Formation « Rites en Soins Palliatifs » à Lyon

SappelAout2014bis

Intervention de Marie DAVIENNE – KANNI à l’Ecole Rockefeller à Lyon (IFSI) ce mardi 25 novembre dernier : une matinée de formation sur les rites religieux et laïques en soins palliatifs.

Les étudiants en troisième année d’études en Soins Infirmiers ont été attentifs à l’approche des rites et de leurs fonctions, à l’analyse de l’intrusion de la maladie et l’approche de la mort au sein des familles.
Une troisième partie portait sur une approche rapide des fondements des trois religions monothéistes : la religion juive, chrétienne catholique et musulmane. En rapport avec ses trois religions, les fêtes et rites, et notamment le rapport à la vie et à la mort.

Une ouverture a été faite sur les nouveaux rites mortuaires.

Un temps de questions-réponses a clôturé la formation.

SignesReligieux

Multiculturalisme américain ou assimilation à la française : le match des modèles

Barack Obama

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Barack Obama a annoncé un plan visant à régulariser la situation de millions d’immigrés illégaux. Le décryptage de François Durpaire.


François Durpaire est historien des Etats-Unis. Il est également responsable de l’antenne de France Diversité Médias TV.


FigaroVox: Le président américain a annoncé un plan de régularisation de la situation de plusieurs millions d’immigrés illégaux. La presse américaine parle de 5 millions d’immigrés. Le sujet de l’immigration est-il aussi sensible aux Etats-Unis qu’en France?

François DURPAIRE: Si le sujet reste très sensible, le fond du débat diffère. Les Etats-Unis se vivent avant tout comme un pays d’immigration. Tous les Américains, y compris les opposants à la régularisation des migrants, partagent l’idée que l’immigration est une richesse pour la nation. Le Président Obama, ainsi, a particulièrement insisté sur ce point, rappelant qu’ils participent au développement économique du pays. Les Américains savent que dans leurs universités, considérées comme les meilleures du monde, un quart des professeurs est né à l’étranger ; ils savent que Windows est un produit certes imaginé par Microsoft, mais élaboré avant tout par des ingénieurs indiens. En d’autres termes, ils reconnaissent l’apport de l’immigration à leur pays.

Le débat, aux Etats-Unis, porte donc moins sur le fond du problème, sur l’acceptation ou non d’étrangers, mais plutôt sur les modalités d’accueil, sur l’ampleur de la vague migratoire. Les Etats-Unis s’assument comme une terre d’immigration, et ce constat n’est nullement remis en cause. Par exemple, la grande loi de 1921 sur l’immigration ne cherchait pas à l’interdire, mais plutôt à la contrôler, en instaurant des quotas par nationalité.

Les Etats-Unis étant un pays entièrement construit sur l’immigration, leur approche de la question est-elle différente? En quoi?

En France, comme aux Etats-Unis, de nombreuses voix s’élèvent pour dire que l’immigration est en soi une chance, à partir du moment où elle reste contrôlée, légale. Toutefois, une remise en cause de l’immigration est apparue en France ces dernières années, poussée par l’extrême-droite.

L’approche américaine est plus pragmatique, au contraire de la nôtre, plus humaniste: la question fondamentale, aux Etats-Unis est celle de l’apport de l’immigration. Qu’est-ce qui est le mieux pour le pays? C’est ainsi qu’un élu de la mairie de New York a pu dire, en parlant de l’immigration illégale, que «ce qui est bon pour les sans-papier est bon pour la ville de New York»: la régularisation permet en effet à l’Etat de collecter davantage de taxes et d’impôts, grâce à l’arrivée de ces nouveaux citoyens. La droite française, réunie autour de Nicolas Sarkozy, a voulu s’inspirer de cette vision. Cependant, il lui manquait un élément essentiel: là où les Américains voient fondamentalement l’immigration comme une richesse, une chance, la France la regarde d’un œil plus réservé. Il manquait donc au gouvernement cette vision positive du phénomène migratoire.

Enfin, les Etats-Unis partagent avec leurs voisins mexicains du sud une frontière immédiate, terrestre, là où la Méditerranée fonctionne comme une barrière naturelle entre l’Europe et les pays du Sud. Les problématiques diffèrent donc d’un point de vue géographique et juridique, les Etats-Unis étant uni au Mexique par l’ALENA.

Le patriotisme américain, parfois moqué, est-il un puissant facteur d’unité?

Tout à fait. On voit ici ce qui peut sembler, vu de France, comme un paradoxe: l’Amérique est un pays multiculturel, où coexistent des populations d’origines variées ; toutefois, la mise en avant de cette diversité va de pair avec une puissante dynamique d’assimilation. En d’autres termes, c’est dans la diversité que se forge l’unité américaine, comme le rappelle la devise du pays, E pluribus unum. La diversité culturelle de la nation se met au service de l’unité américaine.

Le fameux «melting pot» américain ne souffre-t-il pas malgré tout aussi de certaines contradictions? Qu’en est-il de la guerre culturelle qui divise les Etats-Unis entre blancs pauvres et minorités ethniques?

On peut d’abord rappeler l’évolution du modèle d’assimilation à l’américaine, pour comprendre la réalité actuelle.

Dans un premier temps, on parle de «melting pot», où la diversité fusionne dans un creuset unique. Il s’agit du modèle originel, largement théorique.

Dans les années 1960, ce modèle révèle ses limites et finit par exploser. Les noirs américains, notamment, sont encore mis à l’écart, ne peuvent entrer dans les mêmes écoles, transports ou loisirs que les blancs. On passe alors au «salad bowl», autrement dit la cohabitation d’éléments différents, et la mise en avant de la diversité. Ce modèle est basé sur un multiculturalisme célébré.

Enfin, nous sommes entrés depuis peu dans une troisième phase que certains appellent le «new melting pot». Celui-ci passe par un retour à l’idée de brassage et de fusion de tous les éléments différents dans l’unité du pays. Ce modèle est la conséquence directe de deux évolutions. D’une part, l’explosion de la mixité, du métissage, jusqu’ici occulté par la société: je rappelle que les mariages entre noirs et blancs étaient interdits dans certains Etats du sud jusqu’en 1968! D’autre part, la forte vague migratoire hispanique, minorité qui s’intercale entre blancs et noirs. Une majorité d’hispaniques se marie aujourd’hui avec des non-hispaniques, et les familles, les cultures, sont de plus en plus mélangées. Cette diversité réelle, et non plus théorique, a causé l’apparition de ce troisième modèle, que certains qualifient de «mestizo melting pot».

Par conséquent, votre question me paraît caricaturale. Les problématiques sociales et ethniques sont bien plus complexes qu’une simple opposition entre ouvriers blancs d’une part, et minorités ethniques d’autre part. Comme on l’a vu, un brassage très important a vu le jour, notamment au sein de la classe moyenne américaine, et rend invalide votre distinction. Toutes les universités américaines mènent aujourd’hui des recherches poussées sur ces points, sur les rapports complexes entre classe sociale et groupe racial. Votre distinction ne rend donc pas assez compte des réalités complexes du terrain: ainsi, Ted Cruz, d’origine hispanique, est aujourd’hui l’un des principaux opposants républicains à Barack Obama, vent debout contre la régularisation d’immigrés illégaux également hispaniques…

La France est aujourd’hui minée par une grave crise de l’intégration, comme en témoigne le phénomène de djihadistes français. Celui-ci est-il envisageable aux Etats-Unis?

Ce genre de phénomènes arrive bien évidemment aux Etats-Unis comme au Canada. On l’a vu lors de la fusillade à Ottawa, ou encore pendant les attentats de Boston. Des ressortissants américains sont actuellement au Moyen-Orient pour faire le djihad, comme en Europe. Nos sociétés, pourtant basées sur des modèles différents, et une vision plus ou moins positive du multiculturalisme, sont donc aujourd’hui confrontées aux mêmes défis.

Pour autant, la situation diffère entre la France et les Etats-Unis, à partir du moment où l’on considère l’ensemble des jeunes, plutôt que ceux qui partent faire le djihad. En Amérique du nord, plus qu’en France, un jeune dont les parents sont étrangers puis naturalisés se dira volontiers américain, tandis qu’un Français dans la même situation se considèrera davantage sénégalais, algérien ou chinois. Ce phénomène se voit dans les enquêtes d’opinion, et les sociologues l’analysent en disant que la nationalité déclarée diffère de la nationalité ressentie. Cette différence s’explique par la force d’assimilation américaine, ainsi que par le rôle de l’école américaine dans ce processus: on y apprend la citoyenneté, le rôle du drapeau, et l’appartenance à la nation.

La pensée française reste, à mon sens, largement plongée dans une fausse dichotomie caricaturale entre le modèle républicain qui nierait les différences, et le modèle américain qui les célèbrerait. L’opposition est, dans les faits, bien moins caricaturale: par exemple, le best-seller de la IIIème République était Le Tour de la France par deux enfants, livre mettant en avant la diversité de notre territoire, précisément pour promouvoir l’unité du pays. Les deux pays inventent en fonction des périodes historiques des manières différentes de faire vivre la dialectique diversité-unité.

Paradoxalement, la crise identitaire en France n’est-elle pas la conséquence de l’importation du modèle multiculturaliste américain?

On pourrait dire l’inverse: n’est-ce pas justement le refus d’intégrer la diversité des héritages qui ont forgé notre nation qui ont exclu de notre récit commun certains de nos enfants? Un élève américain de 2014 apprend à coder, mais il apprend aussi ce que c’est que d’être américain. Et il n’apprend pas la même chose que son semblable de 1964. L’héritage amérindien ou noir, par exemple, est désormais présent dans les manuels scolaires. Qu’en est-il en France? Les enfants français ont-ils le sentiment de partager des valeurs, des ancêtres, une histoire en commun? Apprend-t-on la Marseillaise à l’école, et avec elle la compréhension de ce qui a forgé notre vivre ensemble?

La réponse à ces questions est à mon sens essentielle pour construire une assimilation à la française réussie. C’est plus complexe que la simple opposition «multiculturalisme américain/républicanisme français»… A l’époque des vagues d’immigration polonaises ou italiennes, l’école assumait une vocation de socialisation ; qu’en est-il aujourd’hui?

Pour en savoir plus : http://www.lefigaro.fr

Esquisse pour une discussion sur la tolérance

KarenBarkey

La tolérance est une condition de la diversité. La diversité religieuse et ethnique a existé dans la plupart des sociétés mondiales au cours de longues périodes historiques. La diversité a parfois conduit à la brutalité et à la violence mais également à différents types d’arrangements ayant favorisé la coexistence pacifique. Une analyse sociologique de la tolérance devra mettre en évidence les conditions dans lesquelles les notions et les pratiques de la tolérance émergent au sein d’une société et de son régime politique, le rôle des différentes autorités publiques et des groupes sociaux, les limites érigées entre les groupes et les ressources auxquelles les acteurs ont accès. Dans mon travail sur la tolérance, j’entreprends une approche relationnelle qui souligne la puissance des relations entre les groupes afin de constituer des aboutissements tolérants. J’ai souligné en particulier le rôle des pouvoirs publics ainsi que les relations entre les autorités et les communautés de la différence.

Comment penser la tolérance?

Il existe plusieurs manières de penser la tolérance:

Je définis plus ou moins la tolérance comme l’absence de toute persécution; l’acceptation d’une pluralité de religions, mais pas nécessairement leur acceptation à part entière dans la société comme membres ou communautés. La tolérance peut signifier l’acceptation de la « différence » ainsi qu’un manque d’intérêt au-delà de l’instrumentalité afin de maintenir un système politique cohérent. Comme le suggère Ira Katznelson, « La tolérance répond à certaines des caractéristiques les plus difficiles et les plus persistantes des relations sociales humaines. Lorsque la haine se combine avec la hiérarchie, les individus et les groupes sont exposés au fanatisme et au danger. La tolérance est un acte de soutient et de permission. C’est le choix de ne pas agir, malgré la capacité d’agir. » [1]

La tolérance implique donc le « non agir » résultat de l’action réfléchie et stratégique qui entraine la retenue. Elle relève d’un choix, opéré par les pouvoirs publics, ainsi que par les groupes sociétaux, visant à répondre à la commande et à la modération. En ce sens, la tolérance est toujours essentielle à de nombreuses sociétés où la diversité et la différence sont la norme et au sein desquelles les groupes revendiquent fortement leur groupalité en tant qu’identités essentialisées. La tolérance demeure ainsi une valeur fondamentale des sociétés humaines, puisqu’elle nous met en garde en nous engageant à faire preuve de retenue. C’est une des façons de définir la tolérance que de se référer au concept durable des préoccupations persistantes de la vie dans les sociétés faisant face aux difficultés de la diversité.

Il existe une autre manière de penser la tolérance qui présente des similitudes dans l’absence de persécution et l’acceptation de la pluralité des religions. Mais elle va plus loin en mettant en avant des arguments sur la valeur de la pluralité des religions, articulés autour d’un cas où chaque groupe est présenté comme apportant quelque chose de différent et d’utile à la société et aux régimes politiques. En ce sens, nous dépassons la compréhension pragmatique de la tolérance dont la clé consiste à conserver l’altérité et à maintenir la paix en l’absence de toute appréciation. Il est question d’acceptation à un autre niveau, qui incite et implique le respect. Ces deux options ont existé dans des contextes impériaux et je tiens à préciser que le plus souvent les autorités publiques s’engagent dans la première forme de tolérance et qu’ensuite les forces sociales et politiques peuvent conduire à une transition vers une forme plus large et plus reconnaissante. Je vais revenir à des exemples.

Pourtant, la tolérance n’est pas la seule forme de diversité et, bien souvent, tolérance et persécution peuvent travailler main dans la main. Au sein de nombreux empires, par exemple, la tolérance a été accordée à certains groupes, tandis que d’autres ont été persécutés. Par conséquent, toute étude de la tolérance doit également tenir compte de son contraire: la persécution ou même d’autres politiques telles l’assimilation, l’exclusion, etc. Les régimes impériaux ont par exemple maintenu la loi sur la diversité religieuse et ethnique à travers une variété de politiques allant de la « tolérance » de la diversité et son incorporation, à la conversion forcée et à l’assimilation. Les différents résultats sont le fruit de la pensée religieuse, utilitaire et stratégique en matière de diversité. La stratégie pourrait conduire les élites étatiques à modifier leurs politiques. La tolérance et la persécution peuvent se produire de manière très rapprochée dans le temps et à tour de rôle. Les États peuvent tolérer certains groupes tout en en persécutant d’autres. Ces exemples indiquent que la tolérance peut être partielle et qu’elle n’est certainement pas une condition offerte à tous.

L’exemple de l’empire ottoman

Une tolérance pragmatique et étendue a simultanément émergé dans l’empire ottoman, principalement en regard de nombreux groupes non-musulmans constitués de chrétiens et de juifs. Les Ottomans, en conquérant les Balkans au début du XIVe siècle et en s’établissant dans la péninsule, se sont retrouvés nettement moins nombreux que les chrétiens. Dans ces circonstances, ils ont pratiqué une approche pragmatique face aux chrétiens, les accueillant, leur offrant des privilèges et essayant essentiellement d’obtenir leur consentement à une forme de tolérance tout en maintenant la paix et en rendant la coexistence possible. En admettant de nombreux guerriers chrétiens dans leurs rangs, ils ont également compris la nécessité d’une sorte de projet commun regroupant chrétiens et musulmans.

Au-delà de cette coopération initiale, les pratiques locales communautaires ont également travaillé à promouvoir cette coexistence. Les actions des dirigeants des derviches soufis ayant figuré parmi les meneurs de la colonisation des Balkans ont été particulièrement essentielles face à un tel événement indigène. Alors qu’ils passaient les frontières et s’installaient, les chrétiens ont lancé leurs propres mouvements hétérodoxes dans les Balkans, souligné les similitudes transfrontalières et initié une pratique locale de la tolérance entre les groupes. Au fil du temps, les nouveaux arrivants musulmans et les chrétiens ont pris pleinement connaissance les uns des autres, partagé des espaces profanes et sacrés, innové dans leurs relations et se sont sensibilisés aux traditions de chacun. Une pratique étatique favorisant l’hébergement et la coexistence sociale locale s’est constituée à travers ces premiers siècles de conquête et de contact avec la différence.

Après la conquête d’Istanbul, empressés d’acquérir une légitimité internationale, les Ottomans ont plus sûrement positionné leur pluralisme non seulement comme un choix pragmatique, mais aussi comme une politique d’intégration positive. Mehmed le Conquérant (1451-1481) a instauré la première série d’accords entre les communautés et l’État, des accords périodiquement renouvelables assurant la sécurité, l’autonomie et la protection des communautés non-musulmanes en échange d’une taxe supplémentaire, la cizye. Les sultans ont continué à être les dirigeants musulmans légitimes, l’empire a été considéré comme un empire musulman, néanmoins, il était entendu qu’il n’y avait pas lieu d’imposer leur religion aux non-musulmans vivant en paix sur leurs terres et qu’il n’était pas nécessaire de transformer la différence en similitude.

Ainsi, les sultans ne faisaient pas preuve de neutralité en ce qui concerne leur religion et la religion de l’empire, mais ils avaient choisi de protéger les autres religions. Nous trouvons des exemples de cette pensée dans les édits et les écrits des sultans. Le sultan Soliman le Magnifique (1520-1566) lorsqu’on lui a demandé, par exemple, si les Juifs devraient être exterminés de son empire, puisqu’ils en étaient les usuriers, a répondu en demandant à ses conseillers d’observer un vase de fleurs multicolores et de formes variées en les avertissant que chaque fleur, avec sa propre forme et sa propre couleur, ajoutait à la beauté de l’autre. Il a ensuite affirmé qu’ il « régnait sur beaucoup de nations différentes — Turcs, Maures, Grecs et autres. Chacune de ces nations contribuant à la richesse et à la réputation de son royaume, et afin de prolonger ce bienheureux contexte, il jugeait sage de continuer à tolérer ceux qui vivaient déjà ensemble sous son règne. » [2]

Diversité impériale et tolérance sélective

Ce qui se cache derrière le choix des politiques de tolérance des États impériaux est complexe. Il peut s’agir d’une compréhension religieuse de la diversité, d’un passé culturel baigné dans la diversité, d’une décision particulière émanant des dirigeants en regard de leur propre religiosité et de la protection d’autrui, ainsi que d’une réponse stratégique aux conditions de vie sur le terrain. Pour les Ottomans, durant la période 1300-1800, chacune de ces conditions touchait à un type de tolérance émergeant. Les Ottomans sont issus d’une tradition de conflit frontalier et de coexistence entre Seldjoukides et Byzantins, avec un passé de cohabitation ethnique et religieuse mixte dans les steppes d’Asie centrale. Ils ont apporté avec eux une compréhension de la diversité.

La religion qu’ils ont épousée, l’Islam, implique également une compréhension particulière des relations avec les non-musulmans, qui s’est instituée dans le cadre du Pacte d’Umar dans les premiers siècles de la montée de l’Islam. Le pacte d’Omar a reconnu les chrétiens et les Juifs comme peuple du Livre, et a exigé le paiement d’une taxe supplémentaire en échange de la paix et de la protection. Ces schémas historiques et culturels ont fourni le cadre de l’engagement avec l’autre. Les sultans tout en s’alignant avec leur identité islamique ont choisi de demeurer conscients de la diversité, d’en faire ouvertement l’éloge face à ceux qui s’érigeaient contre.

Pourtant, cette image resterait incomplète si l’on ignorait le fait que tous les groupes n’étaient pas tolérés. Alors que l’Empire ottoman insistait pour la tolérance des groupes non-musulmans, les groupes chiites et certaines sectes soufies étaient activement poursuivis et persécutés dans l’empire. Il nous faut donc envisager la tolérance par rapport à la persécution et à une variété d’autres politiques étatiques de la diversité. La persécution des sectes chiites a souvent été liée à leur alliance perçue avec le safavide Shah Ismail dont la rivalité avec les Ottomans était géopolitiquement envisagée comme voilée d’un discours conflictuel sectaire. Ces divisions sectaires, réelles ou perçues, ont transformé les communautés qui pratiquaient une forme de rituel chiite en ennemis de l’État, participant ensuite à l’élaboration d’un ensemble différent de relations avec les communautés non-musulmanes.

Enfin, l’autre question importante à poser est de savoir si la tolérance qui peut être accordée à un groupe peut également lui être retirée. Nous ne pouvons pas envisager la tolérance dans l’Empire ottoman, sans parler de son échec et de sa dérive génocidaire. L’équilibre de la société de la tolérance a été ébranlé au XIXe siècle par les changements de l’économie mondiale et du système moderne de pensée qui a impacté toutes les sociétés pré-modernes. Là où coexistaient dans une stabilité de la subjectivité, l’État impérial et les identités diverses, dans un équilibre précaire et hiérarchique, la modernité a imposé de nouveaux idéaux, et une tolérance fondée sur le pragmatisme, l’inclusion et le respect démantelé [3].

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr

Karen Barkey, Sociologue et historienne, spécialiste de l’Empire Ottoman, enseigne à l’université Columbia (New-York)

Elle interviendra mardi 25 novembre à « Mode d’emploi », dans le cadre de la conférence intitulée « Vivre dans une société plurielle ».

Découvrir l’ensemble des textes du festival Mode d’emploi déjà publiés sur le Huffington Post.

Deux semaines de rencontres et de spectacles ouverts à tous, dans toute la Région Rhône-Alpes: interroger le monde d’aujourd’hui avec des penseurs, des chercheurs, des acteurs de la vie publique et des artistes.
– Prendre le temps des questions
– Accepter la confrontation
– Imaginer des solutions
– Trouver le mode d’emploi
Mode d’emploi, un festival des idées, est organisé par la Villa Gillet en coréalisation avec les Subsistances, avec le soutien du Centre national du livre, de la Région Rhône-Alpes et du Grand Lyon.

 

[1] Ira Katznelson, « Regarding toleration and liberalism: considerations from the Anglo-Jewish experience. » 48 in Religion and the Political Imagination, eds. Ira Katznelson and Gareth Stedman Jones, Cambridge University Press, 2010.
[2] Mark Haberlein, « A 16th-Century German Traveller’s Perspective on Discrimination and Tolerance in the Ottoman Empire, » in Discrimination and tolerance in historical perspective / ed., Gudmundur Hálfdanarson (Pisa : Plus-Pisa university press, 2008).
[3] La plupart de ces arguments ont participé à l’écriture de mon ouvrage, Empire of Difference: The Ottomans in Comparative Perspective (Cambridge: Cambridge University Press, 2008).

 

 

Aïda Touihri : « La diversité peut être une chance ! »

INTERVIEW – Depuis trois ans, Aïda Touihri est aux commandes du magazine « Grand Public », sur France 2. Une incursion grisante dans le monde de la culture pour cette ex-Lyonnaise shootée à l’actu.

AidaTouihri
Aïda Touihri présente « Grand public » depuis 3 ans. Photo : SCHOUSBOE Charlotte/FTV

 

Du Progrès de Lyon aux journaux télévisés de M6, la journaliste a mené sa barque sans tanguer, alliant sens inné de l’info, goût du challenge et saine ambition. Pas étonnant qu’à 37 ans, la télégénique native de Villefranche-sur-Saône soit devenue un sourire incontournable du PAF. Rencontre un lundi matin d’automne, dans les locaux de Black Dynamite, la société de production qui l’emploie.

Grand Public a subi quelques liftings depuis son lancement en 2012. Après plusieurs ajustements, l’émission atterrit cette année sur la case du samedi après-midi. C’est difficile de parler de culture à la télévision ?
C’est vrai, en trois ans, l’émission a changé trois fois de jour, d’horaire et de décor. D’un programme de deuxième partie de soirée, on est passés à une émission diffusée le week-end à un horaire plus familial. Mais la recette est la même. Le titre Grand Public résume le concept  : parler de culture au sens très large et à tout le monde. C’est le mantra de l’émission. J’assume totalement cette notion de culture populaire. Je ne suis pas une spécialiste et c’est tant mieux. L’idée est de rendre la culture accessible, de ne pas la transmettre à travers le prisme de quelqu’un qui est à fond dedans, mais plutôt avec un regard vierge.

Quelle est votre recette pour y arriver ?
Parler de l’actualité culturelle en essayant de trouver un angle différent ou en décrochant une exclusivité. Pour Stromaé par exemple, on était les seules caméras à le filmer aux États-Unis pour sa première tournée américaine. La nouveauté, cette année, ce sont les rubriques « culte » et « happy », plus légères, qui apportent de l’air entre les reportages. Le plateau a changé, la manière dont je présente aussi. J’essaie d’apporter un peu de fantaisie dans le lancements des sujets.

Vous vous voyez continuer « Grand Public » encore longtemps ?
Tant que cette émission continuera à être aussi intéressante. Bien sûr, on peut toujours faire mieux, tout est perfectible. C’est ce qu’on fait, on travaille et on ne perd pas le nord. À chaque saison, on commence assez bas, mais on progresse. L’année dernière, on a terminé avec un million de téléspectateurs par semaine.

Vous avez présenté le JT pendant six ans sur M6. Ça vous manque, l’actualité ?
Pour l’instant non, car je fais d’autres choses par ailleurs. L’année dernière, j’avais une émission hebdomadaire sur France Bleu. Depuis la rentrée, je présente Cité gagnant, sur LCP.
Je pars en immersion dans une ville. Ça me permet de renouer avec le terrain et l’actu. J’aime le magazine autant que le « hot news » et le direct. Il faut varier les plaisirs !

Vous recevez chaque semaine des pointures du cinéma, du monde des arts et de la chanson. Quelles sont les personnalités qui vous ont le plus impressionnée ?
J’ai beaucoup aimé rencontrer Robert Redford. Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit une légende du cinéma. J’étais super intimidée… mais j’ai trouvé en face de moi un monsieur très à l’écoute, un passionné qui fonctionne à l’envie, avec un discours très sensé sur Hollywood et le monde du cinéma. Je peux citer aussi Woody Allen, qui m’inspire beaucoup artistiquement. À 79 ans, il est toujours brillant et drôle. Côté français, je garde un bon souvenir de mon entretien avec Étienne Daho. C’est quelqu’un de sensible, pas très à l’aise avec l’exercice de l’interview télévisuelle. On a réussi à créer une atmosphère intime. On avait l’impression de n’être que tous les deux. Il fait partie de ces artistes qui se livrent sans calcul, d’une manière généreuse, qui me touche à chaque fois.

Quels sont vos « trucs » pour amener les artistes à se dévoiler, à sortir du discours promotionnel ?
Il n’y a pas de trucs, tout passe par l’écoute. On peut parler de tout avec les artistes, il suffit de trouver le ton juste, de ne pas les agresser. Ce qui me frappe à chaque interview, c’est que tous, sans exception, ont une faille, une blessure intime. Parfois c’est un mot, une attitude, un sourire… qui va déclencher la confidence.

Avez-vous déjà été déstablisée lors d’une interview ?
Par Vanessa Paradis. C’était lors d’une journée de promo, où elle avait enchaîné les interviews. Elle a fait le job, elle a répondu aux questions, mais ce n’était pas facile. Je regrette de ne pas avoir eu plus de temps pour échanger sur autre chose que son film. C’est une des artistes qui se protègent le plus. Elle a commencé très jeune, elle est rodée.

Quelles personnalités rêveriez-vous de recevoir ?
Je suis fascinée par Isabelle Adjani. Sa façon d’être, ses combats, tout me parle chez elle.
Je l’ai déjà croisée hors micro, mais je rêve de l’avoir devant la caméra. George Clooney aussi, mais ça c’était avant son mariage (rires). Et je suis une fan absolue de Quentin Tarantino, j’ai vu tous ses films, je connais les répliques par cœur. J’adorerais aller chez lui, découvrir sa vidéothèque…

 Vous êtes d’origine tunisienne. Que pensez-vous du débat autour de la représentation des minorités visibles dans les médias ?

Pour moi, ça n’a jamais été un obstacle, ni une revendication. Je n’ai jamais fait partie d’un club de type Averroes. On a beaucoup parlé de minorités visibles à la suite des émeutes dans les banlieues en 2005. Aujourd’hui, les choses ne sont pas réglées, mais j’ai l’impression que la situation s’améliore. Dans les écoles de journalisme, il y a beaucoup de jeunes issus de la diversité, qui ont toutes les armes pour devenir de grands journalistes. Aujourd’hui, il se pourrait même que ce soit une chance. Ce n’est jamais bon pour une corporation de rester endémique, d’être entre « fils de ». La discrimination en France est moins ethnique que sociale. Prenez Ali Badou par exemple, qui vient d’un milieu aisé. Je ne pense pas qu’il ait eu à souffrir de discrimination.

Parlez-nous de votre enfance…
J’ai grandi à Villefranche-sur-Saône, la Calade. Mes souvenirs d’enfance, c’est le Beaujolais, la fête des Conscrits… On faisait les vendanges tous les automnes. Une enfance tranquille, en HLM. J’ai découvert récemment que j’habitais le même quartier que Benjamin Biolay. C’est drôle, on a sûrement dû jouer ensemble !

Le journalisme, c’était une vocation précoce ?
Non, j’adorais écrire, mes parents étaient branchés sur France Info, mais je ne me voyais pas journaliste, cela ne me paraissait pas possible, je m’en faisais une montagne. J’ai commencé par la médecine, à la fac de Lyon. J’ai redoublé deux fois ma première année ! Ensuite, je suis passée par la fac de psycho avant de me réorienter vers le journalisme. J’ai fait l’ISCPA à Lyon, une école privée qui coûtait très cher. Je ne pouvais pas la financer donc j’ai arrêté au bout de trois mois. J’ai été repérée par une de mes profs qui m’a pris en stage pour m’apprendre le métier. Puis, j’ai été correspondante au Progrès à Saint-Priest. J’étais très branchée sport, je pigeais pour l’Équipe TV. J’ai ensuite gagné le concours des Espoirs François-Chalais et je suis montée à Paris pour intégrer France Inter.

Avez-vous bien profité de la vie estudiantine lyonnaise ?
Je suis allée dans trois facs, donc je connais bien ! En médecine, c’est quand même murge et compagnie. Les fêtes sont très alcoolisées. En général, les étudiants n’ont aucun tabou sur le corps, donc ça se termine souvent à poil (rires). À l’inverse, psycho, c’est plus peace and love. Rien à voir avec médecine, là c’était plus « cool la vie ». En école de journalisme, c’était plus chacun pour sa gueule, je n’ai pas vraiment créé de liens.

Comment avez-vous vécu votre arrivée à Paris ?
La vie parisienne, c’est spécial quand on débarque. Ma première angoisse, c’était de trouver où dormir. Les logements sont extrêmement chers. Quand vous commencez votre vie active, vous n’avez pas forcément de contrat de travail. J’ai d’abord logé chez un copain avant de trouver une chambre meublée. J’étais focalisée sur mes objectifs professionnels, je n’étais pas là pour rigoler.

Vous verriez-vous revivre à Lyon ?
Oui, pourquoi pas, mais pas tout de suite. J’ai encore plein de choses à faire à Paris. Je ne suis pas dégoûtée de la vie parisienne. Il y a tellement à voir au niveau culturel justement. Mais je viens régulièrement à Lyon, j’y étais ce week-end ! J’ai une très bonne copine chanteuse, Karimouche, une amie de Carmen Maria Vega, Lyonnaise elle aussi.

Quels sont vos spots lyonnais préférés ?
Étudiante, je squattais tout le temps à Foch, il y a une rampe de roller et un skate park. Je faisais du roller avec une copine, on était tout le temps fourrées là-bas. J’aime beaucoup la place des Terreaux pour boire des coups ou manger une glace, le musée des Beaux-Arts, un écrin dans la ville, la place Bellecour aussi. C’est mon triangle d’or.

Vous reconnaît-on dans la rue ?
Je ne suis pas harcelée donc je vis la notoriété avec beaucoup de tranquillité. J’essaie de répondre à tous ceux qui m’envoient des messages, mais je suis décomplexée par rapport à ça, je le vis plutôt bien. La télé, quand j’ai commencé, n’était pas un objectif. D’ailleurs, j’aimerais beaucoup refaire de la radio, c’est un média qui me correspond assez bien.

Vous êtes très présente sur les réseaux sociaux. Est-ce par plaisir ou par obligation ?
Je suis vraiment active depuis deux ans, c’est moi qui gère mes comptes. Je trouve ça ludique. J’évite de twitter toutes les heures, ça ne sert pas à grand-chose. Je twitte les rencontres que je fais, les lieux où je vais. Au Mondial de l’auto, j’ai croisé David Luiz, du PSG, vous pensez bien que j’ai posté la photo sur Instagram ! J’essaie de faire mon autopromo, c’est le but. Je n’ai pas encore ma petite pastille bleue mais ça ne saurait tarder. Je follow des sites d’infos, musées, artistes et aussi des trucs marrants comme Historical Pics. Par contre, je ne poste rien de personnel, je n’ai jamais posté des photos de mes enfants, je n’ai pas envie de les exposer.

Mis à jour : 20-11-2014 16:46 – Créé : 20-11-2014 15:45

Pour en savoir plus : http://www.metronews.fr

Algérie : la fragmentation des mémoires

ALGER

L’anniversaire des 60 ans du début de la guerre d’Algérie n’a, il faut le dire, pas été l’occasion de beaucoup de commentaires de notre côté de la méditerranée. Ce n’est bien entendu pas le cas en Algérie et c’est bien normal: leurs commémorations mettent l’accent sur 1954, et le début de la guerre contre la présence coloniale française, tandis que la France célèbre surtout la fin de la guerre, près de huit ans plus tard. C’est loin d’être un détail: cela prouve le malentendu historique qui perdure entre ces deux nations. Pour les Algériens, le 1er novembre explique la guerre par l’histoire longue de la colonisation, tandis que pour les Français, il s’agit d’insister sur le départ des harkis et l’exil des Européens, ceux que l’on appellera plus tard les « pieds-noirs ». Cette distorsion temporelle (le début ou la fin de la guerre comme commémoration essentielle) entre l’un et l’autre pays au sujet des manifestations du souvenir donne à réfléchir.

Ces dernières années, nous sommes passés d’une période d’amnésie française envers cette séquence de notre histoire, à une hypermnésie traduite par une inflation de toute sorte de documentaires, films, romans, autobiographies, etc. Mais cela ne traduit pas pour autant une réelle connaissance de l’histoire !

C’est cette hypermnésie nouvelle qui nous fait assister à une sorte d’éclatement, de fragmentation de la mémoire. Nos mémoires s’opposent et ont chacune une conception ainsi qu’une vision différente de l’histoire, ce qui se concrétise par exemple par la divergence au niveau des dates de commémoration. Fondamentalement, les conflits de mémoire se portent sur la date de fin de la guerre. En France, toute une partie symbolisée par les anciens combattants, les appelés, retient les accords d’Evian du 18 mars 1962. En revanche, les immigrés algériens qui vivent en France voient la tragédie de la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961 comme symbole tragique de la fin du conflit. Les pieds-noirs, eux, vont focaliser leur attention sur le massacre du 5 juillet de l’année suivante, avec le massacre et l’enlèvement à Oran de civils européens. Les Algériens d’Algérie, eux, célèbrent la fête de l’indépendance du 5 juillet 1962. On voit donc bien qu’il y a une séparation des mémoires, d’une rive à l’autre de la méditerranée, mais également d’un même côté, avec des différences entre les mémoires. Cette fragmentation des mémoires est due à un déficit des récits d’histoire. Il n’y pas de consensus mémoriel. Au contraire, on assiste à une séparation mémorielle: d’un côté des groupes veulent renoncer à toute forme de culpabilité vis à vis de la colonisation, qu’ils jugent positive. En Algérie, on est au contraire dans l’attente d’excuses pour la longue période coloniale. C’est là toute la difficulté.

Gardons toutefois le cap sur l’optimisme. Il faut, dans le fond, poursuivre le travail d’écriture de l’histoire, accorder une plus grande place aux historiens de tous bords, sans céder au tyrannisme de certains groupes de mémoire qui veulent imposer leur histoire en toute méconnaissance des faits. C’est pour ça qu’il est important de restituer l’ensemble des points de vues autour de cette histoire longue, des harkis aux indépendantistes, en passant par les pieds-noirs. Pour y parvenir, il faut respecter cette multiplicité des points de vue, les restituer, et non avoir une mémoire exclusive, univoque qui refuse la reconnaissance de la souffrance de l’autre, comme certains, tournée uniquement vers les immigrés de manière obsessionnelle. Il nous faut traiter l’histoire de la nation dans toute sa complexité.

Benjamin Stora, historien

Publication:

2014-10-30-couvstora

Dernier ouvrage: La guerre d’Algérie expliquée en images, publié au Seuil. Septembre 2014. 29€.

Pour en savoir plus : http://www.huffingtonpost.fr

Discrimination religieuse au travail : le Rapporteur spécial pour des aménagements raisonnables

Timor-leste-mosque-UN-Photo-Martine-Perret-

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté des cultes, Heiner Bielefeldt a présenté vendredi 24 octobre un rapport sur les pratiques religieuses au travail, proposant de développer le concept d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail.

Lors d’une conférence de presse à New York, il a expliqué que ce qui l’avait poussé à porter son attention sur ce sujet était le cas d’un professeur de piano, juif orthodoxe, qui avait refusé de surveiller des examens le samedi, jour de shabbat, et avait été renvoyée de son emploi pour cette raison.

Le Rapporteur spécial a dit que la discrimination religieuse au travail est une question souvent négligée, alors que la plupart des gens passaient la majorité de leur temps au travail.

De nombreuses formes de discrimination religieuse existent sur le lieu de travail, a-t-il ajouté,  de manière directe ou indirecte,  comme par exemple les règles concernant la tenue vestimentaire ou les jours de congés.

Le Rapporteur spécial propose donc de mettre en place des aménagements raisonnables sur le lieu de travail, pour permettre aux personnes de pratiquer leur religion, mais avec des limites, afin que cela ne porte atteinte ni à la viabilité économique de l’entreprise, ni à la liberté des autres employés.  Il a insisté sur le fait que le respect des droits de l’homme était un préalable essentiel et que les requêtes au nom de la liberté de culte, devaient parfois être rejetées car contraires au respect des droits de l’homme.

Cependant, d’après Heiner Bielefeldt, le concept d’aménagements raisonnables est un moyen d’assurer l’équité, dans le respect de la diversité culturelle et de garantir la liberté de culte. Il a expliqué que ce concept était déjà une obligation légale dans le cas des personnes vivant avec un handicap.

Pour en savoir plus : http://www.unmultimedia.org

Inviter le monde à sa table

© Christian Adnin pour La Vie

Changer le regard sur l’immigration, c’est le pari lancé par Le Goût de l’autre, qui organise des dîners rassemblant Français et personnes d’origine étrangère.

Tous les derniers jeudis du mois à la mairie du IVe arrondissement de Paris flotte un parfum d’ailleurs. Étrangers et Français investissent la cuisine pour organiser un dîner. Le temps d’une soirée, autour d’une table, chacun découvre le « goût de l’autre », ce plaisir simple de manger ensemble, commun à toute l’humanité. À l’origine de ce projet, le Réseau Chrétien-Immigrés (RCI), créé en 2000, qui accompagne les migrants sans papiers dans leur démarche de régularisation.

En parallèle, des cours d’alphabétisation voient le jour.Formatrice en langue française à destination des étrangers, Nathalie Baschet rejoint l’association et lance les dîners du Goût de l’autre. « Lors des cours, je me suis liée d’amitié avec certains migrants, que j’ai invités à manger, chacun découvrait le monde de l’autre. Ces repas ne devaient pas rester cantonnés à la sphère privée du dîner entre copains, c’est ainsi qu’est né le projet en 2008. »

Dominique Bertinotti, alors maire du IVe arrondissement, met à disposition des locaux et fait aménager une cuisine. Dîner au sein d’un lieu symbolique de la République, la mairie, le message politique est fort.

Hors-d’œuvre et desserts sont concoctés par une cuisinière française, le plat principal est quant à lui préparé par une personne étrangère, qui fait alors découvrir un plat de son pays. « En début de dîner, nous évitons le tour de table formel. Nous voulons garder l’ambiance d’une conversation entre amis », précise Eugénie, bénévole de l’association.

Arrivé en France il y a près de 15 ans, Hosni, migrant tunisien, a connu cette initiative grâce à son ami égyptien Hana : « J’ai apprécié l’accueil chaleureux et la simplicité des mets. Le contact se fait rapidement et sans a priori. J’ai moi-même été chef d’une soirée, je voulais m’éloigner des clichés sur les Maghrébins en proposant autre chose qu’un couscous ! J’ai donc opté pour une épaule d’agneau au four. » De cette initiative solidaire originale est né Plats d’existences. Bien plus qu’un livre de recettes, l’ouvrage relate des chemins personnels, des témoignages de migrants, des fragments de vie.

MARIE-AMÉLIE DRUESNE
CRÉÉ LE 21/10/2014 / MODIFIÉ LE 21/10/2014 À 14H29

> Pour en savoir plus :

Le blog de l’association.
Pour réserver : 06 82 35 57 52 – legoutdelautre@yahoo.fr

Epices

 

Peu de Français revendiquent l’appartenance à une communauté

LA RÉDACTION | LE 15.10.2014 À 15:21

De plus, les Français, quelles que soient leurs origines, « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines, y compris la laïcité », selon un sondage pour la Licra.

Des passants dans les rues de Paris. (FRED DUFOUR / AFP)
Des passants dans les rues de Paris. (FRED DUFOUR / AFP)

Une minorité de Français, un sur cinq, a le sentiment d’appartenir à une « communauté spécifique » du fait de ses origines ou de sa religion, parmi lesquels beaucoup citent la France ou le catholicisme, selon un sondage OpinionWay pour la Licra publié mercredi 15 octobre.

Parmi les 22% de personnes citant leur appartenance à une « communauté spécifique », près d’un tiers se définit comme « Français » ou « Français de souche, vrai Français, Français d’origine… », d’autres citent la Bretagne (3%), l’Europe (4%), l’Afrique (3%).

Les Français « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines »

Quant à ceux qui invoquent une communauté religieuse, trois quarts sont catholiques, 9% musulmans, 5% protestants et 2% juifs, selon ce sondage.

Mais surtout, « l’immense majorité des Français n’affiche aucune appartenance communautaire », souligne la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui consacre ses universités annuelles, de vendredi à dimanche au Havre, à la lutte contre le communautarisme.

De plus, les Français, quelles que soient leurs origines, « plébiscitent à plus de 90% les valeurs républicaines, y compris la laïcité », se réjouit cette association.

Parallèlement, 77% des sondés jugent que les replis communautaires sont un danger pour la société. La majorité juge qu’ils sont liés aux conflits internationaux (67%), à la crise (62%), au besoin de valeurs, de racines (61%) et aux discriminations (58%).

Près de trois quarts des sondés (72%) estiment par ailleurs que la France ne traite pas toutes les minorités de la même manière mais aucune minorité n’apparaît unanimement comme privilégiée.

« A quelle minorité accorde-t-on le plus d’importance? », a demandé Opinionway aux sondés qui évoquaient une différence de traitement: 15% ont cité les étrangers ou immigrés, 13% les Juifs, 13% les musulmans, 5% les Roms, 4% les homosexuels, 4% les chômeurs, etc.

Le sondage a été réalisé les 8 et 9 octobre sur la base d’un échantillon représentatif de 1.006 personnes interrogées en ligne.

http://tempsreel.nouvelobs.com

Diversité : une étude pointe un climat plus « détendu » dans les entreprises

canstockphotoDiversitéCulturelle

LA RÉDACTION | LE 13.10.2014 À 12:21

Et si les choses allaient mieux sur le terrain de la diversité en entreprise ? Dans le flot des études pointant, année après année, les dérives discriminatoires dans les sociétés françaises, une étude TNS Sofres pour le Medef se veut porteuse de bonnes nouvelles en la matière. Le baromètre 2014 de la perception de l’égalité des chances en entreprise laisse ainsi entrevoir un climat plus « détendu », et ce « malgré le contexte économique qui reste difficile. »

Deux données principales sont là pour le démontrer. En 2013, les salariés interrogés étaient 39 % à penser pouvoir être victimes, un jour, de discrimination. Si les chiffres restent élevés cette année, ils sont toutefois orientés à la baisse puisque ces mêmes salariés ne sont plus que 35 %. Deuxième élément : 71 % des sondés se disent confiants en leur avenir dans leur entreprise (contre 63 % en 2013).

Autre élément porteur d’espoir : la place croissante qui semble être accordée aux questions de la diversité et de l’égalité des chances dans les murs de l’entreprise. Elles seraient, pour 62 % des salariés, des sujets « importants » ou « prioritaires » pour leur entreprise (59 % en 2013). Le taux atteint même les 76 % si l’on s’en tient aux sociétés du secteur des services aux particuliers. Il est également particulièrement élevé dans les grandes entreprises (75 % pour les organisations de plus de 1000 salariés).

Fait religieux : encore d’importantes marges de progression

La « détente » observée de façon générale semble être également manifeste si l’on se penche sur la question confessionnelle. Une personne affichant son appartenance religieuse peut-elle être recrutée dans mon entreprise ? « Oui », répondent les sondés, à 65 % (contre 59 % en 2013). Peut-elle occuper un poste en contact direct avec la clientèle ? Ils sont alors 54 % à répondre par l’affirmative (48 % en 2013). Peut-elle occuper un poste à haute responsabilité ? 52 % des salariés interrogés le pensent (47 % en 2013).

L’étude montre donc que, depuis l’an dernier, le fait religieux est moins considéré comme un objet de discrimination par les salariés. Il n’en reste pas moins d’importantes marges de progression : l’affichage de l’appartenance religieuse pointe en tête des éléments les plus sujets à discrimination devant le handicap et le déficit de diplômes.

http://fait-religieux.com

Eloge du Maroc de la diversité

Lamp-small

Mardi 14 octobre 2014 – 10H35

L’Occident regarderait-elle trop du côté du Moyen-Orient lorsqu’elle se penche sur l’Islam alors que, si près de nous, l’Occident musulman offre un autre modèle, vivant, rayonnant… et majoritaire pour nous en France ? C’est l’un des enseignements majeurs de ces deux expositions qui ouvrent leurs portes (d’art marocain évidemment) à Paris : le Maroc médiéval au Louvre, le Maroc contemporain à l’Institut du Monde arabe.

Deux événements pour un seul message de modernité, de dialogue et d’ouverture au monde. Une expérience unique qui rompt avec cet air ambiant qui voudrait opposer des identités et raviver une guerre de civilisation dépassée.

Ce qui fascine, c’est la résonance de ces deux expositions : un millénaire les sépare pourtant. Le Moyen-Age rive droite, l’époque contemporaine rive gauche. Et pourtant, toutes deux dévoilent une étrange continuité, un goût du Maroc pour la diversité des influences artistiques et culturelles, une interaction fusionnelle du Maroc et du monde : Afrique et Europe ont façonné le Maroc comme le Maroc a irrigué et irrigue encore ces deux continents de ses valeurs et de ses créations.

Le Maroc, les deux expositions le montrent, repose sur un islam du juste milieu – que nous avions analysé en son temps, dont le rite malekite, la doctrine ash’arite et le soufisme sont les piliers. Le Maroc a su construire un équilibre séculaire réfléchi entre temporel et intemporel, permettant au Moyen-Age le dialogue de l’Islam avec d’autres spiritualités, et, à l’époque actuelle – et l’exposition de l’IMA en témoigne – les expressions sécularisées d’artistes libérés des carcans religieux. Le Maroc est resté traditionnel mais il est rentré de plain pied dans la modernité. Un Islam du contexte plus que des dogmes.

Organisées par le Louvre, l’Institut du Monde arabe présidé par Jack Lang, et la Fondation nationale des musées marocains présidée par Mehdi Qotbi, cette alliance bienvenue a accouché de deux expositions monde à Paris.

Le moment Louvre

MadrasaElAratine-300x259

Madrasa El Attarine, Fès, Maroc. © Fondation nationale des musées marocains.

Commençons au Moyen-Age… L’histoire n’en a retenu que les croisades alors qu’un véritable siècle des Lumières, fait de dialogue et de tolérance, irradiait au même moment le sud de l’Europe et le nord de la Méditerranée occidentale. Le Louvre restitue cette histoire presque oubliée à travers les œuvres exposées : que ce soit le lustre de la mosquée al-Qarawiyyin de Fès ou les commentaires de la Michna par Maïmonide, la redécouverte d’Arisote pat Averroès (non exposé ici mais pourtant pleinement présent), le Louvre fait revivre cet âge d’or où les musulmans, les chrétiens et les juifs cohabitaient et imaginaient le monde de demain.

La visite de cette exposition est d’autant plus nécessaire à qui veut découvrir le Maroc que ce dernier est peu présent dans les collections du nouveau département d’art islamique du Louvre (pourtant le plus fourni au monde). Car le Maroc a su conserver ses trésors en créant ses propres musées lorsque l’Europe vit éclore au XIXème siècle des centaines de musées à la faveur de ses conquêtes coloniales. Des œuvres conservées dans les musées, bibliothèques et mosquées du Maroc sortent donc pour la première fois pour le Louvre et ses visiteurs.

Le Maroc de l’époque médiévale, c’était un Maroc africain avec des œuvres venues du Mali et de la Mauritanie d’aujourd’hui. C’était aussi un Maroc européen avec de nombreuses œuvres espagnoles et même françaises (comme le suaire de Saint Exupère provenant probablement d’Almeria en Espagne et conservé à la Basilique Saint-Sernin de Toulouse). La position pivot du Maroc, entre Afrique et Europe, s’illustra donc dès le Moyen-Age.

Bahija Simou, directrice des Archives royales du Maroc, et commissaire générale de l’exposition avec son homologue française Yannick Lintz, explique les valeurs de cet empire qui rayonna de l’Afrique à l’Espagne :« Le Maroc devient ainsi une terre de rencontres et de civilisations et un espace d’échanges où se mêlaient et interagissaient plusieurs influences, celles de l’Afrique sub-saharienne, des Etats italiens, des royaumes espagnols ou encore de l’Egypte des Mamelouks. L’acmé atteint en cette période par l’Occident musulman a permis l’intégration des apports culturels arabes, amazighs, juifs, andalous et africains, contribuant à l’épanouissement d’une civilisation alimentée par de multiples affluents, et, comme telle, génératrice de créativité et d’innovations. »

L’exposition témoigne de ce foyer de civilisation exceptionnel, de ce carrefour des influences qui irradia les deux rives de la Méditerranée, entre le Maroc et l’Espagne d’aujourd’hui, sous le règne de grandes dynasties berbéro-andalouses ou amazighes qui surent unifier l’Occident islamique : les Idrissides autour du Xème siècle, les Almoravides (du milieu du XIème au milieu du XIIème) les Almohades (jusq’au milieu XIIIème, les Mérinides (jusqu’au début du XVème).

Le Maroc Contemporain à Paris

Retour dans le présent. Direction l’Institut du Monde Arabe.

Sables-668x336

Passage protégé 1, Nour Eddine Tilsaghani, 2014, © Nour Eddine Tilsaghani

Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers le Golfe persique alors qu’un Islam du juste milieu, solide, habite l’esprit d’une majorité trop silencieuse. Pendant que la fureur et la cruauté des « jihadistes » de l’Etat du Levant hante l’espace médiatique, les Marocains forment en silence des milliers d’imams africains à cet Islam du juste milieu, de la responsabilité et du respect. Trop en silence ? Pendant que des fous brûlent les œuvres d’art (rappelons nous les talibans détruisant les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan), le Maroc contemporain construit une scène artistique libre et libérée.

L’exposition de l’IMA dessine un Maroc de la modernité, de la diversité, des couleurs, de l’art de vivre et du vivre-ensemble. Les oeuvres de plus de quatre-vingt artistes vivants, y compris des plasticiens, vidéastes, designers, architectes et même des créateurs de mode s’entrelacent pour esquisser une polyphonie, une unité de l’art marocain. Cette exposition est un des plus grands évènements jamais consacrés en France à la scène artistique contemporaine d’un pays étranger.

Sur le parvis de l’IMA, c’est un des articles du préambule de la nouvelle Constitution Marocaine de 2011 qui vous accueille : « son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. » Le ton est donné. Le voyage va être pluriel dans la diversité culturelle, linguistique et religieuse du royaume chérifien.

L’Islam est loin d’occuper l’essentiel des œuvres marocaines exposées. Et l’exposition n’ignore pas les troubles et les soubresauts de la société marocaine. Les artistes ont traduit dans leurs œuvres ici exposées les aspirations du printemps arabe. Le corps sous toutes ses formes a fait irruption dans l’art contemporain marocain.

Comme le dit Jean-Hubert Martin, commissaire général de l’exposition avec Moulim El Aroussi et Mohamed Metalsi, « l’effervescence » caractérise la scène artistique contemporaine du Maroc. L’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun ajoute : « l’ensemble est hétérogène, riche, fulgurant de découvertes, échappant à l’ordre attendu, prenant des chemins de traverse, escaladant des montagnes où le réel est abandonné à son sort et la vie prend toute sa verve, ses sources, ses folies et ses passions. »

Une des fulgurances de cette exposition est de donner à voir dans le même espace une table à déjeuner richement décorée, bref l’art de la table, avec des peintures sublimes (comme les Anamorphoses d’André Elbaz qui nous ont subjugué) : il n’y a plus de frontière dans l’art entre la peinture, l’art de vivre, le design, les métiers d’art, l’artisanat et les arts de la table. L’art est partout, dans les ateliers autant que dans le quotidien des Marocains. Un art aussi élitiste que populaire. Bravo !

Un Maroc universaliste comme la France, à sa manière… 

Redonnons la parole à Bahija Simou : « Toute l’histoire du Maroc est empreinte d’une espérance. Elle est animée par un principe de sagesse millénaire, celui de la symbiose entre deux volontés solidaires, celle de l’unité et celle de la diversité. La première garantit l’intégrité identitaire de notre pays en préservant et revivifiant la mémoire de nos pères. La seconde lui assure l’exigence d’une ouverture qu’impose la marche de l’histoire.

« Ces deux volontés n’ont cessé de participer à la construction d’une humanité universelle, inclusive et non-exclusive, ouverte à l’autre et non repliée sur elle-même. C’est cette dynamique, qui traverse l’histoire du Maroc par-delà les vicissitudes […]. »

On croirait entendre parler de la France qu’on aime. Car, telle est notre conviction : Maroc, France et Europe partagent une même vision universaliste : l’union dans la diversité.

L’Islam des Lumières a existé au Moyen-Age. Le Maroc des Lumières vit toujours. Il est en train de revivre ! Sachons lui donner des ailes comme le Louvre et l’Institut du Monde Arabe osent le faire aujourd’hui.

Michel Taube
avec Ramin Namvari et Cécile Michiardi

http://www.opinion-internationale.com