Pourquoi la France a un vrai problème avec l’islam (mais pourquoi les Français, eux, n’en ont pas)

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Alors que les Républicains se réunissent ce jeudi pour débattre sur l’islam, une étude montre que les Français sont les plus tolérants d’Europe à l’égard de leurs compatriotes de confession musulmane. Le réflexe qui consiste à brandir l’islamophobie s’agissant des défis de l’intégration de l’islam prouve combien l’approche collective du sujet est déficiente.

Selon une étude réalisée par le think tank américain Pew research Center, les Français ont l’opinion la plus favorable (76%) à l’égard des musulmans résidant en France. Les Britanniques (72%) et les Allemands (69%) arrivent aussi dans le trio de tête des pays partageant cet avis. Les Italiens et les Polonais sont les deux populations majoritairement défavorables aux musulmans de leur pays avec respectivement 61 et 56% d’opinion hostile. Les Espagnols, quant à eux, sont 52% à se manifester en faveur des musulmans situés en Espagne.

Atlantico : Un sondage réalisé par Pew Research Center, révèle que, parmi les Européens, c’est la population française qui a l’opinion la plus favorable des musulmans – à 76%, devant les Britanniques qui sont 72% à partager cet avis  Pourtant, les Français sont aisément soupçonnés d’islamophobie, en témoigne les innombrables campagnes lancées sur le sujet et la focalisation sur le décompte des actes islamophobes. Pourquoi un tel biais ?

Rémi Brague : J’espère que l’inventeur du mot « stigmatisation » l’a fait breveter, car, si oui, il a dû faire fortune. On fait passer sous ce pavillon les marchandises les plus variées. J’aimerais que l’on mette à la place le mot de « critique ». Et pour deux raisons : d’une part, il implique que l’on distingue (c’est le sens du verbe grec qui en constitue l’étymologie) ce qui est bon de ce qui est mauvais. Et d’autre part, il suppose que l’on a des arguments à faire valoir, et pas simplement des affects. Or, parler de stigmatisation, ou de phobie, c’est suggérer que l’on est en présence de réactions purement épidermiques, et en tout cas injustifiées.

L’emploi du mot « racisme » est aussi un de ces mots qui empêchent de penser. Une religion n’est pas une race. Si la notion de race est vraiment solide (pour ma part, je la trouve molle…), elle désigne une qualité innée que l’on ne peut pas perdre : un Saint-Bernard ne devient pas un chihuahua. Or, une religion, en revanche, est quelque chose dont on peut changer. Sauf peut-être, justement, pour l’islam, qui se considère comme étant la religion « naturelle » de l’humanité. Une déclaration attribuée à Mahomet dit que tout homme naît selon le « naturel » (fitra) et que ce sont ses parents qui en font un juif ou un chrétien. Mais ils n’ont pas besoin de le faire musulman, car il est supposé l’être déjà.

Guylain Chevrier : Tout d’abord, la France ne l’oublions pas est une terre d’accueil et d’intégration, de tolérance des différences, mais sur le modèle du pacte républicain, à savoir, sous la condition de respecter ce qui nous est commun, la loi, les libertés, le politique, la démocratie, la Nation. La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour L’égalité (HALDE) lorsqu’elle était en fonction, avait rendu une étude où parmi les critères de discrimination la religion ne représentait que 2% de l’ensemble, ce qui est encore vrai dans les récentes études du Défenseur des droits. On sait combien cet argument de l’islamophobie est avancé par certains à bon escient, avec l’exagération qu’il porte, pour parer à toute exigence critique constructive dans les rapports que l’islam entretien avec notre société, alors que les choses ici ne vont pas de soi. Dans la plupart des pays dits musulmans, l’islam est religion d’Etat contrairement à la France, dont la loi de séparation des Eglises et de l’Etat est le pilier de sa République. Il y a pour toute nouvelle religion un chemin à accomplir pour embrasser les institutions républicaines et trouver sa place, c’est là l’enjeu qui a été brouillé derrière l’entretient du fantasme d’une société rejetant massivement l’islam, bien que refusant certains excès du religieux (loi interdisant de se dissimuler le visage dans l’espace public, dite par certains, anti-burqa).

Ghaleb Bencheikh : En toute rigueur et dans l’absolu, dans les nations démocratiques, les sondages qui sollicitent l’opinion d’une frange de la nation sur une autre frange sont plus que problématiques. Toutefois, le résultat de ce  sondage remet les choses à plat. Il permet d’engager des ressources afin de gagner cette bataille pour construire une nation commune, fière de son Histoire commune, le général de Gaulle a raison de dire « cette France qui vient du fond des âges ». Et tous les citoyens doivent aussi être solidaires de ce patrimoine.

En tant que citoyen de confession islamique, il est nécessaire de refonder notre pensée théologique. Nous pouvons le faire en France, et nous devons le faire en France. Les musulmans, les théologiens, doivent s’atteler à cette vaste entreprise qui ne pourra se passer de la désacralisation de la violence, de revoir le discours classique, voire rétrograde, de sortir de l’obscurantisme qui prévaut dans les banlieues ou dans certaines mosquées. Il faut également former les imams à l’esprit intelligent ; insuffler l’amour de la France dans le cœur des imams et des musulmans, prier pour la République comme le font nos compatriotes juifs. Se sentir corps dans la nation, répondre par le fameux aphorisme prophétique « aimer sa patrie d’une marque de foi ». Cela correspond à participer au récit national. Cela permettrait de passer outre une vision archaïque de la religion, et surtout entreprendre ce travail de refondation de la pensée théologique.

En quoi cette dénonciation largement exagérée de l’islamophobie a-t-elle pu parasiter l’image que l’on se fait de l’islam ?

Guylain Chevrier : L’exagération vient déjà du terme lui-même, que l’on traduit par « délit de blasphème », interdiction de la critique d’une religion. Ce qui implicitement signifie que tout ce qui touche à l’islam ne pourrait être dit que par les musulmans eux-mêmes. Le caractère de victimisation qu’il porte dans cet état d’esprit a aussi eu tendance à exaspérer, en présentant en quelque sorte l’islam comme la seule chose qui ne pourrait supporter le débat démocratique au pays des idées. Ce terme a donc une forte connotation politique qui a eu pour effet de faire écran à l’ouverture d’un véritable dialogue avec nos concitoyens de confession musulmane.

Il y a une autre responsabilité. Celle des grands médias, a avoir repris ce terme sans nuance. Mais aussi parallèlement, du fait de parler systématiquement de « communauté musulmane » lorsque sont évoqués les musulmans (France info peut dire « 4 millions de musulmans commencent aujourd’hui le ramadan » au début du jeune), donnant l’impression d’un tout homogène, où la pensée démocratique ne circule pas, figé sur des préjugés religieux. Une situation alimentée par une partie des musulmans qui se sont affirmés à travers une visibilité propre à des manifestations vestimentaires qui ont rompu avec la neutralité de notre société sécularisée. Le port du voile est ainsi perçu comme la volonté de faire passer des valeurs religieuses avant celles de la société, et comme le refus du mélange au-delà de la communauté de croyance. Tout le contraire de la mixité sociale et culturelle qui est une valeur capitale de notre république égalitaire, qui ne survivrait pas à une séparation selon les différences.

La progression des communautarismes, des inégalités sociales et territoriales, au détriment du vivre ensemble, qui a contribué au développement de tensions et du repli sur soi, constitue une situation qui a encouragé le recours à l’argument de la lutte contre l’islamophobie.

Quels sont les défis l’islam pose à la société française ? Quelles sont les failles dans nos modes de pensées traditionnels qu’il révèle ?

Guylain Chevrier : Face à une minorité agissante qui a fait un usage outrancier de la lutte contre l’islamophobie, on a cédé sur la nécessité de tenir bon sur la laïcité. Ainsi, la laïcité qui assure la liberté de conscience de tous les citoyens s’est trouvée réduite aux yeux des différentes majorités à la seule « liberté religieuse » ou au dialogue inter-religieux. Au lieu de traiter les musulmans d’abord comme des citoyens, on a créé de toute pièce un organisme qui était censé les représenter, le Conseil Français du Culte Musulman, tendant à figer les possibilités d’une intégration républicaine par l’effet d’identification communautaire ainsi créé, dont certains ont su s’emparer pour jouer de cette logique. Les élus, peu ou prou, participent trop souvent au financement public des lieux de culte, croyant acheter ainsi la paix sociale. Des pratiques qu’a entérinées le Conseil d’Etat à travers toute une série de dérogations qui aménagent le principe de laïcité pour le vider de son sens. A l’école, sous couvert de laïcité, c’est l’obsession du renforcement de l’enseignement du fait religieux auquel on fait appel, pour organiser l’intégration des élèves par leurs différences. On a cru par là voir une solution au mal être qui règne, appuyant dans le sens de ce qui sépare alors qu’il s’agirait de redonner au contraire, au principe de laïcité, toute sa portée d’intérêt général. D’autant qu’elle culmine dans la protection des différences, à porter au-dessus de toutes le bien commun, assurant ainsi qu’aucune d’entre elles ne prenne le pouvoir sur les autres.

A l’affirmation de l’islam, on a répondu par le traitement égal des religions, ce qui a été une erreur. On a ainsi donné une réponse à un tout qui est en réalité hétérogène, avec des musulmans divers qui entendent pouvoir choisir leur façon d’exercer leur religion sans que l’on encourage à ce qu’on leur impose une seule façon de voir, par voie d’assignation. D’autant que nous avons affaire à une religion en mouvement.

Ghaleb Bencheikh : Interdire toute critique de l’islam, y compris de l’islamisme ou du fondamentalisme sous prétexte de l’islamophobie n’est pas sain. En revanche, ce que j’appelle la misislamie, c’est-à-dire, la haine de l’islam assumée et l’hostilité déclarée et revendiquée à l’encontre des musulmans est totalement inacceptable. Et elle doit tomber sous le coup de la loi.  Pour le reste, on ne peut pas avancer sans une critique constructive. Nous devons même en être demandeurs. Toute doctrine ou philosophie, toute théologie qui ne s’affirme pas dans  le débat, et qui fuit le choc des idées finit par s’atrophier et se vulnérabiliser. Il ne reste plus que le fanatisme pour essayer de survivre quelques instants.

Notre démocratie, fût-elle évolutive et perfectible, nous permet de vivre sous un ciel plus clément à Paris qu’à Riyad ou à Khartoum ou à Alger, et il incombe à nos compatriotes de confession islamique de poser un débat académique, intellectuel, porteur et émancipateur. Je suis atterré de voir que beaucoup parmi les musulmans sont plutôt dans une logique de religiosité sauvage, comme l’aurait dit le Cardinal Danielou, une religiosité crétinisante, davantage opérée de manière comptable sur le licite ou l’illicite pour rentrer au paradis et éviter de périr par le feu de l’enfer. Ceci n’est pas bon : les idioties sur les effets alimentaires ou vestimentaires reflètent l’idée que nous n’avons pas su sortir des basses-eaux d’une religiosité archaïque.

Comment cette dimension politique de l’islam se traduit-elle concrètement ?

Rémi Brague : En principe, l’islam considère les nationalités et les origines sociales comme secondaires par rapport à l’appartenance à la « nation » (umma) islamique. Dans l’histoire, telle que les musulmans se la racontent, on attribue toute sorte de maux à l’attachement exclusif à une nation particulière. Quant à savoir comment « les » musulmans de France ressentent leur appartenance à la France, comment ils la situent par rapport à d’autres appartenances, cela varie selon les individus.

C’est aussi nous qui rabattons certaines personnes sur leur identité musulmane, alors que nous pourrions les considérer, comme ils se considèrent eux-mêmes, comme pouvant être certes musulmans en matière de religion, mais aussi comme originaires de tel pays du Maghreb, du Levant ou d’Afrique noire, comme parlant tel langage (« les Arabes », quelle insulte pour les Berbères !), comme exerçant tel métier, etc.

Cette nature politique de l’islam est-elle compatible avec la conception française de la laïcité et de la liberté de conscience qui reposent sur l’idée que la religion relève de la sphère privée ? En quoi l’islam fait-il exploser nos catégories de pensée traditionnelles ?

Rémi Brague : Notre notion de « religion » est calquée sur le christianisme. Nous distinguons ainsi des activités que nous considérons comme religieuses, par exemple la prière, le jeûne, le pèlerinage, et d’autres qui, pour nous, ne relèvent pas du religieux, comme certaines règles de vie : interdictions alimentaires, vestimentaires, rapports entre sexes, etc. Or, pour l’islam, ce sont là des parties intégrantes de la religion. Ce qu’ils appellent « religion », c’est avant tout un code de comportement, une démarche à suivre (c’est le sens du mot sharia). Il en est ainsi parce que le Dieu de l’islam n’entre pas dans l’histoire, soit par alliance (judaïsme), soit en poussant l’alliance jusqu’à l’incarnation (christianisme), mais y fait entrer la manifestation de Sa volonté, sous la forme de commandements et d’interdictions. Le message divin est soit une répétition des messages précédents (un seul Dieu, qui récompense et punit), soit une législation la plus précise possible. Le judaïsme connaît lui aussi un code de conduite très précis, mais ce code ne vaut que pour les Juifs. L’islam, lui, dit que tout homme doit s’y conformer.

Nous avons du mal à le comprendre, mais l’islam est avant tout un système de règles qui doivent avoir force de loi dans une communauté. Ces règles peuvent être appuyées par l’Etat si celui-ci est musulman, auquel cas on aura une police spéciale pour assurer, par exemple, le respect du jeûne du ramadan ou la vêture des femmes. Mais si la pression sociale (parents, grands frères, etc.) ou la force de la coutume y suffisent, tant mieux. L’islam distingue une invocation de Dieu qui peut se faire en privé, et une prière publique, avec des formules et des gestes déterminés. C’est elle qui constitue l’un des cinq « piliers » de l’islam.

La laïcité, notre vache sacrée, n’est pas elle-même une idée très claire.

C’est une cote mal taillée, produit d’un compromis entre deux instances localisées et historiquement datées : l’Etat français du XIXe siècle et l’Eglise catholique. L’appliquer telle quelle à l’islam, à la mesure duquel elle n’a pas été taillée, entraîne des mécomptes. Le christianisme a l’habitude de séparer la religion et les règles juridiques ; pour l’islam, le seul législateur légitime est Dieu.

Pourquoi est-il important aujourd’hui de sortir de la confusion entretenue autour de l’islam ? Quels sont les faux débats qui ont pu émerger ?

Guylain Chevrier : Le temps est à une clarification vitale pour pouvoir avancer. Il s’agit d’inverser le sens des choses pour mettre en valeur l’apport d’une laïcité bien comprise par tous, s’exprimant à travers l’égalité de traitement devant la loi indépendamment de la religion, de la couleur ou de l’origine, donc un humanisme qui permet l’accès de chacun aux mêmes biens, économiques et sociaux par exemple, qui ne peut se négocier dans ses principes essentiels. Il n’y a pas de religion à exclure par principe de cette convergence, de la compréhension de cette communauté de biens, mais faut-il encore lever les confusions que comprend par essence le terme islamophobie.

Dans un contexte d’’agitation autour de la lutte contre l’islamophobie, on a vu monter les revendications religieuses à caractère communautaire d’une minorité de musulmans parfois très militants : jours fériés musulmans en remplacement de jours chrétiens en réalité laïcisés, revendications de salles de prières dans les entreprises qui ne sauraient être des lieux de culte, de piscines ouvertes à des horaires spécifiques uniquement pour des femmes ce qui est discriminatoire… L’affaire Baby Loup, qui a donné lieu aux pires procès en islamophobie, a été finalement un marqueur de la période pour montrer toute l’importance que tous se retrouvent sur les mêmes valeurs, et qu’au nom d’une religion ou d’une autre, on ne puisse imposer la reconnaissance juridique des particularismes qui conduisent inévitablement à la différence des droits.

Pour autant, ce n’est pas la première fois que cette crainte de l’islamophobie est factuellement déboutée. Entre islam et nation française, comment sortir de l’émotion pour revenir à la raison ?

Guylain Chevrier : A force d’utiliser l’argument de l’islamophobie pour empêcher le débat public sur les rapports qu’entretient la République avec l’islam, ses grands enjeux ramenés à la simple question de l’accepter ou de le rejeter, non seulement de la part du CFCM ou de l’UOIF, mais des grandes formations politiques, on a nuit à une nécessaire réflexion au regard des rapports entre cette religion et notre société. On a laissé se développer l’idée que la laïcité serait un instrument ne visant qu’à la stigmatiser et à la restreindre. Il faut montrer que c’est un outil de libération et que les règles qui s’appliquent à tous de manière universelle ne sont en aucune façon hostiles aux musulmans, mais au contraire, à ne pas leur faire un sort particulier et visent à ce qu’ils prennent toute leur place dans l’espace commun citoyen. Cela ne peut aller sans pointer c’est vrai, certains problèmes, telle l’égalité hommes-femmes contestée par les textes (Coran – Sourate 4), une des clés de voûte aujourd’hui de notre société.

Cela passe aussi par une réforme indispensable plus large de l’islam, comme le rappel l’anthropologue des religions Malek Chebel1, entre autres, en ce qui concerne la séparation du politique et du religieux, qui n’est pas encore acquise et est indissociable de la modernité démocratique. Les politiques ne devraient pas s’immiscer dans l’univers religieux en croyant pouvoir y influer en faveur de l’enseignement d’une religion apaisée, mais garantir le cadre qui place la religion en situation de devoir s’adapter à un ensemble dans lequel elle peut parfaitement trouver sa place en en comprenant le sens, et ce, sans toucher à la citoyenneté, première dans l’ordre de l’identité et de la reconnaissance de chacun au regard de tous.

Pour en savoir plus :  http://www.atlantico.fr

Les religions, un bien pour la République

 SignesReligieux

L’école joue un rôle déterminant dans l’éducation au vivre-ensemble. Rien d’étonnant, donc, qu’après le temps de l’émotion suscitée par les attentats à Paris et à Montrouge du 7 au 9 janvier, elle fasse l’objet d’attention. Jeudi dernier, la ministre de l’éducation nationale a fourni les détails de la « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » voulue par le président de la République : nouvel enseignement moral et civique, renforcement de l’éducation aux médias, renforcement de la formation des enseignants « à la laïcité et à l’enseignement moral et civique », célébration chaque 9 décembre de la Journée de la laïcité, participation des élèves à la semaine de lutte contre le racisme et l’antisémitisme…

Najat Vallaud-Belkacem a également demandé au Conseil supérieur des programmes de renforcer la place de l’enseignement du fait religieux dans le cursus scolaire. Depuis la remise du rapport Debray en 2002, la nécessité d’un tel parcours n’est plus discutée. Tout l’enjeu pour l’école publique est de savoir comment aborder le fait religieux et les textes fondateurs dans « un esprit de laïcité respectueux des consciences et des convictions », pour reprendre des termes officiels. D’où l’approche essentiellement historique, censée libérer les enseignants de leurs éventuelles préventions ou réticences.

Mais cette perspective n’est pas neutre. Elle cantonne le fait religieux au passé et tient implicitement l’expérience croyante comme quelque chose d’archaïque ou d’exotique, alors que celle-ci oriente la vie de nombreuses familles dans leur recherche du bien. La remise sur le chantier du programme d’enseignement sur le fait religieux gagnerait à dépasser ce jugement de valeur implicite. La République a besoin des religions parce que celles-ci animent et soutiennent des lieux concrets – à commencer par les familles – où s’incarnent et s’expérimentent les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. L’expérience et le fait religieux sont de bonnes choses pour l’unité républicaine. De cela un enseignement attaché à la laïcité doit aussi rendre compte.

Dominique Greiner

25/1/15 – 19 H 34

Pour en savoir plus : http://www.la-croix.com

Les attentats de Paris vus par les enfants

 

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Vendredi 9 janvier au soir, je suis venue à l’atelier affligée. L’après-midi, tous les quarts d’heure, une nouvelle alarme s’affichait sur mon téléphone. Entre les deux frères Kouachi retranchés dans une imprimerie en Seine-et-Marne, la prise d’otage en cours dans le supermarché casher Porte de Vincennes et la place Trocadéro évacuée, impossible de sortir de ma tête l’attentat qui s’est déroulé deux jours plus tôt dans la rédaction de Charlie Hebdo. Cette tragédie, pour sûr, il était essentiel d’en parler avec les CM, des enfants de 9-10 ans, qui participent depuis novembre aux ateliers Enquête au sein d’un centre social situé à Ménilmontant (Paris XXe). Mais comment faire au mieux vu les circonstances ? Avant la séance, Marine, notre coordinatrice, me conseille de partir de leurs connaissances et de travailler à partir de questionnements. Elle me rappelle aussi que leur enseignant à l’école a normalement déjà fait le point avec eux sur ces terribles événements. Ce qui me rassure un peu : je pourrai construire un dialogue à partir d’une réflexion déjà entamée.

« C’est la guerre ! »

Une fois arrivée, Laetitia qui supervise les ateliers au centre social, m’indique qu’aucune séance n’a été effectuée avec les enfants pour revenir sur l’attentat de Charlie Hebdo. Elle-même a néanmoins répondu aux questions des jeunes qui ont exprimé des réactions vives ces derniers jours, comme cette jeune fille qui a déclaré aux autres : « C’est la guerre ! »

Abou Bakr arrive, puis c’est au tour de Rama. Pendant que je termine mes préparatifs pour cette séance dédiée à Muhammad*,  le dernier prophète de l’islam – le hasard fait parfois bien les choses, c’est le thème du jour dans le programme des ateliers -, je leur propose de débuter par une discussion sur les événements de la semaine. Abou Bakr n’attend pas une seconde pour râler : « Oh non ! Notre maitresse nous a déjà parlé de Charlie Hebdo pendant deux heures ! » Je lui réponds que si tout est clair et bien en place dans sa tête, nous continuerons la suite du programme.


« J’ai rigolé pendant la minute de silence »

Une fois qu’ils sont assis, je leur demande de m’expliquer ce qui s’est passé cette semaine. En forme, Abou Bakr se lance dans un long récit un peu confus et désordonné qui raconte l’itinéraire de ces deux frères dont l’un a été en prison et qui ont tué 12 personnes à Charlie Hebdo. « Pour moi, c’est pas des musulmans ! ». C’est à ce moment-là que Rama intervient. Pas d’accord, elle pense de son côté que ce sont des musulmans. Je les laisse se disputer un peu avant de poursuivre ; je reviendrai ensuite sur ce point de mésentente. Tous les deux s’opposent aussi quant au nombre de morts. Sur ce sujet, je leur dit que ce nombre n’est pas l’objet de notre discussion mais que ce qui compte, c’est sa dimension dramatique et que les personnes décédées sont des journalistes, des policiers et un agent d’entretien. Je relance alors Rama pour qu’elle me donne sa version.

Ce qui lui importe surtout, c’est de me raconter qu’elle a rigolé pendant la minute de silence jeudi à son école : « Mais faut m’excuser, j’ai une copine qui rigolait aussi et j’ai pas pu m’empêcher ». Elle se répète, y revient à plusieurs reprises, comme si elle avait besoin qu’on lui pardonne. « Ok, je comprends, c’est dommage, ca arrive parfois quand on est mal à l’aise, mais ne t’inquiète pas. » Je complète cependant en insistant sur le fait que ce temps de silence était important et symbolique, « symbolique, comme la notion de symbole que nous avons vu récemment, vous vous souvenez ? Ca veut dire quelque chose de commun, de partagé, et qui a le même sens pour tous. Dans ce contexte, de dire que tous ensemble, on n’est pas d’accord ». Puis je reviens avec eux sur leurs désaccords, en leur expliquant qu’il s’agit en effet de musulmans mais que ces terroristes ne représentent qu’une partie des musulmans qui vivent leur foi de manière violente et radicale.

Pas le temps de développer car Abdel Rahim, plus âgé que les deux autres, débarque dans l’atelier. Je l’accueille et lui demande de me raconter également les événements. Il me parle alors des morts et m’affirme que l’attentat s’est déroulé à Pantin où apparemment sa sœur était présente aux moments des faits. Comme Abou Bakr, il est pris par le déroulé de l’actualité, déclinaison de l’actualité en continue, comme avalé par le défilé des images. Sans analyse…. Je précise que la tuerie a eu lieu dans la rédaction de Charlie Hebdo, située près de la place de la République.

 

Des stylos en l’air

Pour être sûre de leur compréhension, je les questionne : « Savez-vous ce que c’est, Charlie Hebdo ? » Je les aide un peu ; ils finissent par me répondre qu’il s’agit d’un journal. Ils semblent avoir des difficultés à comprendre ce qu’est une rédaction, notion que je m’attache à leur clarifier. Ils ont aussi du mal à définir la spécificité du journal ; ce qui explique, peut-être, qu’aucun d’entre eux n’ait évoqué les caricatures de Muhammad. « C’est quoi une caricature selon vous ? » Yeux ouverts mais muets, ils ont du mal à répondre. Je leur propose une définition : « Ce sont des dessins qui reprennent des faits d’actualité, souvent en se moquant ».

Je leur explique que Charlie Hebdo a publié, il y a quelques années, des caricatures du prophète de l’islam. Que celles-ci ont blessé de nombreux musulmans. Et je poursuis avec la liberté de la presse, la liberté d’expression : « Pour autant, il est important dans une démocratie, dans notre pays, de laisser la possibilité à chacun de s’exprimer, notamment la presse, tout en respectant les lois ». Pour leur donner une illustration concrète, qui les aide souvent à comprendre, je leur rappelle que je suis journaliste et que personne n’a le droit de me tuer pour un article publié. Cela irait, comme pour Charlie Hebdo, à l’encontre à la fois de l’interdit du meurtre mais aussi de la liberté de l’expression qui fait partie des valeurs républicaines. Ce qui explique que de nombreuses personnes, qui sont venus rendre hommage aux journalistes et aux policiers mercredi soir, brandissaient un stylo en l’air, « Encore un symbole ! La notion revient souvent ce soir… il s’agit du symbole de la liberté de pouvoir s’exprimer, de pouvoir se moquer ». Etant moi-même place de la République le 7 janvier au soir, je leur raconte comment cet hommage, très silencieux, s’est déroulé, tout en leur montrant des photos publiées dans Le Petit Quotidien des différentes manifestations organisées dans le monde.

 « Et que signifie « Je suis Charlie » qu’on voit partout ? ». Ils ne savent pas plus. Je reparle de symbole – décidément le fil conducteur de la séance -, pour montrer que cette petite phrase est un raccourci pour dire qu’on refuse ce qui s’est passé.
Il me semble que nous pouvons passer à la deuxième partie de l’atelier dédiée à Muhammad. Après un jeu de devinette sur ce nom, je demande à ces enfants, pourtant pour la plupart musulmans, ce qu’ils connaissent de ce personnage. Hormis qu’il s’agisse d’un prophète de l’islam, tous donnent leur langue au chat. Il ne s’agit pas ici d’aborder la transmission de la foi, mais bien la transmission laïque de connaissances sur les religions et la laïcité ; le travail en leur compagnie n’est pas terminé…

*L’association Enquête a fait le choix, dans ses différents outils,  d’évoquer le prophète musulman par la transcription « Muhammad », et non pas « Mahomet ». Celui-ci  se justifie à la fois par la plus grande proximité de cette forme avec sa forme arabe et d’autre part car l’utilisation de « Mahomet », transmise depuis au moins l’époque des croisades, souvent dans des ouvrages polémiques, renvoie à une connotation péjorative.

Alice Papin

le 27.01.2015 à 10:57

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Najat Vallaud-Belkacem détaille les mesures pour réaffirmer les valeurs républicaines à l’école

Laïcité et valeurs républicaines, apprentissage de la citoyenneté, réduction des inégalités : la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem a détaillé jeudi 22 janvier des mesures pour un coût de plus de 250 millions d’euros sur trois ans, au nom de la « mobilisation » de l’école pour la République après les attentats à Paris et les incidents qui ont suivi dans certains établissements.
L’école « ne tolère aucune remise en cause des valeurs de la République », a souligné Najat Vallaud-Belkacem, affirmant vouloir lutter contre le « repli identitaire », les « théories du complot », la « défiance » à l’égard des médias et le « péril du relativisme généralisé ».

Laïcité, enseignement moral et civique

L’accent est mis sur la laïcité. Un plan de formation continue exceptionnel va être mis en place pour « 1.000 premiers formateurs formés d’ici juillet » à « la laïcité et à l’enseignement moral et civique », selon le ministère. Par ailleurs, lors du concours de recrutement des enseignants, les candidats seront désormais « évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République ».

La ministre de l’éducation veut aussi sévir contre les comportements mettant en cause les valeurs de la République. « Ils seront systématiquement signalés au directeur d’école ou au chef d’établissement et seront suivis d’un dialogue éducatif avec les parents et, le cas échéant, d’une sanction disciplinaire », prévient Najat Vallaud-Belkacem, en promettant aussi de développer « un portail de ressources destinés à lutter contre le racisme et l’antisémitisme ».

 

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Najat Vallaud-Belkacem a mis l’accent sur la laïcité (photo AFP).
 

« La question de l’autorité à l’école se pose », a martelé la ministre, jugeant que la formation est inutile si les enseignants « continuent à être trop souvent perturbés dans leur enseignement ». Elle a donc promis qu’elle ne tolérerait « aucune faiblesse contre les comportements » qui « portent atteinte » aux enseignants, appelant à l’extension, parmi les sanctions, des travaux d’intérêt général.
Les rites républicains – hymne national, drapeau, devise – seront « expliqués » et « valorisés » afin de « rétablir l’autorité des maîtres ». Et une journée de laïcité sera célébrée chaque 9 décembre dans tous les établissements.

Un « nouveau parcours citoyen » de l’école élémentaire à la terminale s’articulera notamment autour du nouvel enseignement moral et civique, prévu dès la prochaine rentrée, d’une éducation aux médias et à l’information, ou encore de l’incitation à débattre et à argumenter dans les classes. « Le parcours citoyen sera évalué à la fin de la scolarité obligatoire selon des modalités qui seront définies au printemps », précise le ministère.
Des ressources seront produites sur « la pédagogie de la laïcité et pour l’enseignement laïque du fait religieux », ajoute le ministère sans préciser les modalités.
Autre annonce : la création d’une « réserve citoyenne » d’appui aux écoles et aux établissements dans chaque académie. Les bénévoles d’associations ainsi que les délégués départementaux de l’éducation nationale « seront notamment sollicités pour y participer ». La ministre veut aussi « associer pleinement les parents d’élèves ». Aussi, un comité départemental d’éducation à la santé et à la citoyenneté sera créé et les espaces parents seront développés. Ces comités locaux seront destinés à être « une instance de réflexion sur les protocoles de communication vis-à-vis des parents d’élèves lors des situations d’urgence ».

Lutter contre les inégalités

La maîtrise du français est « un chantier prioritaire ». Il y aura une évaluation du niveau des élèves en français en début de CE2.

« L’école républicaine, gratuite et laïque, est en première ligne, a déclaré le premier ministre Manuel Valls. Au fil des années, notre école a dévié de son cap. Elle reproduit les inégalités ». Pour mieux aider les enfants en situation de pauvreté, les fonds sociaux seront augmentés de 20 %, a annoncé Najat Vallaud-Belkacem.

Concernant les jeunes placés sous contrôle de la justice après un acte de délinquance et pour les jeunes détenus, le gouvernement lance « une mobilisation en faveur de la poursuite de l’enseignement et de l’acquisition des compétences fondamentales ». Enfin, face aux risques de repli chez les jeunes pouvant représenter un risque pour eux-mêmes et la vie collective, « un meilleur repérage » aura lieu avec « la formation renforcée des chefs d’établissements » et « le contrôle renforcé de l’instruction à domicile ».

Avec AFP
En savoir plus sur http://www.fait-religieux.com

Rafaël Liogier sur la polémique des crèches : « On est dans la confusion totale »

RafaelLiogier

Raphaël Liogier est professeur de sociologie à Sciences Po Aix. Directeur du Master « Religion et société ».

Entretien avec Rafaël Liogier :

Cette polémique autour des crèches est-elle ridicule ou dans l’air du temps ?
Raphaël Liogier : « Les deux ! C’est aussi l’air du temps qui est ridicule. On est dans la confusion totale sur le contenu de la loi de 1905. D’abord, celle-ci acte la séparation de l’Église et de l’État. En aucune façon, celle du politique et du religieux, sinon le Parti démocrate chrétien serait interdit ! Avec cette loi, on signifie à l’Église qu’elle ne doit pas faire d’ingérence dans la chose publique et à l’État qu’il ne peut financer des églises, sauf en cas de problèmes sanitaires ou de sécurité. Ensuite, la loi de 1905 exprime un principe d’égalité dans l’expression de toutes les religions et non pas leur interdiction. Enfin, la neutralité s’impose aux agents publics et non pas aux lieux publics. Dire le contraire est choquant et un non-sens : l’espace public ne peut être neutre car cette loi consacre au contraire la liberté d’expression des cultes. Ce sont les représentants de l’État qui doivent rester neutres. »

En affichant ostensiblement une croix sur sa poitrine, Maryse Joissains-Masini transgresse-t-elle le principe de neutralité imposé par la loi ?
R.L. : « Sa croix peut être critiquable car elle est officier public. Elle représente la République et les forces de l’ordre sur le territoire d’Aix. Elle se doit d’être neutre. »

Ce débat ne signifie-t-il pas que la société ne souhaite plus voir de signes ostentatoires de traditions cultuelles mais aussi culturelles ?
R.L. : « Cette confusion ne se fait pas au hasard. On se rend compte, depuis les années 2000, que les sociétés européennes sont en crise d’identité : elles sont atteintes sur le plan économique et dans leur image d’elles-mêmes. Progressivement, la laïcité, au lieu d’être un principe, a glissé vers un instrument de défense de notre identité nationale. On est dans le populisme, où des gens s’expriment au nom du peuple tout entier. Le Front national de Marine Le Pen, par exemple, défend une laïcité vidée de son contenu pour attaquer la religion musulmane mais comme il est populiste, il reste attaché aux valeurs judeo-chrétiennes. Il est à la fois progressiste et traditionaliste pour tout attraper. »

Et la libre-pensée que souhaite-elle ? Agit-elle par souci d’équité ou est-elle animée par une volonté de gommer toute différence entre les cultures ?
R.L. : « C’est une fange de la gauche républicaniste et athée qui fantasme une République parfaite nettoyée de tous signes religieux. Non seulement c’est impossible à faire, mais cela n’a jamais été le but de la loi de 1905. La tradition chrétienne a été là, persistante pendant des siècles. Tout ceci est le signe d’une crise identitaire où on essaie de trouver des coupables. Tout le monde suspecte tout le monde de vouloir détruire son identité. »

Au final, la crèche est-elle un emblème religieux ou l’expression d’une tradition culturelle ?
R.L. : « Ça dépend de qui regarde. Mais c’est avant tout un lieu de rencontres et de festivités. Regardez le Père Noël ! C’est à Shanghai et Téhéran qu’il y en a le plus et pourtant ces deux villes ne sont pas réputées pour être un haut lieu du christianisme ! Par ailleurs, de plus en plus de personnages décalés apparaissent dans les crèches… Encore une fois, l’esprit de 1905 n’est pas de faire table rase mais de trouver des compromis. 1905, c’est de la négociation. »

Le santon, éternel sujet de polémique…

Cette année, il a fait le buzz, mais la polémique ne date pas d’hier. En 1563, le Concile de Trente, exigeant plus de rigueur dans l’expression de la foi des fidèles, avait interdit le boeuf et l’âne dans la Pastorale ! Deux santons aujourd’hui incontournables, à condition de ne pas être « tunisiens »…

Ces santons créés à la chaîne se sont attiré les foudres des adeptes du made in France, voire du made in Provence, renvoyant aux grincements de dents des puristes lorsque Fernandel ou autres figures contemporaines sont apparues à côté des Rois mages. À Aix, les six santonniers habilités pour la foire revendiquent « rester dans la pure tradition de la pastorale », en élargissant un peu à la Provence. On y met le maire et le curé mais pas encore de figurine à l’effigie de Maryse Joissains. À Marseille, plus rebelle, le pas a été franchi dans la mairie des 2e et 3e arr.

On y fait crécher ensemble Religion et République. Le maire de secteur, Lisette Narducci (div. gauche), arborant fièrement son écharpe tricolore, trône à l’entrée de la grotte de la Nativité. Et cette « crèche républicaine » n’a encore pas été vouée aux gémonies par la libre-pensée…

Laetitia Sariroglou

Pour en savoir plus : http://www.laprovence.com

La place de la religion dans la République

La place de la religion dans la République

JeanPicq

VOTRE FRANCE INFO par Bernard Thomasson mercredi 21 mai 2014

Jean Picq, magistrat à la Cour des comptes, enseigne à Sciences Po les rapports entre politique et religion et vient de publier « La liberté de religion dans la République », chez Odile Jacob.

Comment concilier l’exigence de neutralité, que la laïcité impose à l’Etat, et le besoin légitime qu’éprouvent les croyants d’exprimer leurs convictions religieuses, y compris dans l’espace public ?

La religion peut-elle rester circonscrite au for intérieur, comme le veut une tradition républicaine française défensive, voire méfiante, à l’égard de l’expression religieuse ?

La laïcité, la république et le religieux

Jean Picq va puiser chez les philosophes politiques – de Spinoza à Claude Lefort, de Paul Ricœur à Marcel Gauchet –pour défendre une laïcité plurielle et ouverte. Il montre qu’elle est fondamentalement un art de vivre ensemble. Encore et toujours à construire.

« On met la laïcité à toutes les sauces et il n’y a pas de définition absolue. La loi de séparation entre l’Eglise et l’Etat, de 1905, dit qu’il y a séparation entre l’Etat et les religions et elle donne des libertés fondamentales« , explique Jean Picq.

Le combat entre la religion et la politique a toujours existé et partout dans le monde l’homme est entre la politique et la religion. « Le principe de séparation est absolue. Les religions n’ont pas à imposer quoi que ce soit en morale ou en matière de mœurs à l’Etat, et l’Etat n’a pas à instrumentaliser la religion à des fins politiques. »

La liberté de religion dans la République, chez Odile Jacob.

http://www.franceinfo.fr/emission/votre-france-info/2013-2014/la-place-de-la-religion-dans-la-republique-05-21-2014-14-21