À l’école, de grandes disparités dans l’enseignement des religions

Religionàl'Ecole

Le «fait religieux» est abordé en cours d’histoire-géographie ou de français. Il sera renforcé en 2016 dans les programmes, a promis François Hollande.

À la suite des attentats de Paris, François Hollande a affirmé qu’il porterait «une attention particulière» à l’enseignement du «fait religieux» à l’école. La place de cet enseignement qui s’affiche «laïc» devra être renforcée en 2016 dans les programmes du primaire et du collège. L’Observatoire de la laïcité recommandait, à son tour, quelques jours plus tard, d’étendre «l’enseignement laïc du fait religieux dès l’école primaire».

Depuis les rapports du recteur Philippe Joutard en 1991 et celui du philosophe Régis Debray, qui plaidait en 2002 pour le développement d’un enseignement du «fait religieux», ce dernier, certes, a progressé.

Il est inclus dans les programmes d’histoire-géographie essentiellement, mais aussi de français et d’histoire des arts depuis 2005. Essentiellement au collège mais aussi à l’école primaire. Contrairement à d’autres pays, ce n’est toutefois pas une matière à part.

Dans une France où l’école publique s’est construite sur la séparation de l’Église et de l’État, le sujet reste très sensible. La sénatrice Esther Benbassa en a fait les frais, elle qui proposait au détour d’un rapport, en novembre dernier, un horaire «dédié» pour cet enseignement dès le plus jeune âge. Le Sénat s’est offusqué. La méfiance reste vive du côté de ceux qui craignent le retour de cours de «catéchisme» et une forme de prosélytisme religieux. Et les croyants sont prompts à craindre une déformation de leur religion par l’État laïc.

On peut certes considérer que passer, comme aujourd’hui, par plusieurs disciplines complémentaires pour «contextualiser» les faits religieux est riche de points de vue et de complexité. On peut aussi considérer qu’il s’agit de saupoudrage, d’une façon de noyer le poisson. Mais il est vrai que créer une nouvelle matière est difficile sur un plan administratif et pédagogique…

Surtout tourné vers le passé, l’enseignement des religions est en partie déconnecté de ce que vivent les élèves. S’il est abondamment question, essentiellement dans les programmes d’histoire du collège, de la naissance des grandes traditions religieuses ou des guerres de religions, il n’est quasiment pas fait référence au monde contemporain. «À croire que les religions sont figées dans le passé», critique Isabelle Saint-Martin, la directrice de l’Institut européen en sciences des religions. «Pallier cet éclatement serait positif. Il manque un fil directeur, une cohérence entre les contenus et une visibilité», estime-t-elle. Cette disparité est une «faiblesse si cela conduit à ne voir les faits religieux que du point de vue de l’histoire par exemple et à ne les voir que par la lunette étroite de tel programme qui fait l’impasse sur telle religion ou telle période. Le traitement des faits religieux dans les disciplines montre clairement qu’il est inégal et irrégulier», estime Philippe Gaudin, responsable de formations sur cette question.

Du pain sur la planche

Autant de critiques qui exaspèrent Hubert Tison, secrétaire général de l’Association des professeurs d’histoire-géographie: «Le fait religieux ? Mais c’est très présent dans les programmes! Les professeurs ne cessent d’en parler. Ils notent des devoirs sur la naissance de l’Islam par exemple.» Beaucoup évoquent aussi au détour d’un chapitre historique, la façon dont les religions se pratiquent aujourd’hui. Des visites de lieux de culte sont souvent organisées…

Hubert Tison reconnaît que «dans certaines écoles», «on rencontre des réflexions d’élèves qui demandent pourquoi il faut étudier le christianisme. À l’inverse, d’autres demandent pourquoi il faut étudier l’islam. On a aussi des élèves juifs, ulcérés que l’on puisse parler de la Palestine. Très bien informés, voire déformés, certains cherchent à faire passer leurs idées.»Un professeur d’histoire doit être «très solide en ce qui concerne l’histoire des religions et afficher une attitude honnête et neutre», insiste-t-il.

Les stratégies d’évitement des enseignants sont pourtant une réalité. Pour évacuer de possibles tensions religieuses dans les classes, certains évitent tout sujet portant sur la religion. «J’essaie de me former mais je suis mal à l’aise avec l’islam surtout quand les élèves commencent à citer telle ou telle sourate, indique ainsi une professeur de lettres dans les Hauts-de-Seine, je manque de culture religieuse, y compris concernant le christianisme.»

Conscient du problème, le gouvernement a annoncé qu’un module spécifique serait intégré à la formation initiale dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé). Du pain sur la planche, car la disparité d’enseignement est aujourd’hui la règle, d’une discipline et d’une région à l’autre.

Marie-Estelle Pech

Pour en savoir plus : http://www.lefigaro.fr

Et si on changeait le calendrier des jours fériés ?

Aujourd’hui, il y a douze jours fériés en France. On compte cinq fêtes civiles : le jour de l’an, la fête du travail (1er mai), la capitulation de l’Allemagne nazie (le 8 mai), la fête nationale (le 14 juillet) et l’armistice de la Première Guerre mondiale (le 11 novembre). On dénombre aussi six fêtes religieuses : le lundi de Pâques (le 6 avril en 2015), le jeudi de l’Ascension (14 mai 2015), le lundi de Pentecôte (le 25 mai 2015 qui est désormais un jour non payé), l’Assomption (le 15 août), la Toussaint (le 1er novembre) et Noël (le 25 décembre).

Mais voilà, l’amendement 2992 de la loi Macron envisage de remettre en cause ses sacro-saintes fêtes, comme le souligne le Parisien. Il indique que, dans les départements d’outre-mer, «afin de tenir compte des spécificités culturelles, religieuses et historiques, un arrêté préfectoral peut remplacer des jours fériés – le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption, la Toussaint – par un même nombre de jours fériés locaux.» Le rapporteur de la loi a souligné que les fêtes religieuses en France donnaient «un statut légal» uniquement à des fêtes chrétiennes. Eric Ciotti qualifie ce dispositif de «scandale institutionnel» qui remet en cause «l’identité et la culture de notre pays».

En attendant, Libération a pris les devants pour savoir à quoi ressemblerait notre calendrier si on changeait les dates des jours fériés.

SI ON CHOISISSAIT D’AUTRES FÊTES RELIGIEUSES

C’est la députée PS de la Réunion, Ericka Bareigts qui est à l’origine de cet amendement. Une façon de reprendre une des propositions d’Eva Joly. Pendant la campagne de l’élection présidentielle, la candidate écologiste avait proposé de rendre fériées les fêtes de l’Aïd et de Yom Kippour, provoquant une polémique jusque dans son camp.

Yom Kippour, aussi appelé le «jour du Grand Pardon» ou «jour des Expiations», est la fête la plus importante du calendrier hébraïque. Les fidèles juifs sont invités à réparer les fautes commises envers Dieu et envers leurs prochains. C’est un jour marqué par le jeûne. Cette journée rappelle la faute du veau d’or. Après avoir quitté l’Egypte, Moïse se rend sur le mont Sinaï pour recevoir les Tables de la Loi. Pendant ce temps, le peuple hébreu se détourne de Dieu pour adorer une statue en or en forme de veau. Yom Kippour sera célébrée le 22 et 23 septembre 2015.

L’Aïd al-Fitr est la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de Ramadan. Les musulmans se rassemblent alors pour faire des prières rituelles festives. Des mets et des boissons sont servis dans les mosquées et dans les maisons. Les enfants reçoivent des sucreries, ce qui explique l’autre nom de l’Aïd : la «fête du sucre». Cette année, elle sera célébrée le 18 juillet.

La fête de la Réformation, fêtée le 31 octobre, commémore un acte traditionnellement considéré comme fondateur du protestantisme. En 1517, le moine Martin Luther affiche, sur les portes de la chapelle du château de Wittenberg en Saxe (Allemagne), ses thèses contre les indulgences.

Divali, la fête des Lumières hindoue, célèbre le retour de Rama à Ayodhya, où les habitants éclairaient les rues où le roi passait, avec une multitude de lampes. La célébration s’étend sur cinq jours, et le troisième est appelé le «grand Divali», c’est le plus important. Les autres jours sont liés à des traditions et mythes différents. Le lendemain, c’est donc le début d’une nouvelle année indienne, et ce jour est appelé Annakut. Cette année, la fête tombe entre le 11 et le 15 novembre 2015.

Vesak ou Visakha est la principale fête bouddhiste. On y célèbre la naissance, l’éveil et l’extinction de Bouddha. La communauté bouddhiste se réunit alors pour méditer sur les trois «Joyaux» : le Bouddha, le dharma (son enseignement) et le sangha (communauté des pratiquants). Elle est fêtée en France, le 2 juin 2015.

SI ON CÉLÉBRAIT SEULEMENT LA RÉPUBLIQUE

A l’inverse, on pourrait décider de supprimer tous les jours fériés en lien avec la religion. Pour avoir 12 jours chômés, il faudrait donc ajouter des dates de commémoration basées sur les valeurs de la République.

Le 21 janvier serait à retenir car c’est le jour où le roi de France Louis XVI, est guillotiné à Paris, en 1793. Une façon toutefois un peu radicale de célébrer la fin de la monarchie.

Plus consensuel, on peut célébrer un autre épisode de la Révolution, le 20 juin 1789, date du serment du Jeu de Paume où les députés de l’Assemblée nationale jurent de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France.

Révolution toujours, mais au mois d’août (ce qui permettrait de remplacer le 15 août de la Vierge), la France pourrait chômer le 4 août en souvenir de l’abolition des privilèges par la Constituante. Tous les citoyens sont désormais égaux en droits et en devoirs. Une manière de remplacer le 15 août et la fête de l’Assomption en somme.

Ou le 26 août, qui deviendrait un second jour de fête nationale pour rappeler le vote de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclamant les droits naturels de l’homme et la souveraineté de la nation, en 1789.

Plus militaire, le 20 septembre 1792, la bataille de Valmy est la première victoire décisive de l’armée française après la Révolution. Les Prussiens essayent de marcher sur Paris. Ils sont stoppés près du village de Valmy, en Champagne-Ardenne. L’issue de la bataille est considérée comme «miraculeuse».

Enfin, le 5 octobre célébrerait la proclamation de la Ve République, en 1958, après le référendum du 28 septembre de la même année.

SI LES RÉGIONS ÉTAIENT MISES À L’HONNEUR

Enfin, il ne faut pas oublier que la France est constituée de multiples régions aux identités fortes qui ont leurs propres fêtes. Celles-ci pourraient être reprises et devenir des jours chômés en référence à la diversité régionale.

Le 18 novembre célèbre la proclamation de la constitution corse, lancée par Pascal Paoli, en 1755. Ce texte est souvent considéré comme la première constitution démocratique du monde moderne. «La Corse se donne une constitution basée sur la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif reste confié aux consultes. L’exécutif est assuré par un Conseil d’Etat présidé par le général et subdivisé en trois sections : politique, économique et militaire. Le pouvoir judiciaire est donné, suivant l’importance des délits, à des tribunaux situés au niveau de la paroisse, de la pieve, de la province ou de la nation.»

La fête de la Saint-Yves (Gouel Erwan en breton) ou fête de la Bretagne deviendrait un événement national. Elle serait célébrée tous les ans le 19 mai en l’honneur du patron des avocats et des Bretons. C’est l’occasion de processions mais aussi de pardons dans les églises.

On pourrait aussi fêter la Saint-Étienne. C’est une fête chrétienne célébrée le 26 décembre qui commémore le premier martyr de la chrétienté. Etienne fut accusé, en l’an 36, de blasphème contre le sanhédrin (assemblée législative juive de Jérusalem) et fut condamné à la lapidation. C’est surtout une excuse supplémentaire pour digérer la dinde de Noël. La Saint-Étienne est déjà un jour férié en Moselle et en Alsace (qui ont également droit à un deuxième jour chômé supplémentaire : le vendredi saint).

Déborah COEFFIER

Pour en savoir plus : http://www.liberation.fr

L’urgence d’un islam de France structuré, apaisé, crédible

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Prière à la Grande mosquée de Strasbourg en 2013. REUTERS/Vincent Kessler

 

Sans renier l’héritage laïque, une voie de cogestion de l’islam peut être imaginée en France, garantissant l’égalité de traitement des musulmans avec les autres religions, excluant l’assimilation autant que l’insertion communautaire à l’anglaise.

Depuis près d’un demi-siècle, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, échouent dans la gestion d’un islam divisé, soumis aux influences étrangères, rétif à toute hiérarchie cléricale ou laïque. Il est devenu urgent de relancer la question obsédante de la place de l’islam dans la République laïque, de sa capacité à s’organiser, à s’unifier, à désigner des représentants compétents et incontestés, à se mobiliser contre ses tendances radicales, à condamner et évincer ses extrémistes.

Toutes les équivoques ne sont pas levées, mais l’une des leçons des derniers événements en France est la libération de la parole, chez les musulmans, à propos de l’islam radical dans leurs rangs.

 

Sans doute a-t-on eu tort de confondre leurs silences d’hier avec de la complicité. Leur peur, leur division, leur stupeur devant la montée du terrorisme islamiste, devant l’injonction de condamnation qui pesait sur elle, venant de tous les milieux, étaient les premiers responsables de cette paralysie. Une page semble aujourd’hui se tourner. Le désaveu est plus net et certainement majoritaire.

Faut-il y voir la promesse d’avancées, enfin sérieuses, sur la question obsédante de la place de l’islam, deuxième religion de France, dans la République laïque, de sa capacité à s’organiser, à s’unifier, à désigner des représentants compétents et incontestés, à se mobiliser contre ses tendances radicales, à condamner et évincer ses intégristes?

Depuis près d’un demi-siècle, c’est-à-dire depuis la sédentarisation d’une communauté musulmane qui a quintuplé (5 millions) depuis 1960 –notamment harkis, rapatriés, migrants économiques, regroupement familial–, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont échoué à faire émerger une représentation unique, structurée, respectée de l’islam de France, à l’image de ce qui existe dans les consistoires juif, protestant ou dans les institutions de l’Eglise catholique de France.

Tous les ministres de l’Intérieur (chargés des cultes), qu’ils jouent la carte de la fermeté (Charles Pasqua) ou de la concertation (Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy), se sont cassés les dents. On a isolé et arrêté des réseaux extrémistes, traqué et expulsé des imams politisés, remis de l’ordre dans certaines mosquées, tari des sources suspectes de financement et de fourniture d’armements. Mais la gestion sécuritaire de l’islam de France, pour ne pas dire policière, n’a pas endigué la montée de la radicalisation.

Tableau issu de l’enquête Ined-Insee «Trajectoires et origines 2010». Il en ressort qu’il y aurait 8% de musulmans en France, soit environ 5 millions. L’enquête du Pew Research Center aboutit environ au même nombre (4,7 millions).

 

Favorisée par la droite au pouvoir, la gestion dite «consulaire» avec un partenaire privilégié –la Mosquée de Paris, «vitrine» de l’islam de France, construite en 1926 à la mémoire des soldats musulmans tués lors de la Première Guerre mondiale– n’a pas davantage abouti.

Trop dépendante de ses liens statutaires et financiers avec l’Algérie, coupée de toute base associative, de jeunes, de femmes, d’intellectuels, la Mosquée de Paris n’a jamais été capable d’assurer le leadership musulman. Les polémiques incessantes sur la fixation des dates du Ramadan, sur le marché juteux de la viande halal, sur la formation et le recrutement des imams ont largement contribué à son discrédit.

Enfin, la gestion collégiale de l’islam, qui avait la préférence de la gauche, n’a pas donné de résultats plus probants. L’instance représentative à présidence tournante (le Corif, Conseil de réflexion sur l’avenir de l’islam en France), qu’avait mise en place le ministre Pierre Joxe (PS) au début des années 1990, a vite succombé à ses divisions.

Dans la même ligne, une décennie plus tard, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a failli réussir. Avec habileté et énergie, il avait trouvé un compromis et obtenu un accord entre les principales obédiences rivales, la Mosquée de Paris fidèle à l’Algérie, la Fédération des musulmans de France liée à la Ligue islamique et au Maroc, l’Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans.

Et en avril 2003, pour la première fois, un organisme central –le Conseil français du culte musulman (CFCM)– était élu avec un mandat clair: organiser l’islam de France, en devenir le porte-parole, gérer les affaires du culte qui suscitent tant de convoitises et aiguisent tant de querelles recuites.

Un programme qui a globalement échoué. Depuis plus de dix ans, sur fond de rivalité entre musulmans d’origines algérienne et marocaine, le CFCM s’est montré incapable de travailler de manière collégiale. Il s’est partagé les majorités et les postes, mais, manquant de moyens, de charisme et d’agenda, il est devenu inaudible, jusque dans la tempête actuelle.

La contrainte des lois laïques

Le projet fédérateur d’un islam de France représentatif, structuré, inscrit dans la réalité laïque du pays, capable de contrôler ses dérives intégristes, fait donc partie des serpents de mer de la politique française. C’est un vœu pieux qui se dérobe toujours à la réalité, se résume à une longue série d’occasions gâchées. C’est la conséquence lancinante de ces maux congénitaux que sont l’absence de hiérarchie cléricale dans l’islam sunnite, majoritaire en France, et la fragmentation d’une communauté divisée par ses origines nationales, ses sensibilités, l’ego de ses représentants, ses clivages de générations et ses filières de financement.

Il n’y a pas un islam de France, mais presque autant d’islams que de musulmans! Eclatés en une quinzaine de nationalités d’origine (Maghreb, Turquie, Afrique noire, etc) et une multitude de chapelles associatives, placés sous la coupe d’ambassades et de bailleurs de fonds étrangers, réclamant sans cesse le soutien des pouvoirs publics, mais criant à l’ingérence dès la moindre intervention de l’Etat, la responsabilité des musulmans en France dans cet échec est écrasante.

Mais cela ne doit pas disculper les responsables politiques. Au lieu de tout entreprendre pour désolidariser l’islam de ses influences étrangères, ils ont fermé les yeux, au nom d’une laïcité non interventionniste, sur les subventions des pays arabes au culte musulman français. C’est l’Arabie saoudite qui a payé la construction de la grande mosquée de Lyon et le Maroc qui a financé, en partie, celle d’Evry. C’est l’Algérie qui subventionne le fonctionnement de la Grande mosquée de Paris. Ce sont les pays du Golfe qui ont servi de bailleurs de fonds à la première «université» islamique, créée à l’initiative de l’UOIF (Union des organisations islamiques) dans la Nièvre. Ce sont l’Egypte, l’Algérie, la Turquie qui envoient encore leurs imams en France prêcher dans les mosquées, chaque année, durant le mois de ramadan.

Les questions de fond, posées par l’intégration de cette nombreuse communauté, n’ont pas été traitées, encore moins réglées. Aucune des propositions allant dans le sens d’une plus grande transparence, d’un financement public de la formation des imams et des cadres religieux, n’a été suivie d’effet.

Dès les années 1970, le grand orientaliste Jacques Berque proposait de créer des lycées mixtes franco-arabes. Plus tard, des personnalités comme Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, comme les professeurs Mohamed Arkoun et Jacques Trocmé, prenaient position en faveur de l’ouverture d’une faculté islamique financée par l’Etat à Strasbourg, en pays concordataire, comme sont financées les facultés catholique et protestante de cette ville. Ministre de l’Intérieur en 2004, Dominique de Villepin proposait aussi, sans succès, la création d’une Fondation chargée de finançer les «œuvres musulmanes». Quant à la question de l’enseignement musulman sous contrat, elle est restée taboue jusqu’à la création, au début des années 2000, du lycée musulman Averroès dans la région lilloise.

Le résultat est qu’au fil des années, profitant des espaces laissés libres par l’absence de dirigeants compétents et consensuels, se sont développées des pratiques de «réislamisation» de jeunes dans les banlieues, puis de radicalisation. Ces pratiques ont favorisé le «repli» identitaire religieux, accru la distance avec les élus locaux, avec les porte-parole officiels et le tissu des associations qui, sur le terrain, luttent entre autres contre la drogue et la délinquance, en faveur du soutien scolaire et familial. Echappant à toute autorité, dans les mosquées et dans les cités, des enclaves ont commencé à se former. Une auto-organisation s’est mise en place, devenue perméable à toutes les infiltrations extrémistes.

 

Repenser l’islam dans une société laïque

Tirant la leçon des échecs passés et des événements de ces derniers jours, le débat sur la structuration d’un islam pluriel, divisé, instrumentalisé, rebondit aujourd’hui. Si la France a réussi à intégrer «des musulmans» –et les exemples de réussite sont légion–, elle n’a jamais réussi à intégrer, ni même à penser l’islam en tant que tel, longtemps perçu comme un phénomène provisoire et étranger. Elle a longtemps cru que l’islam allait disparaître avec l’assimilation de la première génération.

Mais bien avant la vague salafiste et la radicalisation islamiste, le vent avait tourné. En rupture avec la génération des «pères» assimilés, avec un modèle dominant d’intégration culturelle, des jeunes filles auparavant en minijupe avaient commencé dans les années 1980 à porter le voile, à réciter leurs cinq prières quotidiennes, à faire le ramadan. C’est allé dans certains cas jusqu’au port de la burqa, réprimée par une loi de 2010.

Dans la situation nouvelle d’aujourd’hui, quels sont les scénarios disponibles et possibles?

Le premier est un interventionnisme plus direct de l’Etat dans la religion musulmane, en vue de régler des questions qui paraissent insolubles depuis des décennies, mais sont devenues cruciale et touchent à la sécurité même de la communauté et du pays. On le sent dans les coups de menton d’un Manuel Valls: la tentation est grande pour l’Etat de se substituer à un leadership musulman défaillant. Mais peut-on aller jusqu’à créer une forme de «consistoire» musulman, comme l’empereur Napoléon avait créé un consistoire juif et un consistoire protestant, toujours en fonction et qui ont prouvé leur capacité?

Déjà pressé, dans les années 1980, de faire preuve de plus d’autorité dans les affaires de l’islam, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, avait l’habitude de répondre: «Je ne suis pas Napoléon». Il était trop fin connaisseur de l’histoire de la République et des lois laïques pour savoir qu’on ne pouvait pas organiser autoritairement l’islam en France.

Voudrait-on créer aujourd’hui un consistoire musulman qu’on ne le pourrait pas. L’islam est arrivé après 1905 sur le sol français, mais la séparation des cultes et de l’Etat ne permet plus à aucun gouvernement d’administrer directement une religion pourtant devenue, par le nombre de ses fidèles, la deuxième de France et traversée par de graves tensions.

Ministre de l’Intérieur, puis président de la République, Nicolas Sarkozy avait bien tenté de contourner l’obstacle, mais il avait profondément choqué le camp laïque. Il avait proposé d’amender –légèrement– la loi de 1905 pour aider à la construction de lieux de prière décents et pour financer la formation d’enseignants religieux parlant français et intégrés. Pour lui, la France devrait transcender son «culte de la laïcité», rompre avec l’interprétation restrictive des lois de séparation, délimiter un nouvel espace pour la religion en politique. En raison des polémiques qui ont suivi ses discours de Saint-Jean de Latran à Rome en 2007 et de Ryad en 2008, il ne s’est pas obstiné.

Faut-il alors se tourner vers le système «communautariste» qui prévaut en Grande-Bretagne, où l’islam prend en charge sa propre organisation, désigne ses représentants, possède ses écoles privées mais subventionnées, ses agences de l’emploi situées au sein même des mosquées? Cette logique de développement séparé est contraire à toute la tradition française d’intégration depuis deux siècles. Elle ne protège aucunement des montées de fièvre intégriste et crée même des sortes de ghetto.

Faut-il voir l’exemple espagnol: en 1992 à Madrid, un accord passé avec l’Etat garantit aux fidèles de confession musulmane la construction de lieux de culte, la formation de leurs imams, l’enseignement religieux à l’école publique, la reconnaissance des mariages islamiques, la pratique religieuse des militaires, etc.

 

Former des cadres religieux et des aumoniers de prison

Après la tragédie du 7 janvier et le sursaut républicain du 11, traquer les réseaux islamistes, chasser les imams politiques, réprimer le port de la burqa, sanctionner les refus de mixité, à l’école ou à l’hôpital, ne peuvent plus tenir lieu de seule politique. Sans renier l’héritage laïque, une voie de cogestion de l’islam peut être imaginée en France, garantissant l’égalité de traitement des musulmans avec les autres religions, excluant l’assimilation autant que l’insertion communautaire à l’anglaise.

D’abord, faire émerger un mode plus crédible de représentation et de direction de la communauté, dans toutes ses composantes, y compris laïque. Le modèle est celui du Conseil des institutions juives de France (Crif).

Puis il est aussi urgent de faire avancer la question cruciale de la formation des cadres religieux. Celle-ci devait être la clé de voûte d’un islam apaisé, mais les instituts Avicenne de Lille, ceux de l’UOIF près de Château-Chinon (Nièvre) ou de la Mosquée de Paris (dont les étudiants reçoivent aussi des cours de religion et de laïcité à l’Institut catholique) témoignent, hélas, d’une formation qui reste précaire, peu contrôlée, dispersée. Les pouvoirs publics, autant que les associations divisées sur les contenus théologiques, semblent dépassés par les enjeux de formation musulmane.

Enfin, si Manuel Valls et l’ensemble de la classe politique conviennent que la racine du mal se trouve largement dans la concentration de musulmans radicaux en prison, il faudra impérativement renforcer les moyens budgétaires et augmenter la charge et le nombre des aumôniers de prisons. Ceux-ci ne sont qu’environ 150. Ils touchent un maigre pécule et n’ont pas de statut qui les protège socialement. Les contrôles et les enquêtes (légitimes) des préfectures et de l’administration pénitentiaire découragent aussi des vocations.

On ne pourra cependant trouver de meilleur antidote au prosélytisme radical que dans la présence et l’écoute des aumôniers en nombre, éclairés, formés, convaincus de l’importance de leur mission pour lutter contre l’endoctrinement, l’influence de «meneurs» qui prêchent un islam de guerre et de violence. C’est à ce prix que la communauté musulmane pourra guérir de ses démons. Mais, sur ce terrain de la prison comme sur les autres, l’Etat ne pourra pas non plus se dérober à ses responsabilités.

21.01.2015 – 7 h 36 – mis à jour le 21.01.2015 à 7 h 40

Pour en savoir plus : http://www.slate.fr

 

« La laïcité est un processus, jamais totalement acquis…»

Valentine-zuber

 

Valentine Zuber, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, souligne les caractéristiques de la laïcité à la française, et notamment les difficultés, pour la République, d’accepter la visibilité des minorités. Elle rappelle que la laïcité s’impose avant tout à l’Etat et ses agents, et non aux citoyens.

Le concept de laïcité est-il spécifique à la France ?

Valentine Zuber. Non. Il est partagé absolument partout en Europe, même si l’on n’utilise pas le même mot. On trouve partout le même idéal de séparation de la sphère temporelle et de la sphère religieuse.

En anglais, on parle de « civil state », « secular state ». La modernité occidentale s’est construite sur la reconnaissance de la liberté de conscience, à la suite de longs combats religieux, philosophiques, philosophico-politiques, depuis le XVIe siècle. A cet égard, on peut citer les travaux de Pierre Bayle (1647-1706) au lendemain de la révocation de l’Edit de Nantes.

Les premiers à avoir théorisé cette séparation, au XVIIe siècle, sont des Anglo-saxons, et parmi eux, le puritain Roger Williams, fondateur de la colonie de Rhodes Island, puis John Locke en Grande-Bretagne (1632-1704). Ce sont souvent des dissidents du calvinisme qui ont pensé le pluralisme religieux, la liberté de conscience et de culte, dans un Etat neutre.

Cette conception a été appliquée pour la première fois dans l’histoire avec le premier amendement de la Constitution américaine , en 1791, qui sépare l’Etat fédéral, neutre et laïque, de toute religion. Puis, la France et les autres Etats européens ont procédé à cette séparation.

 

Comment s’expriment ces laïcités ?

V. Z. L’histoire fait que les modèles séparatistes ne sont pas les mêmes partout. On trouve deux grands modèles. Celui de l’indifférence, en France et aux Etats-Unis par exemple, où l’Etat ne s’occupe pas des cultes. Et celui de l’égalité entre les cultes, où l’Etat donne les mêmes moyens à tous, quels qu’ils soient : c’est le modèle de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la plupart des Etats scandinaves.

Même si les modalités de mise en œuvre de la séparation Eglise-Etat sont différentes, le principe, lui, est le même partout. Ne confondons pas principe et modalité d’action.

En Europe, aucun pays n’a de politique discriminante contre une religion, aucun ne se trouve donc en contradiction avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme qui consacre la liberté de religion et de conviction pour tous. De ce point de vue, les citoyens européens sont tous égaux, quelle que soit l’orientation idéologique de l’Etat et son éventuelle religion officielle.

 

Laïcité ne signifie donc pas absence de relation avec un mouvement religieux ?

V. Z. En effet, il y a une grande différence entre la position extrême de la France, où l’Etat est théoriquement complètement neutre, et d’autres pays où il existe une collaboration entre l’Etat et les mouvements religieux pour le bien commun.

En Allemagne, par exemple, les Eglises constituaient la seule poche de résistance au nazisme. La loi fondamentale du 8 mai 1949 prévoit donc qu’elles collaborent avec l’Etat dans les domaines de l’éducation, de la santé, des retraites. C’est aussi l’Etat qui collecte l’impôt volontaire pour le compte des Eglises. En France, au contraire, l’Etat s’est construit en opposition à l’Eglise catholique, à laquelle il a arraché l’état civil, l’éducation, la santé, la justice.

Je note pourtant que, même en France, il existe des subventions déguisées aux cultes par le biais de la réduction d’impôt sur les dons aux organismes d’intérêt public, souvent confessionnels. Ce n’est pas un système très transparent.

 

Plus précisément, qu’est-ce qui caractérise la laïcité en France ?

V. Z. Il y a deux aspects. Le premier, qui découle de l’article 1 de la loi de 1905 : l’Etat garantit la liberté de conscience et de culte de tous les citoyens. C’est très fort : l’Etat doit protéger cette liberté, il ne peut pas rester passif.

Deuxième aspect, l’article 2 de la loi dit que l’Etat et les collectivités locales n’ont pas le droit de subventionner un culte. Ce qui est très proche de la version américaine de la laïcité.

 

Est-ce un problème si l’Etat décide de ce qui est une religion ?

V. Z. L’Etat français garde souvent une mentalité « gallicane ». Il décide en effet de ce qui est une religion (sous l’appellation officielle de « culte ») et ce qui n’en est pas une. Cela paraît contraire à l’esprit de la laïcité-neutralité. Lorsque les libres penseurs ont demandé il y a quelques années, à bénéficier d’une émission sur la télévision publique le dimanche matin, il leur a été répondu que, n’étant pas une religion, ils n’y avaient pas droit.

En Belgique, par exemple, l’Etat soutient les catholiques, les protestants, les musulmans et les laïques etc., c’est-à-dire aussi ceux qui ne se réclament d’aucune religion, mais d’une « conviction ».

Par ailleurs, la France a du mal avec les mouvements minoritaires et reste très soupçonneuse vis-à-vis des mouvements religieux minoritaires qu’elle a tendance à qualifier péjorativement de « sectes », pour les disqualifier. Elle a du mal à comprendre et à vivre le pluralisme. C’est une marque profonde de l’ethos catholique unitaire et exclusif qui a modelé pendant des siècles notre identité.

 

Comment cette méfiance vis-à-vis des minorités se traduit-elle concrètement ?

V. Z. La neutralité de la laïcité à la française aboutit à des discriminations de fait. Cela tient au privilège qui revient à la religion historique. Les religions nouvelles, minoritaires, n’ont pas pu bénéficier des arrangements du début du XXe siècle. C’est le cas de la grosse minorité musulmane, naturellement, qui ne bénéficie pas de subvention.

Même situation pour les évangéliques. Le problème est donc de garantir la liberté de culte des musulmans et des évangéliques, liberté qui passe par l’établissement de lieux de culte. De façon pragmatique, les maires passent par des aménagements encouragés par l’Etat, des baux emphytéotiques, des associations bâtissant des lieux culturels annexés aux lieux de culte…

 

Que pensez-vous des demandes alimentaires pour raison religieuse dans les cantines scolaires ?

V. Z. La réaction des maires montre souvent une peur face à la gestion du pluralisme. Or la nourriture, c’est vital ! Dans les pays du Nord, on arrive à offrir des repas sans gluten sans que cela engendre de débats philosophiques. Avec un peu d’organisation, on peut bien proposer aussi des repas sans porc ! Il est normal et juste de s’adapter à la clientèle.

Mais les élus ont peur de devoir affronter d’autres demandes, comme le voile, le refus des filles de participer à certains cours…

V. Z. Le problème est que la laïcité est invoquée à tout bout de champ sur ces questions. Or, elle n’est par exemple pas garante de l’égalité homme-femme. C’est au nom de la laïcité que le droit de vote a été longtemps refusé aux femmes, supposées être inféodées à l’Eglise catholique et à ses clercs.

Aujourd’hui, on s’en prend aux femmes voilées, et pas aux hommes barbus… On considère que la femme doit s’émanciper, on veut imposer la liberté aux jeunes femmes musulmanes. Je m’insurge contre cette vision paternaliste des femmes.

En outre, l’égalité homme-femme est aussi un principe constitutionnel que l’on peut invoquer sans impliquer la laïcité. A ce titre, on peut résister aux demandes qui visent à exclure les filles de certaines activités ou à séparer filles et garçons.

 

Porter le voile fait donc partie de la liberté des femmes…

V. Z. C’est leur liberté… La doctrine du Conseil d’Etat est que la liberté est la règle, l’interdiction l’exception. Les débats sur l’interdiction du voile dans la rue, dans l’entreprise ou l’université découlent d’une mauvaise interprétation de la laïcité et sont simplement des atteintes à la liberté.

 

Ne s’agit-il pas en réalité, sous couvert de laïcité, d’un refus des populations immigrées ?

V. Z. Non. Des études sociologiques montrent que l’acceptation des immigrés est meilleure en France qu’ailleurs. Ce qui est mal supporté est la visibilité de la différence. Le mythe de l’égalité entre individus abstraits fait que les Français sont très sensibles à l’aspect extérieur. D’où le problème avec la visibilité des femmes voilées.

 

Faut-il réviser la loi de 1905 ?

V.Z. Non, il n’y a pas besoin de législation supplémentaire. Les lois de 2004, sur le voile, et de 2010, sur la burqa sont déjà des transgressions de la laïcité. Elles imposent la laïcité aux usagers des services et de l’espace publics, alors qu’en réalité la laïcité ne s’impose traditionnellement qu’à l’Etat et à ses agents, afin qu’ils puissent traiter tout le monde à égalité. Je reconnais malgré tout que ces lois ont contribué à l’apaisement de la société. Mais il n’en faudrait pas d’autres, car on toucherait au cœur de la laïcité.

 

La laïcité a-t-elle été concernée par les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper casher ?

V. Z. Naturellement. Mais j’ai apprécié que l’on mette en avant d’abord la question de la liberté d’expression. La liberté d’expression fait partie des droits de l’homme, tout comme la laïcité. Et non le contraire.

Dans liberté d’expression, il y a aussi liberté d’expression religieuse ou non religieuse. Je rappelle qu’en France, on parle de « liberté de religion ou de conviction ». Or les attentats s’en sont pris à l’anticléricalisme, à travers Charlie Hebdo, et à des juifs. Je ne pense pas que nous ayons vécu un échec de la laïcité. Celle-ci est un processus, jamais totalement acquis… Il n’y a pas de laïcité parfaite.

par Martine Kis

Pour en savoir plus : http://www.courrierdesmaires.fr/

Enseignement du fait religieux : des situations variées en Europe

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Dans le cadre de la « refondation de l’école laïque » voulue par le gouvernement après les attentats de Paris, la ministre de l’Education nationale a annoncé un renforcement de l’enseignement laïque du fait religieux, officiellement au programme depuis 2005. Comment enseigne-t-on le fait religieux dans les écoles publiques ailleurs, en Europe ? Saphirnews vous fait un petit tour du continent.

En Europe, l’enseignement religieux est au programme de tous les pays. Il existe une grande variété de situations, presque autant que d’Etats. Deux grands cas de figures se distinguent dans les écoles publiques : l’enseignement confessionnel et non confessionnel, celui qui prévaut en France, en Suède ou en Finlande. Le cas français est toutefois unique : il est transdisciplinaire alors qu’ailleurs, il donne lieu à des cours spécifiques dont la forme et le contenu varient ensuite selon les contextes et le processus de sécularisation.

La place accordée aux religions dans les écoles publiques européennes reflète l’histoire des pays avec l’Eglise dominante. Elle témoigne aussi de la grande diversité de relations Etats-religions qui existe sur le continent. Si, en France, Eglise et Etat sont séparées depuis 1905, c’est loin d’être le cas de tous ses voisins. Dans certains pays aussi, identité nationale et religion sont fortement imbriquées: l’Italie, Malte et l’Irlande avec le catholicisme, le Danemark avec le luthérianisme, la Grèce avec l’orthodoxie… L’intégration du fait religieux islamique en Europe ont aussi poussé les pays à revoir l’organisation et la structuration des cours de religion, confessionnels ou non.

Autre facteur générant des situations différentes à l’échelle européenne : la plus ou moins grande centralisation de l’éducation. En France, les programmes et les enseignements sont déterminés au niveau national. En Allemagne, ces questions sont régionalisées, tandis qu’en Angleterre, une large marge de manœuvre est laissée aux autorités locales et aux chefs d’établissement.

Ces enseignements font régulièrement débat dans certains pays.

En Belgique, les élèves des écoles publiques ont le choix entre suivre le cours de religion d’un des six cultes reconnus dans le pays (catholique, protestant, anglican, orthodoxe, juif et musulman) et le cours de morale non confessionnelle, deux enseignements inscrits dans la Constitution. Le contenu de l’enseignement religieux et le recrutement des enseignants sont du ressort des instances religieuses. En janvier, le débat autour de la suppression des cours de religion a été relancé. La ministre de l’Education s’est prononcé pour leur maintien.

Tel n’est pas le cas au Luxembourg où le débat est vif. Jusqu’à présent, le choix des élèves porte entre un cours d’éducation morale et sociale ou un cours d’instruction religieuse catholique, l’Etat étant un archevêché. Le gouvernement entend le supprimer dès la rentrée 2016/2017 au profit d’un cours de valeur unique. Les représentants des communautés religieuses s’y opposent, réclamant un cours durant lequel toutes les religions seraient enseignées, et pas uniquement le catholicisme.

En Allemagne, l’éducation relève de la compétence des 16 régions (Lander). La séparation entre l’Eglise et l’Etat est moins marquée qu’en France, et la Constitution prévoit des cours de religion à l’école. Ils sont même obligatoires, mais les enfants peuvent suivre à leur place des cours de philosophie et d’éthique, ou en être dispensés si les parents le souhaitent. L’instruction religieuse est placée sous la responsabilité de l’Etat, mais son contenu relève de la responsabilité des Eglises. Les élèves sont séparés selon leur confession et le cours, choisi.

L’introduction de cours de religion musulmane fait débat depuis plusieurs années depuis 2001. Des Lander ont tout de même déjà franchi le cap ces dernières années comme celui de Hambourg en 2012 et la Hesse en 2014.

En Grande-Bretagne, l’anglicanisme est religion d’Etat en Angleterre, le presbytérianisme (protestantisme) en Ecosse, tandis que l’Irlande du Nord et le Pays de Galles n’en ont pas. La loi sur l’éducation de 1988 précise que l’éducation religieuse « doit refléter le fait que les traditions religieuses en Angleterre sont principalement chrétiennes, tout en tenant compte de l’enseignement et de la pratique des autres grandes religions représentées dans le pays ».

Avec les années, l’instruction religieuse est devenue une éducation religieuse multiconfessionnelle dans laquelle sont introduits des éléments propres aux principales religions présentes dans le pays (judaïsme, islam, hindouisme, bouddhisme, religion sikh).
En Irlande, pays catholique dont la religion a largement défini l’identité par rapport à la Grande-Bretagne, les écoles dispensent un enseignement religieux sur lequel les instances religieuses ont toute autorité. Il existe trois sortes d’écoles publiques financées par l’Etat : les écoles religieuses, les écoles pluriconfessionnelles et les Gaelscoileanna, où les cours sont dispensés en gaélique. La plupart des écoles primaires et secondaires sont des écoles de confession religieuse unique, catholiques romaines en majorité. Les écoles multiconfessionnelles se développent cependant de plus en plus. Les enfants ne sont pas tenus d’assister aux cours de religion, les parents peuvent les en dispenser.

La Pologne est un des pays les plus catholiques d’Europe. L’instruction religieuse est enseignée dans les écoles publiques depuis la signature du Concordat avec le Saint-Siège en 1998 mais ne se limite pas au catéchisme. Les cultes reconnus ont le droit d’en organiser tant qu’une présence minimum de sept élève est assurée. Comme l’Eglise, ils sont tenus de s’occuper eux-mêmes de la forme et du contenu des cours de religion mais les enseignants sont payés par l’Etat. Un cours de morale non religieux existe aussi en place et lieu de l’enseignement religieux mais ni l’un ni l’autre n’est obligatoire.

Le catholicisme n’est plus religion d’Etat depuis 1984 en Italie, mais l’Eglise catholique jouit toujours d’un statut privilégié. Un enseignement religieux est dispensé dans les écoles publiques, de la maternelle au lycée. Même s’il ne porte pas sur les sacrements, cet enseignement est placé sous la responsabilité de l’Eglise catholique. Il est facultatif, mais reste très largement suivi. Les notes obtenues dans cette matière comptent autant que les autres.

En Espagne, les liens entre l’Etat et l’Eglise catholique demeurent importants même si le catholicisme n’est plus la religion officielle depuis 1978. Les grandes lignes de l’enseignement religieux sont fixées par un accord avec le Vatican. Les cours d’instruction religieuse sont dispensés dans toutes les écoles, publiques comme privées sous contrat. Le statut de cette matière oscille au gré des majorités politiques. Le Parti socialiste avait rendu cette matière facultative en 2006. En 2013, le gouvernement de droite de Mariano Rajoy est revenu sur cette disposition en rendant les cours de religion – majoritairement catholique, mais aussi évangélique, juive ou musulmane – ou de « valeurs culturelles et sociales » obligatoires à la rentrée 2014.

En Grèce où la société est moins sécularisée qu’en Europe occidentale, la religion orthodoxe est considérée comme partie intégrante de l’identité nationale. La religion figurait sur la carte d’identité jusqu’en 2001, en dépit du droit européen. Selon l’article 1 de la Constitution de 1975, l’orthodoxie est la « religion dominante ». Le clergé est financé par l’Etat, et les cours de religion orthodoxe à l’école publique était obligatoire jusqu’en 2011 pour les élèves orthodoxes. Seuls les élèves d’autres confessions pouvaient en être dispensés. Cette évolution a provoqué d’intenses débats en Grèce. Le clergé orthodoxe s’est prononcé pour le maintien d’un enseignement obligatoire de la religion, tandis que de nombreuses voix se sont élevées pour plaider un abandon du catéchisme pour un enseignement plus général abordant l’ensemble des religions.

Rédigé par Christelle Gence et H. Ben Rhouma | Lundi 16 Février 2015

Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com

Former les profs à la laïcité : d’accord, mais comment ?

 Philippe Gaudin, directeur adjoint à l’Institut européen en sciences des religions, a été désigné avec d’autres pour concevoir les contenus, méthodes et priorités de la formation à la laïcité.
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(Photo d’illustration) (Jean-Pierre Clatot/AFP PHOTO)
Le 21 janvier dernier, François Hollande donnait le coup d’envoi d’une mobilisation générale de la communauté éducative autour des valeurs de la République. Au premier rang desquelles la laïcité. Le lendemain, c’était au tour de la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem d’annoncer une série de mesures, pas tout à fait neuves pour la plupart.

On retiendra toutefois la volonté de généraliser l’enseignement de la laïcité. Ce qui existe déjà mais dans une toute petite proportion. L’idée, cette fois, est de créer un effet domino de grande ampleur : former des formateurs qui formeront les professeurs qui formeront les élèves. Pas simple à mettre en oeuvre. Et pour l’heure, rien n’a été tranché sur le fond.

Tout au plus sait-on que les programmes des cours d' »Enseignement moral et civique », mis sur les rails par l’ancien ministre Vincent Peillon, qui entreront en vigueur à la rentrée 2015, vont être réécrits. Mais après ? Philippe Gaudin, responsable des formations recherche à l’Institut européen en sciences des religions (IESR) et ancien professeur de philosophie (1), a été choisi avec d’autres pour mettre en œuvre ce projet. Il définit pour « l’Obs », les contenus, méthodes et priorités de ce nouvel enseignement.

Enseigner les faits religieux

« A l’IESR, nous ne dissocions pas la nécessité d’une formation sur la laïcité d’une formation sur les faits religieux, qui ont tendance à disparaître des programmes d’Histoire ou de Français. Exemple : l’étude de la religion aux Etats-Unis au XXe siècle par exemple a disparu, alors qu’on ne peut comprendre Martin Luther King sans connaître son contexte religieux. L’effort n’a pas été soutenu depuis 1995, car c’est un enseignement transversal. Difficile d’entretenir la flamme !

Qu’on se comprenne bien. Enseigner le fait religieux, comme l’a recommandé le rapport de l’historien Philippe Joutard dès 1989, n’est pas faire entorse à la laïcité. Il s’agit plutôt d’une maturation, d’une extension de la laïcité, dans un monde qui ne ressemble plus à la France de 1905. Nous vivons dans une société à la fois très sécularisée, et dans laquelle les identités religieuses peuvent se manifester, pour le meilleur et pour le pire. Face à cela, l’école ne peut rester muette.

Je vois deux grandes justifications à l’enseignement des faits religieux :

– Intellectuelle : on ne peut pas bien comprendre le passé, ni le présent, si on n’a pas une bonne connaissance des faits religieux ; et on ne peut pas non plus comprendre le patrimoine artistique.

– Politique : pour faire société dans un monde marqué par une nouvelle pluralité religieuse, il faut une culture commune. D’où l’expression de Régis Debray, d’une « laïcité d’intelligence ».

La laïcité ainsi entendue n’est pas ouverte à tous les vents, ni une sorte de libre-service où toutes les religions s’exprimeraient n’importe comment. Elle reste fidèle à l’esprit de l’école, celui de la connaissance et du savoir.

Apprendre à penser

« Pour la rentrée 2015, il n’est pas prévu de faire un cours de laïcité spécifique. Cette notion sera intégrée à l’enseignement moral et civique, prodigué de l’école maternelle à la terminale, environ une heure par semaine, mais sous la forme d’ateliers par exemple, à l’image des TPE. Toute la communauté éducative sera concernée.

On pourrait y discuter des questions autour de la cantine, par exemple. L’idée est de proposer un enseignement laïc de la morale et non d’enseigner « la morale laïque », qui était l’expression initiale de Vincent Peillon quand il a lancé le projet. Autrement, il ne s’agit pas d’enseigner une morale toute faite – à part les règles de droit fondamental – mais d’apprendre le questionnement éthique et de le traduire dans son comportement. C’est peut-être une façon d’apprendre à agir avec sagesse avant la classe de philosophie !

Ce qui n’exclut pas pour autant que les questions de laïcité soient présentes dans tous les autres enseignements. A l’issue de la formation, il y aura une forme d’évaluation, mais certainement pas telle qu’elle est pratiquée habituellement, avec copies et notes. Elle reste à définir. »

Démultiplier les référents laïcités

« Notre institut participera à la formation des formateurs. Sur les 1.000 formateurs annoncés, nous allons d’ores et déjà nous appuyer sur les « référents laïcité » des académies créés en 2014, en général composés d’inspecteurs ou de professeurs d’Espé (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation). Eux-mêmes, devront trouver d’autres formateurs et toucher ainsi le plus grand nombre de professeurs possible. Ce processus commence à peine, la tâche sera rude.

Former les futurs professeurs d’abord

La priorité, c’est la formation initiale des jeunes générations d’enseignants, de façon à toucher tous les futurs professeurs à partir de maintenant. Il doivent recevoir une formation dans trois domaines : la laïcité, les faits religieux et une préparation à enseigner cette nouvelle discipline qui sera dans les programmes dès la rentrée 2015.

En revanche, impossible de former tous les professeurs en poste à court et moyen terme. Si les modules de formations ne peuvent s’adresser à 50 personnes à la fois et s’il y a 100.000 professeurs (sur environ 800.000) à former, cela fait un très grand nombre de modules de formation ! »

Cibler les établissements en difficulté

« Est-ce qu’il ne faudrait pas une étude sérieuse sur ce qui se passe dans les établissements de l’ensemble du territoire du point de vue de la laïcité ? Avec une équipe de chercheurs indépendants, une méthodologie scientifique, une déontologie transparente et, pourquoi pas, un conseil de surveillance scientifique et politique.

Y-a-t-il des difficultés ? Y-a-t-il des élèves qui refusent d’écouter leurs professeurs sur telle partie du programme ? Sans doute observerait-on que la situation est bonne dans de nombreux établissements. Cela contribuerait à rasséréner le climat moral, social et politique en France. Il apparaîtrait – dans quelle proportion je ne sais pas – qu’une minorité d’établissements posent problème. Il faudrait alors clairement les identifier et connaître précisément  leurs difficultés.

A partir de là, on peut avoir une vraie politique volontariste avec de gros moyens -pas seulement au sens financier mais aussi ‘moral’ justement !-pour y apporter un remède. L’école porte toutes les misères du monde et elle n’a pas le pouvoir de les supprimer. Mais on y verrait plus clair. L’école est l’âme de la République et sur le plan de notre pacte politique, la République est l’âme de la France. Si notre école va mal, c’est l’ensemble de la communauté nationale qui va mal. Ce ne serait donc pas une dépense mal placée. »

Propos recueillis par Sarah Diffalah

(1) « Vers une laïcité d’intelligence en France ? L’enseignement des faits religieux en France comme politique publique d’éducation depuis les années 1980 », Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2014.

« Double défi pour l’école laïque : enseigner la morale et les faits religieux », Riveneuve éditions, 2014.

L’Institut européen en sciences des religions est une composante de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il a été créé après le rapport de Régis Debray en 2002 qui préconisait un pont entre le monde de la recherche universitaire et tous ceux qui ont besoin de formation sur le fait religieux, notamment dans l’administration publique. Ses fonctionnaires travaillent pour l’Education nationale, et sont donc en concertation avec le ministère, ainsi qu’avec la Direction générale de l’Enseignement scolaire, mais apportent la plus-value et l’indépendance universitaire et scientifique. L’Institut a été nommé par la ministre de l’Education pour participer à la formation des formateurs à la laïcité.

Publié le 04-02-2015 à 11h03

Pour en savoir plus : http://tempsreel.nouvelobs.com/

« Nous ne sommes pas formés à la laïcité »

L’académie de Paris organise les 22 et 23 janvier une formation ouverte au personnel de l’éducation nationale sur la laïcité et l’enseignement des faits religieux.

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Pour une fois, ils sont de l’autre côté de la barrière. Enseignants, directeurs d’établissement ou conseillers principaux d’éducation, ils sont une centaine à être assis ce jeudi 22 janvier dans un amphithéâtre du lycée Montaigne, à Paris.

Ils sont venus assister à une session de formation organisée par l’académie de Paris et l’Institut européen en sciences des religions sur un sujet plus que jamais d’actualité : « enseignement et laïcité ».

« Il en va de notre vivre ensemble »

Ces deux journées étaient programmées bien avant les attentats des 7, 8 et 9 janvier. Mais les tueries lui donnent une résonance particulière.

« Ce moment doit nous donner l’occasion d’une mobilisation durable, il en va de notre vivre ensemble et de la cohésion de notre société », plaide un des intervenants, le philosophe Abdennour Bidar. « Il y a des questions et des responsabilités que nous ne pouvons plus ajourner », poursuit son voisin de table, Alain Seksig, membre du Haut conseil à l’intégration.

« Des parents refusent de nous serrer la main »

Dans la salle, des applaudissements fusent après chaque intervention. Des questions et des réflexions, aussi. Elles émanent d’expériences de terrain.

Les uns évoquent les menus à la cantine, les autres la séparation filles-garçons à la piscine, la peur diffusée par certains élèves, l’isolement de la France en matière de laïcité sur la scène internationale… « Messieurs les intellectuels, il faut aussi parler de ce que vivent les femmes, lance une voix féminine. Il y a des parents qui refusent de nous serrer la main. »

«J’ai besoin d’un argumentaire »

Cet enseignant en technologie, lui, veut souligner les manques de sa formation. « On ne m’a jamais parlé de laïcité quand je suis passé en IUFM il y a seize ans, explique-t-il. Je veux bien engager un débat avec les élèves sur ce sujet, mais on risque de se faire bouffer. On voit bien que des questions simples amènent des réponses complexes. Ce dont j’ai besoin, c’est déjà d’un simple argumentaire ».

Face à ce témoignage, Abdennour Bidar ne cache pas son énervement. « Une littérature sur la laïcité existe depuis plus d’un siècle, assène-t-il. Vous êtres des enseignants, des intellectuels. C’est aussi de votre responsabilité de prendre du temps pour lire ces textes et vous construire vous-même votre argumentaire. Il faut être vigilant par rapport à l’idée d’un prêt-à-penser fourni par l’institution. Je comprends que vous vous sentiez démunis, je comprends l’insécurité que vous pouvez ressentir, mais c’est à chacun de se prendre en main et de monter au front ! »

« Nous ne sommes pas formés »

À la sortie de cette première matinée consacrée aux fondements de la laïcité, Fabrice, un prof d’espagnol de 35 ans, prend la défense de son collègue. « La réalité, c’est que nous ne sommes pas formés pour mener un débat sur des questions de religion, confie-t-il. Moi non plus, je n’ai jamais eu de formation sur la laïcité et ma culture religieuse est limitée. Je ne connais presque rien de l’Islam. On est conscient qu’il faut passer par du débat, mais on est confrontés à des élèves qui ont d’autres repères. »

À côté de lui, sa voisine, qui enseigne les mathématiques, poursuit : « on se retrouve très seul face à une classe. Il faut aussi ne pas oublier qu’on a affaire à des adolescents qui aiment provoquer des adultes ». Pour elle, la laïcité est une « évidence ». « Elle fait partie de notre quotidien, elle est dans la loi, reprend-elle. Mais on a peut-être oublié de mettre l’accent sur la laïcité. Je n’avais jamais pensé avoir, un jour, à faire ce genre de formation. »

Pascal Charrier

Pour en savoir plus : www.la-croix.com

Les attentats de Paris vus par les enfants

 

Fait-Religieux-Enseignement

Vendredi 9 janvier au soir, je suis venue à l’atelier affligée. L’après-midi, tous les quarts d’heure, une nouvelle alarme s’affichait sur mon téléphone. Entre les deux frères Kouachi retranchés dans une imprimerie en Seine-et-Marne, la prise d’otage en cours dans le supermarché casher Porte de Vincennes et la place Trocadéro évacuée, impossible de sortir de ma tête l’attentat qui s’est déroulé deux jours plus tôt dans la rédaction de Charlie Hebdo. Cette tragédie, pour sûr, il était essentiel d’en parler avec les CM, des enfants de 9-10 ans, qui participent depuis novembre aux ateliers Enquête au sein d’un centre social situé à Ménilmontant (Paris XXe). Mais comment faire au mieux vu les circonstances ? Avant la séance, Marine, notre coordinatrice, me conseille de partir de leurs connaissances et de travailler à partir de questionnements. Elle me rappelle aussi que leur enseignant à l’école a normalement déjà fait le point avec eux sur ces terribles événements. Ce qui me rassure un peu : je pourrai construire un dialogue à partir d’une réflexion déjà entamée.

« C’est la guerre ! »

Une fois arrivée, Laetitia qui supervise les ateliers au centre social, m’indique qu’aucune séance n’a été effectuée avec les enfants pour revenir sur l’attentat de Charlie Hebdo. Elle-même a néanmoins répondu aux questions des jeunes qui ont exprimé des réactions vives ces derniers jours, comme cette jeune fille qui a déclaré aux autres : « C’est la guerre ! »

Abou Bakr arrive, puis c’est au tour de Rama. Pendant que je termine mes préparatifs pour cette séance dédiée à Muhammad*,  le dernier prophète de l’islam – le hasard fait parfois bien les choses, c’est le thème du jour dans le programme des ateliers -, je leur propose de débuter par une discussion sur les événements de la semaine. Abou Bakr n’attend pas une seconde pour râler : « Oh non ! Notre maitresse nous a déjà parlé de Charlie Hebdo pendant deux heures ! » Je lui réponds que si tout est clair et bien en place dans sa tête, nous continuerons la suite du programme.


« J’ai rigolé pendant la minute de silence »

Une fois qu’ils sont assis, je leur demande de m’expliquer ce qui s’est passé cette semaine. En forme, Abou Bakr se lance dans un long récit un peu confus et désordonné qui raconte l’itinéraire de ces deux frères dont l’un a été en prison et qui ont tué 12 personnes à Charlie Hebdo. « Pour moi, c’est pas des musulmans ! ». C’est à ce moment-là que Rama intervient. Pas d’accord, elle pense de son côté que ce sont des musulmans. Je les laisse se disputer un peu avant de poursuivre ; je reviendrai ensuite sur ce point de mésentente. Tous les deux s’opposent aussi quant au nombre de morts. Sur ce sujet, je leur dit que ce nombre n’est pas l’objet de notre discussion mais que ce qui compte, c’est sa dimension dramatique et que les personnes décédées sont des journalistes, des policiers et un agent d’entretien. Je relance alors Rama pour qu’elle me donne sa version.

Ce qui lui importe surtout, c’est de me raconter qu’elle a rigolé pendant la minute de silence jeudi à son école : « Mais faut m’excuser, j’ai une copine qui rigolait aussi et j’ai pas pu m’empêcher ». Elle se répète, y revient à plusieurs reprises, comme si elle avait besoin qu’on lui pardonne. « Ok, je comprends, c’est dommage, ca arrive parfois quand on est mal à l’aise, mais ne t’inquiète pas. » Je complète cependant en insistant sur le fait que ce temps de silence était important et symbolique, « symbolique, comme la notion de symbole que nous avons vu récemment, vous vous souvenez ? Ca veut dire quelque chose de commun, de partagé, et qui a le même sens pour tous. Dans ce contexte, de dire que tous ensemble, on n’est pas d’accord ». Puis je reviens avec eux sur leurs désaccords, en leur expliquant qu’il s’agit en effet de musulmans mais que ces terroristes ne représentent qu’une partie des musulmans qui vivent leur foi de manière violente et radicale.

Pas le temps de développer car Abdel Rahim, plus âgé que les deux autres, débarque dans l’atelier. Je l’accueille et lui demande de me raconter également les événements. Il me parle alors des morts et m’affirme que l’attentat s’est déroulé à Pantin où apparemment sa sœur était présente aux moments des faits. Comme Abou Bakr, il est pris par le déroulé de l’actualité, déclinaison de l’actualité en continue, comme avalé par le défilé des images. Sans analyse…. Je précise que la tuerie a eu lieu dans la rédaction de Charlie Hebdo, située près de la place de la République.

 

Des stylos en l’air

Pour être sûre de leur compréhension, je les questionne : « Savez-vous ce que c’est, Charlie Hebdo ? » Je les aide un peu ; ils finissent par me répondre qu’il s’agit d’un journal. Ils semblent avoir des difficultés à comprendre ce qu’est une rédaction, notion que je m’attache à leur clarifier. Ils ont aussi du mal à définir la spécificité du journal ; ce qui explique, peut-être, qu’aucun d’entre eux n’ait évoqué les caricatures de Muhammad. « C’est quoi une caricature selon vous ? » Yeux ouverts mais muets, ils ont du mal à répondre. Je leur propose une définition : « Ce sont des dessins qui reprennent des faits d’actualité, souvent en se moquant ».

Je leur explique que Charlie Hebdo a publié, il y a quelques années, des caricatures du prophète de l’islam. Que celles-ci ont blessé de nombreux musulmans. Et je poursuis avec la liberté de la presse, la liberté d’expression : « Pour autant, il est important dans une démocratie, dans notre pays, de laisser la possibilité à chacun de s’exprimer, notamment la presse, tout en respectant les lois ». Pour leur donner une illustration concrète, qui les aide souvent à comprendre, je leur rappelle que je suis journaliste et que personne n’a le droit de me tuer pour un article publié. Cela irait, comme pour Charlie Hebdo, à l’encontre à la fois de l’interdit du meurtre mais aussi de la liberté de l’expression qui fait partie des valeurs républicaines. Ce qui explique que de nombreuses personnes, qui sont venus rendre hommage aux journalistes et aux policiers mercredi soir, brandissaient un stylo en l’air, « Encore un symbole ! La notion revient souvent ce soir… il s’agit du symbole de la liberté de pouvoir s’exprimer, de pouvoir se moquer ». Etant moi-même place de la République le 7 janvier au soir, je leur raconte comment cet hommage, très silencieux, s’est déroulé, tout en leur montrant des photos publiées dans Le Petit Quotidien des différentes manifestations organisées dans le monde.

 « Et que signifie « Je suis Charlie » qu’on voit partout ? ». Ils ne savent pas plus. Je reparle de symbole – décidément le fil conducteur de la séance -, pour montrer que cette petite phrase est un raccourci pour dire qu’on refuse ce qui s’est passé.
Il me semble que nous pouvons passer à la deuxième partie de l’atelier dédiée à Muhammad. Après un jeu de devinette sur ce nom, je demande à ces enfants, pourtant pour la plupart musulmans, ce qu’ils connaissent de ce personnage. Hormis qu’il s’agisse d’un prophète de l’islam, tous donnent leur langue au chat. Il ne s’agit pas ici d’aborder la transmission de la foi, mais bien la transmission laïque de connaissances sur les religions et la laïcité ; le travail en leur compagnie n’est pas terminé…

*L’association Enquête a fait le choix, dans ses différents outils,  d’évoquer le prophète musulman par la transcription « Muhammad », et non pas « Mahomet ». Celui-ci  se justifie à la fois par la plus grande proximité de cette forme avec sa forme arabe et d’autre part car l’utilisation de « Mahomet », transmise depuis au moins l’époque des croisades, souvent dans des ouvrages polémiques, renvoie à une connotation péjorative.

Alice Papin

le 27.01.2015 à 10:57

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Ecole : la guerre des laïques

Après les attentats, l’enseignement laïque du fait religieux est avancé comme une nécessité. Un débat qui déchire l’école depuis trente ans.

NajatVallaudBelkacem
Najat Vallaud-Belkacem se heurte à son tour à la mise en oeuvre d’un enseignement du fait religieux au service de la laïcité. © Etienne Laurent / AFP
Il a été question de « sursaut collectif » dans le discours de Najat Vallaud-Belkacem, de « réponses nouvelles » à des « circonstances exceptionnelles ». Après les attentats, la ministre de l’Éducation nationale s’est lancée dans un marathon consultatif destiné à forger la riposte de l’école à la menace intégriste. Les conclusions sont attendues cette semaine, mais les pistes sont connues : développer la « pédagogie de la laïcité » (via l' »instruction civique et morale » que la rentrée 2015 doit étrenner), renforcer l’enseignement laïque du fait religieux, réduire les inégalités scolaires. Des « réponses nouvelles » ? La réouverture, plutôt, de débats déjà anciens : vieux d’une trentaine d’années, au moins.

« L’éducation à la citoyenneté, abandonnée dans les années 60 et 70, est réapparue dans les années 80 face à la crise économique et à la crainte des communautarismes », explique Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études en sciences sociales. Comment éduquer à la laïcité ? Comment former des citoyens en tenant compte des différences culturelles et religieuses ? La question, constamment posée depuis lors, dépasse les clivages politiques : l’apprentissage de la Marseillaise, évoquée par Najat Vallaud-Belkacem, a été rendu obligatoire en 2005 par François Fillon. Le fait religieux a été, dans le même temps, intégré au « socle commun » des connaissances. Sans succès, faute d’un consensus sur ce que devrait être cet enseignement. En effet, à gauche comme à droite, les tenants d’une laïcité stricte s’empaillent avec les partisans d’une laïcité plus accommodante, ou « inclusive ».

Désarroi

La « morale laïque », ardemment défendue par Vincent Peillon à son arrivée en fonction, a payé le prix de ces tiraillements. Devenue « enseignement laïque de la morale » en avril 2013 dans un rapport préliminaire, elle s’est transformée en « enseignement civique et moral » sous la plume du Conseil supérieur des programmes (CSP), chargé d’en déterminer le contenu. Évacuée la laïcité, au moins de l’intitulé. « Sans doute s’agissait-il de détendre l’atmosphère autour de ces questions, mais je ne peux m’empêcher d’y voir aussi une manière de contourner l’importance du fait religieux », commente Philippe Gaudin, responsable des programmes de formation à l’Institut européen en sciences des religions (IERS).

Résultat : l’accent a été mis sur l’interdisciplinarité et le débat afin de développer chez les élèves « une aptitude à vivre ensemble dans une société démocratique ». Un projet louable, sans doute, mais sur lequel les équipes pédagogiques restent pour le moins circonspectes. L' »échec » dont on accuse de nouveau l’école depuis les attaques est « celui de la société française dans son ensemble », affirme dans les Échos Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat des chefs d’établissement SNPDEN-Unsa. « Il y a des quartiers dans lesquels les valeurs de la République ne sont d’évidence pas en oeuvre et où les jeunes pensent que la société ne leur laisse aucune place. » Créer les conditions d’un débat en classe n’a rien d’aisé. Témoin, le désarroi des enseignants face à la réaction de certains élèves aux attentats.

« Secouer la tutelle d’autorités fanatisantes »

Là non plus, l’affaire n’est pas neuve. Le 11 Septembre avait même contribué à ce que soit commandé au philosophe Régis Debray un rapport sur l’enseignement du fait religieux, remis en 2002, qui continue de faire foi aujourd’hui. Le philosophe estimait alors que, sans qu’il faille faire entrer les curés dans les écoles (pas plus que les rabbins ou les imams), la relégation des cultes hors des espaces de « transmission rationnelle des savoirs » n’était pas tenable. À l’inverse, écrivait-il, « une connaissance objective et circonstanciée des textes saints comme de leurs propres traditions conduit nombre de jeunes intégristes à secouer la tutelle d’autorités fanatisantes, parfois ignares ou incompétentes ».

Régis Debray demandait, notamment, une formation continue des agents de la fonction publique en général, et des enseignants en particulier. L’IERS a été créé à cet effet, mais la suppression des IUFM et la valse des ministres Rue de Grenelle ont laissé la préconisation à l’état de voeu pieux. « On peut espérer toutefois que les choses se stabilisent aujourd’hui avec les nouvelles Espé (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) », note Philippe Gaudin. « L’ensemble de la communauté éducative a besoin d’être formé », sur la question religieuse comme sur la laïcité elle-même, entendue parfois comme une forme d’athéisme public.

La guerre des laïcs

Près de quinze ans après, les mêmes polémiques minent toute action. L’Observatoire de la laïcité s’est ainsi déchiré sur un avis remis après les attentats. Il plaidait pour le « développement effectif de l’enseignement laïque du fait religieux » et demandait, en outre, que « toutes les cultures convictionnelles et confessionnelles présentes sur le territoire de la République » soient prises en compte dans les programmes scolaires. Des propositions jugées « angéliques », « pusillanimes » et même « anti-laïques » par trois des membres de l’institution (le député socialiste Jean Glavany, la sénatrice radicale de gauche Françoise Laborde et Patrick Kessel, ancien grand maître du Grand-Orient de France), qui ont aussitôt menacé de démissionner.

« La laïcité, la laïcité, voilà ce que droite et gauche nous ont répondu lorsque nous avons plaidé pour un enseignement du religieux ! Mais c’est dans notre pays laïque que des personnes en assassinent d’autres en prenant prétexte de leur foi ! » s’insurge de son côté Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, directrice d’études à l’École pratique des hautes études et auteur, avec l’UMP Jean-René Lecerf, d’un rapport sur la lutte contre les discriminations qui ‘a enflammé le Palais du Luxembourg en novembre dernier. « Les professeurs d’histoire, de lettres ou de philosophie continueraient comme ils le font d’aborder les religions en fonction des programmes, avance-t-elle. Mais un enseignement spécifique et laïque permettrait de développer chez les élèves un esprit critique et une connaissance de leurs différentes cultures qui, sans doute, aideraient à tempérer la force des radicalismes. On ne peut pas laisser la question religieuse à Internet. »

Sanctuaire

Le 12 janvier, le président du Conseil supérieur des programmes, Michel Lussault, soutenait dans un entretien que, sans « remettre en cause la laïcité à l’ancienne », il fallait « dire que la société et les élèves ont changé au point que le corpus des enseignants doit lui aussi évoluer ». Soit, pour le nouvel enseignement de « l’instruction civique et morale », atteindre « une forme de consensus par recoupement, forger une morale commune à partir de la diversité sociale, culturelle, religieuse des élèves », explique Philippe Portier, plutôt que chercher à renouer avec le modèle de la IIIe République en administrant d’en haut un dogme laïque. Soit l’exact opposé, par exemple, des déclarations d’un André Gerin, l’ancien maire (PCF) de Vénissieux, qui, en 2009, avait été à l’origine de la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public : « L’école doit redevenir un sanctuaire, déclare-t-il au Point.fr. Il faut sortir de l’illusion de l’école portes ouvertes, comme on le fait depuis quarante ans. Il faut désormais que la laïcité soit totalement respectée, qu’il y ait une séparation entre l’école et la société, et un retour à l’autorité. » Retour à la case départ.

Dans la même interview, Michel Lussault parlait de la laïcité comme d’un « savoir chaud ». Sur ce point du moins, les enseignants ne le contrediront pas.

Par Marion Cocquet

Pour en savoir plus : http://www.lepoint.fr/

Le Point – Publié le – Modifié le

 

Najat Vallaud-Belkacem détaille les mesures pour réaffirmer les valeurs républicaines à l’école

Laïcité et valeurs républicaines, apprentissage de la citoyenneté, réduction des inégalités : la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem a détaillé jeudi 22 janvier des mesures pour un coût de plus de 250 millions d’euros sur trois ans, au nom de la « mobilisation » de l’école pour la République après les attentats à Paris et les incidents qui ont suivi dans certains établissements.
L’école « ne tolère aucune remise en cause des valeurs de la République », a souligné Najat Vallaud-Belkacem, affirmant vouloir lutter contre le « repli identitaire », les « théories du complot », la « défiance » à l’égard des médias et le « péril du relativisme généralisé ».

Laïcité, enseignement moral et civique

L’accent est mis sur la laïcité. Un plan de formation continue exceptionnel va être mis en place pour « 1.000 premiers formateurs formés d’ici juillet » à « la laïcité et à l’enseignement moral et civique », selon le ministère. Par ailleurs, lors du concours de recrutement des enseignants, les candidats seront désormais « évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République ».

La ministre de l’éducation veut aussi sévir contre les comportements mettant en cause les valeurs de la République. « Ils seront systématiquement signalés au directeur d’école ou au chef d’établissement et seront suivis d’un dialogue éducatif avec les parents et, le cas échéant, d’une sanction disciplinaire », prévient Najat Vallaud-Belkacem, en promettant aussi de développer « un portail de ressources destinés à lutter contre le racisme et l’antisémitisme ».

 

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Najat Vallaud-Belkacem a mis l’accent sur la laïcité (photo AFP).
 

« La question de l’autorité à l’école se pose », a martelé la ministre, jugeant que la formation est inutile si les enseignants « continuent à être trop souvent perturbés dans leur enseignement ». Elle a donc promis qu’elle ne tolérerait « aucune faiblesse contre les comportements » qui « portent atteinte » aux enseignants, appelant à l’extension, parmi les sanctions, des travaux d’intérêt général.
Les rites républicains – hymne national, drapeau, devise – seront « expliqués » et « valorisés » afin de « rétablir l’autorité des maîtres ». Et une journée de laïcité sera célébrée chaque 9 décembre dans tous les établissements.

Un « nouveau parcours citoyen » de l’école élémentaire à la terminale s’articulera notamment autour du nouvel enseignement moral et civique, prévu dès la prochaine rentrée, d’une éducation aux médias et à l’information, ou encore de l’incitation à débattre et à argumenter dans les classes. « Le parcours citoyen sera évalué à la fin de la scolarité obligatoire selon des modalités qui seront définies au printemps », précise le ministère.
Des ressources seront produites sur « la pédagogie de la laïcité et pour l’enseignement laïque du fait religieux », ajoute le ministère sans préciser les modalités.
Autre annonce : la création d’une « réserve citoyenne » d’appui aux écoles et aux établissements dans chaque académie. Les bénévoles d’associations ainsi que les délégués départementaux de l’éducation nationale « seront notamment sollicités pour y participer ». La ministre veut aussi « associer pleinement les parents d’élèves ». Aussi, un comité départemental d’éducation à la santé et à la citoyenneté sera créé et les espaces parents seront développés. Ces comités locaux seront destinés à être « une instance de réflexion sur les protocoles de communication vis-à-vis des parents d’élèves lors des situations d’urgence ».

Lutter contre les inégalités

La maîtrise du français est « un chantier prioritaire ». Il y aura une évaluation du niveau des élèves en français en début de CE2.

« L’école républicaine, gratuite et laïque, est en première ligne, a déclaré le premier ministre Manuel Valls. Au fil des années, notre école a dévié de son cap. Elle reproduit les inégalités ». Pour mieux aider les enfants en situation de pauvreté, les fonds sociaux seront augmentés de 20 %, a annoncé Najat Vallaud-Belkacem.

Concernant les jeunes placés sous contrôle de la justice après un acte de délinquance et pour les jeunes détenus, le gouvernement lance « une mobilisation en faveur de la poursuite de l’enseignement et de l’acquisition des compétences fondamentales ». Enfin, face aux risques de repli chez les jeunes pouvant représenter un risque pour eux-mêmes et la vie collective, « un meilleur repérage » aura lieu avec « la formation renforcée des chefs d’établissements » et « le contrôle renforcé de l’instruction à domicile ».

Avec AFP
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