvent pas, comme la société Paprec, évacuer la question en instaurant une charte de la laïcité. Même avec l’accord des salariés et des institutions représentatives du personnel, cela reste illégal. Dans le privé, la liberté religieuse est de mise en effet. Dès lors, savoir comment bien gérer ces problématiques s’avère crucial. L’Entreprise a glané lors de la conférence quelques recommandations pratiques aux employeurs:

1. S’emparer du sujet

La question du fait religieux a beau être délicate, mieux vaut ne pas faire l’autruche et gérer immédiatement les problèmes qui se présentent, sans laisser certaines situations se dégrader. D’abord sous peine de ruiner la réputation de l’entreprise : aujourd’hui il suffit de deux tweets pour lancer une polémique. Ensuite et surtout, parce que l’entreprise a une obligation de résultat en la matière. Elle doit aborder ces questions au même titre qu’elle gère les risques psycho-sociaux. Par ailleurs, les managers, parfois un peu perdus ou démunis, sont fortement demandeurs d’un cadre précis venant de leur hiérarchie. Publiée en avril dernier, une étude de Randstad et de l’Observatoire du fait religieux en entreprise* interrogeait des cadres. Près d’un quart d’entre eux déclaraient être confrontés régulièrement au port de signes « ostentatoires », à des demandes d’absence pour fête religieuse, d’aménagement du temps de travail pour la prière, à des discriminations, etc. Ils n’étaient que 12% en 2014.

2. Toujours réfléchir en fonction de l’intérêt de l’entreprise

Le principe est la liberté religieuse dans l’entreprise. Toute décision prise par l’employeur pour le restreindre doit être proportionnée et se faire au regard de l’intérêt légitime de l’entreprise : organisation, bonne marche de l’entreprise, respect des règles d’hygiène et de sécurité, préservation des intérêts commerciaux. Exemple : un salarié souhaite s’absenter pour une fête religieuse. Il convient d’analyser cette requête comme toute autre demande de congé payé : l’accorder si cela ne vient pas désorganiser le service, la refuser dans le cas contraire. Même ligne de conduite pour le port de signes ostentatoires. L’employeur n’a pas intérêt à demander le retrait d’un voile ou d’une kippa, si aucun collaborateur ni aucun client ne se plaint, et qu’aucune question de sécurité ou d’hygiène n’entre en jeu.

3. Poser les règles en entretien d’embauche

Toutes les questions posées à un candidat en entretien d’embauche doivent être en relation avec ses aptitudes professionnelles et l’emploi proposé. Il est donc clairement interdit de l’interroger sur ses pratiques et convictions religieuses. « Toutefois, s’il porte un signe ostentatoire, vous pouvez aborder la question avec lui en lui précisant que, si l’intérêt de l’entreprise ou les besoins du poste le justifiaient, par exemple la plainte d’un client, il pourrait être amené à le retirer, suggère Eric Manca. Veillez à ce que votre règlement intérieur indique que l’entreprise préserve la liberté religieuse, sous réserve du caractère ostentatoire de l’expression de cette opinion ». Le règlement intérieur protège l’employeur dans ses futurs rapports conflictuels, car il est homologué par la Direccte. Dans la fameuse affaire Baby-Loup, il a servi les arguments de l’entreprise.

4. S’appuyer sur le contrat de travail

Lorsqu’un salarié refuse soudainement d’exécuter des tâches en rapport avec ses fonctions, pour des motifs religieux, il convient de s’appuyer sur le contrat de travail pour gérer la situation. Si celui-ci ne prévoit pas de clause expresse pour que le salarié bénéficie d’un régime particulier, alors le salarié a l’obligation d’écarter ses convictions religieuses, pour exécuter sa mission. Un refus peut engendrer une procédure disciplinaire. Même si en théorie cette obligation n’incombe pas à l’entreprise, il convient d’envisager, avant son licenciement, son reclassement sur un autre poste, où rien ne vient heurter ses convictions.

*étude Institut Randstad/OFRE,réalisée entre février et mars 2015 sur la base d’un questionnaire en ligne conduit auprès de 1 296 salariés exerçant pour la plupart des fonctions d’encadrement.

Par Marianne Rey, publié le , mis à jour à
Pour en savoir plus : http://lentreprise.lexpress.fr

Religion au travail: dans mon entreprise, il y a un espace de prière. La laïcité est sauve

Une enquête réalisée par l’Observatoire du fait religieux en entreprise et le cabinet Randstad révèle qu’en 2015, 23% des managers interrogés ont été confrontés au fait religieux au travail. Comment réagir face à ce phénomène ? Hervé Baulme, directeur général d’Ecodair, a autorisé un de ses employés à se créer un espace de prière au sein de l’entreprise. Témoignage.

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 23% des managers interrogés disent avoir été confrontés au fait religieux au travail (O.DIMIER/ALTOPRESS/PHOTOALTO).

 

Je respecte toutes les croyances

J’ai moi-même été confronté à cette réalité. Il y a dix ans, j’ai créé Ecodair, une société d’insertion de travailleurs handicapés et en 2012, un de mes employés récemment converti à l’islam m’a demandé de lui attribuer un espace de prière.

Si j’ai été surpris par cette requête, j’y ai tout de suite été favorable : je suis plutôt chrétien, mais je respecte toutes les croyances et je considère que l’on n’a pas le droit de d’interdire à quelqu’un de pratiquer sa religion. De plus, je savais que je pouvais avoir confiance en cet employé.

Malgré tout, j’ai décidé d’y réfléchir et d’en parler avec mes équipes. Je voulais être sûr que c’était une bonne idée. J’ai donc organisé une réunion avec les encadrants de mes salariés pour leur demander leur avis.

Une seule personne, elle aussi musulmane, s’est montré défavorable à cette demande. Elle considérait que l’entreprise n’était pas un lieu adapté pour pratiquer sa religion. Pour me convaincre, elle a mis en avant le fait que mon entreprise recevait des aides de l’État et qu’au nom de la laïcité, je ne devais pas autoriser cela. De mon côté, je lui ai expliqué que la laïcité n’interdisait pas aux gens de croire. Elle a très bien compris et elle a finalement accepté.

Aucune répercussion sur la vie de l’entreprise

Nous sommes une petite structure de 85 personnes, je ne pouvais donc pas dédier une salle entière à la pratique de la religion. Mon employé voulait seulement un petit espace tranquille, pour pouvoir pratiquer sa foi. Il a donc choisi un coin du bâtiment qui était en rénovation. Chaque jour, il s’y installait discrètement avec son tapis de prière.

Le fait d’avoir accepté sa demande n’a eu aucune répercussion sur la vie de l’entreprise. Et depuis, je n’ai pas eu d’autres requêtes de ce type. Je n’ai même pas eu à instaurer de règles spécifiques : tout s’est fait naturellement. Cet employé faisait preuve de beaucoup de discrétion et le soir, il restait cinq minutes de plus au travail pour compenser le temps qu’il avait passé à prier.

Dans l’étude réalisée par l’Observatoire du fait religieux en entreprise et du cabinet Randstad, il est d’ailleurs précisé que 94% de ces demandes n’ont pas entraîné de conflit. Ça ne m’étonne pas, car il s’agit simplement de vivre sa religion de façon plus entière. Ça n’a pas d’impact sur le travail.

 

J’ai vu une belle dimension de l’homme

Pour moi, l’augmentation de ce type de demandes s’explique par le fait qu’il y a de plus en plus de nouveaux croyants. J’ai pu remarquer que ces derniers avaient une forte envie de s’engager dans la religion. Ils semblent avoir une certaine flamme, une certaine ardeur.

Malgré tout, je comprends que certains chefs d’entreprises soient démunis face à ce genre de demandes. Ils pensent probablement que l’expression de la foi au travail peut avoir un impact sur le comportement de chacun au sein de l’entreprise.

 

C’est peut-être parfois le cas, mais je n’ai pas été confronté à cela. C’est pourquoi je suis favorable à une généralisation de ce type d’aménagement, si cela est demandé par les employés. Il ne faut pas avoir peur de ces requêtes car finalement, elles permettent de voir une belle dimension de l’homme. Moi, ça me rend plutôt admiratif.

 

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Par Hervé Baulme
Chef d’entreprise

Propos recueillis par Anaïs Chabalier

Pour en savoir plus : http://leplus.nouvelobs.com/

Religion au travail : «Une sensibilité accrue depuis les attentats de janvier»

LionelHonoré

L’enseignant-chercheur à Sciences-po Rennes estime que les attentats de janvier ont poussé les pratiquants à affirmer davantage leur religion au sein de l’entreprise.

Comment expliquer que les questions liées au fait religieux se posent davantage dans l’entreprise en l’espace d’un an ?
Lionel Honoré. L’actualité récente, l’affaire Baby Loup, les initiatives de Paprec, le débat sur le mariage pour tous et les attentats ont accru la sensibilité à la religion.

Religion : deux fois plus de revendications au travail

Après les attentats de janvier surtout, les pratiquants ont ressenti un discours de remise en cause de la religion dans la société. Plus qu’avant, ils se disent moqués et leur réaction est de se défendre en affirmant davantage ce qu’ils sont dans l’entreprise.

Certaines religions reviennent-elles plus que d’autres au centre de ces questions ?
Toutes sont concernées. Mais la plus grande majorité des cas viennent de l’islam. Sa pratique n’est pas connue des manageurs qui ont encore à apprendre de cette religion. Et son image reste liée aux attentats et à l’islam radical, ce qui nuit aux musulmans. Alors que les différentes études montrent que 95 % d’entre eux sont en phase avec le monde du travail et placent, dans leurs priorités, l’entreprise avant la religion.

Comment se manifestent les demandes ?
Il y a d’abord les demandes personnelles : une absence pour assister à une cérémonie religieuse, un aménagement du temps de travail pour faire une prière, le fait de porter un signe religieux. Les cadres doivent traiter ces questions comme n’importe quelle demande personnelle. Il y en a ensuite d’autres, plus radicales et transgressives, comme de ne pas travailler avec une femme ou le refus d’accomplir certaines tâches. Cela représente 12 % des cas rencontrés, contre 6 % il y a deux ans. C’est donc un chiffre à prendre en compte. D’autant que les demandes sont collectives avec des salariés dans des positions radicales et des manageurs débordés. L’entreprise doit alors avoir une ligne très claire et sanctionner, car le piège est de laisser ce genre de choses passer puis de se faire piéger. Ces cas, les plus conflictuels, se concentrent dans quelques entreprises : les transports, la logistique, le bâtiment, le maraîchage et dans les banlieues.

Faut-il interdire tout signe religieux dans les entreprises privées comme le souhaitent 64 % des salariés interrogés ?
Pas forcément. On peut comprendre le besoin de neutralité face au client. Mais, pour un salarié qui travaille dans un bureau toute la journée, qui serait dérangé ? Au nom de quoi on lui demanderait de ne pas porter de signe religieux ?

Lionel Honoré, président de l’Observatoire du fait religieux en entreprise

Propos recueillis par Fl.G. | 21 Avril 2015, 06h40 | MAJ : 21 Avril 2015, 06h53

Pour en savoir plus : http://www.leparisien.fr