Le salon d’apparat de la maison de l’architecte égyptien Omar El Farouk, dans l’oasis du Fayoum (Égypte).
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La mise en scène du passé possède une longue histoire dans l’architecture et la muséographie occidentales. La présence de l’histoire dans les musées et les intérieurs arabes ou turcs n’est pas moins riche. L’invention coloniale de la tradition, puis la formation des imaginaires nationaux ou régionaux, tel le panarabisme, en ont été des vecteurs privilégiés, non sans continuum de l’un à l’autre…
Egalement au sommaire…
Dans la rubrique Histoire, un éclairage original du récit fondateur de la monarchie marocaine par les Idrîssides dans lequel la numismatique pèse son poids. Un Portrait dédié à un « bilan d’étape » de l’œuvre de Jacques Berque, à l’occasion des vingt ans de sa disparition. Une promenade en texte et en images dans la Tunisie des poètes, aux antipodes du tourisme de masse, qui nous conduit de Sfax à Tunis en passant par l’archipel des Kerkennah. Deux nouvelles rubriques : un « Voyage en cuisine » dédié à l’escabèche et un « Arrêt sur photo » commenté par l’écrivain Abdelkader Djemaï. Et comme chaque trimestre, toute l’actualité artistique et littéraire du trimestre…
Omar Sharif est décidé vendredi 10 juillet au Caire à l’âge de 83 ans.
Omar Sharif s’est éteint ce vendredi 10 juillet à l’âge de 83 ans des suites d’une crise cardiaque dans un hôpital du Caire.Le célèbre acteur égyptien, qui était atteint de la maladie d’Alzheimer, a connu une renommé internationale dès 1962, l’année de la sortie du célèbre film de David Lean, Lawrence d’Arabie. Pour le rôle du prince du désert Ali Ibn Kharis qu’il joue aux côtés de Peter O’Toole, il obtiendra alors deux Golden Globe, ceux du meilleur acteur dans un second rôle et de la meilleure révélation masculine, en 1963.Avec le réalisateur David Lean, il connaîtra un autre grand succès avec Le Docteur Jivago. Il interprète le rôle principal du médecin enrôlé de force dans l’armée lors de la révolution d’Octobre conduite par Lénine en 1917. Une interprétation qui lui permet d’obtenir le Golden Globe Award du meilleur acteur en 1965,
En 2004, il obtient le César du meilleur acteur pour son rôle d’épicier philosophe dans Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Corande François Dupeyron.
La maladie d’Alzheimer a contraint l’acteur à s’éloigner des plateaux. Sa dernière apparition sur grand écran remonte à 2013 dans le film Rock the Casbah.
Omar Sharif, né en 1932 à Alexandrie d’une famille d’origine libanaise, a été élevé dans le rite maronite – chrétien – avant de se convertir à l’islam pour pouvoir épouser Faten Hamama, de confession musulmane. L’actrice égyptienne, célèbre dans le monde arabe, est elle-même décédée en janvier 2015.
Les deux acteurs se sont rencontrés lors du tournage du film Ciel d’enfer du réalisateur égyptien Youssef Chahine, celui qui a fait débuter Omar Sharif en 1954. C’est de là que l’acteur, né Michel Chalhoub, prend le nom d’Omar Sharif. De leur union naîtra un fils mais ils divorcent en 1974 du fait de la carrière internationale prenante d’Omar Sharif. Ce champion reconnu de bridge aurait confié des années plus tard être agnostique. Omar Sharif a joué dans pas moins de 70 films durant sa longue carrière.
Rédigé par La Rédaction | Vendredi 10 Juillet 2015
Pâques, ses œufs décorés et ses lapins à clochettes sont aujourd’hui avant tout une affaire de spiritualité pour les croyants et de chocolat pour les autres. Cette fête, dont les origines sont bien plus anciennes que la religion chrétienne, tire son origines dans les festivités de l’équinoxe du printemps, le renouveau de la nature après les rudesses de l’hiver.
Le HuffPost a remonté le temps pour pouvoir enfin répondre à la question qui animera votre repas de Pâques : qui de l’œuf ou du lapin est arrivé le premier?
Des œufs vieux comme le monde
Il y a 60.000 ans, l’homme décorait déjà des œufs. Il vivait alors en Afrique du Sud et sculptait des œufs d’autruche. Ces coquilles retrouvées en 2010 par des archéologues sont à ce jour la plus ancienne trace d’art et de communication. Mais revenons à notre omelette, les œufs qui nous intéressent proviennent plutôt du Moyen-Orient, de Perse et d’Égypte plus précisément.
À gauche, les œufs gravés retrouvés en Afrique du Sud, à droite, des œufs de Pâques
Deux célébrations du printemps semblent particulièrement avoir influencé les premiers chrétiens. En Égypte, la fête de Shaam el-Nessimes qui signifie le renouveau de la vie et dont les plus anciennes traces de célébration datent d’il y a 2700 ans avant Jésus-Christ. Aujourd’hui, Sham el-Nessim est toujours célébré par les chrétiens et les musulmans, le lendemain de la Pâques copte. En Perse, la fête de Norouz marquait le début de la nouvelle année, le 21 mars. Elle est toujours célébrée en Iran avec la même signification. Au cours des célébrations de cette fête comme de Shaam el-Nessimes, il était d’usage de décorer des œufs.
Pourquoi des œufs ? En Égypte, comme en Perse, en Finlande, en Inde ou encore en Chine, l’œuf fait toujours partie des récits de la création. Il est le symbole de la vie et de la fertilité. Les Celtes, les Perses et les Égyptiens s’offraient des œufs pour fêter le début du printemps.
Un mystérieux lapin
Si le mystère des œufs a été percé, celui du lapin demeure bien plus mystérieux. Si vous faites quelques recherches sur Internet, vous lirez à coup sûr que la fête de Pâques, Easter en anglais, tire son nom d’une déesse anglo-saxone du printemps, Eostre, toujours accompagnée de son lièvre sacré. Un mythe qui pourrait avoir été fondé de toutes pièces au XIXe siècle. Alors en plein essor, le néo-paganisme anglais se cherche des racines dans la civilisation pré-chrétienne.
Une illustration de la déesse Eostre accompagnée d’un lapin
Les néo-païens revendiquent entre autres la paternité du père noël et du lapin de pâques. Ce dernier est rattaché à la déesse Eostre, une déesse citée une seule fois dans un texte écrit par un clerc en 1682 et qui comporte de nombreuses erreurs.
C’est en Allemagne, en revanche, que le lapin de Pâques pourrait être né. L’Osterhase qui apporte les œufs de Pâques est décrit pour la première fois dans l’ouvrage De ovis paschalibus (Sur les œufs de Pâques) écrit en 1680. Le lapin joue le rôle d’un juge chargé de dire si les enfants étaient bons ou désobéissants au début du printemps.
Le lapin est comme l’œuf un symbole de fertilité. Dans l’Antiquité, certains auteurs tels que Plutarque l’imaginent hermaphrodite, capable de se reproduire sans coït. Très présent dans l’art sacré médiéval, la figure du lièvre rappelle donc la virginité de la Vierge et la conception du Christ sans péché.
A l’approche des célébrations pascales, tant chez les Juifs que chez les Chrétiens, il n’est pas inutile de dire un mot de la divergence d’interprétation de cette fête chez les uns et chez les autres. Le récit vétéro-testamentaire de l’Exode est univoque mais les adeptes de l’Eglise primitive, tout juifs qu’ils étaient, l’ont interprété dans un autre sens, celui de la Résurrection tout en s’appuyant sur des versets prophétiques. Donc en restant dans le cadre juif, quoique non rabbinique.
L’Exode, d’une part, tel que le relate la Bible hébraïque, et la Résurrection de Jésus, telle qu’elle se lit dans les Evangiles, d’autre part, sont des événements majeurs de l’Histoire sainte. En termes de sociologie religieuse, on pourrait, avec tout le respect nécessaire à l’adresse des fidèles des deux religions, parler de « mythes fondateurs » qui gisent à la base même de la foi. Comme le recommandait Ernest Renan dans son Histoire des origines du christianisme, il ne sert à rien de bannir la légende puisqu’elle est la forme que revêt nécessairement la foi de l’humanité.
Alors que la fête juive de Pâque, Pessah, renvoie à un épisode biblique unique, la sortie d’Egypte, la tradition juive et la tradition chrétienne en font des lectures très différentes. Chacune voit dans cette célébration pascale un épisode crucial de son vécu religieux.
Résumons brièvement les récits bibliques tels qu’ils se lisent dans le second livre de Moïse qui a d’ailleurs donné son nom à cet Exode d’Egypte: après sa révélation à Abraham, Dieu lui promet une innombrable descendance qui sera réduite à l’esclavage en Egypte mais qui ressortira renforcée de l’épreuve. Aguerris par une épuisante traversée du désert, ces enfants d’Israël hériteront de la Terre promise où ils pourront couler des jours heureux…
Cette vision idyllique de l’histoire de l’Israël ancien est conforme à la vocation de la Bible qui n’est pas un livre d’histoire mais défend plutôt une conception théologique du devenir historique. Cela s’appelle une téléologie, du terme grec telos qui renvoie dans le contexte judéo-chrétien à un dessein divin, conçu avant même la création de l’univers. Pour quelles raisons la Providence divine a-t-elle choisi de précipiter les Hébreux dans le creuset égyptien pour les en extraire après quelques siècles de souffrances, on ne le saura jamais.
Mais si nous adoptons une approche anthropologique et sociologique, l’explication suivante s’impose à l’esprit : l’Egypte ancienne, bien que dépourvue de toute tradition esclavagiste antérieure, est considérée ici comme la quintessence de l’impureté, une sorte de laminoir impitoyable, un creuset apte à contribuer à la fondation de l’ancien l’Israël ; le moule implacablement sélectif de l’esclavage fera émerger une nation nouvelle qui s’est donné une langue, forgé une destinée et construit une vision de l’univers. Le cadre de l’histoire sainte est désormais tracé : un peuple, Israël, une foi, le monothéisme, et une patrie, la Terre promise.
La pédagogie du livre de l’Exode consiste dans l’émergence d’une conscience nationale chez un peuple d’anciens esclaves, soudés par la souffrance.
Aujourd’hui, les historiens s’accordent sur l’existence d’un exode progressif mais ne reprennent pas en tout point les récits bibliques. L’intention fondamentale des rédacteurs bibliques est transparente : faire de l’Exode l’événement national fondamental du peuple d’Israël, sa première apparition sur la scène de l’histoire universelle. En somme, un peuple ayant chèrement acquis sa liberté et qui, désormais, se pose en s’opposant. On voit ici aussi la tension polaire existant entre la mémoire du peuple qui interprète de manière spécifique les événements fondateurs de son histoire, et l’Histoire universelle proprement dite, censée garder trace de ce qui s’est vraiment passé… Nous sommes en présence de la sempiternelle opposition entre la mémoire et l’Histoire.
Or, ce filtre de la conscience religieuse se confond avec le regard que nous portons sur les faits : il fonde une identité qui forme à son tour une opinion. Marguerite Yourcenar écrivait en substance dans les Mémoires d’Hadrien que le passé est le souvenir que les événements anciens laissent dans notre mémoire.
Comme chacun sait, le nom de la fête de Pessah, proviendrait, selon l’étymologie biblique qui est populaire et non savante, d’un verbe signifiant passer, surmonter, enjamber. Dieu a enjambé les demeures des fils d’Israël afin de leur épargner les plaies qui se sont abattues sur les Egyptiens. Au plan symbolique que je veux privilégier, ce serait donc un rituel de passage d’un état à un autre, de l’esclavage à la liberté, en l’occurrence. D’où la traduction anglaise de Pâque par pass over (Passover).
Le texte biblique parle du sacrifice pascal offert à Dieu. La tradition juive a donc mis cette fête du sacrifice en relation avec la sortie d’Egypte, afin de lui fournir un enracinement de premier ordre dans l’histoire d’Israël. On peut discerner derrière ce rite la pratique d’un peuple de pasteurs qui marquent l’avènement du printemps par un grand rassemblement autour d’un repas professionnel, sacralisé par la suite en repas communiel… Dès lors, la tradition juive ultérieure a fait de la sortie d’Egypte l’acte de naissance du peuple d’Israël en tant que tel, un peuple qui brisa les chaînes de l’esclavage, se fraya un chemin vers son Dieu à travers un lieu aussi inhospitalier que le désert et finit par recevoir le Décalogue dont il fit don à l’humanité.
Après la Passion, l’Eglise primitive, qui ne comptait alors en son sein que des juifs profondément enracinés dans la tradition ancestrale, revisita son histoire dans laquelle elle projeta son vécu religieux immédiat.
Or, ce qu’elle venait de vivre, à savoir la crucifixion, c’est-à-dire un véritable drame, ne pouvait sonner le glas de son espérance : si les sources juives anciennes avaient relié le sacrifice pascal à la sortie d’Egypte eu égard au caractère fondateur de cet événement, les judéo-chrétiens, c’est-à-dire l’Eglise encore juive, pouvait, elle aussi, décider de puiser dans son nouveau terreau un autre événement, tout aussi important aux yeux du judaïsme ancien, la Résurrection. Ces hommes ne pouvaient se résoudre à la disparition de leur rêve. Vu la proximité de la fête de Pâque et la terrible déception qui s’était abattue sur les Apôtres et les disciples, la fête prenait une autre dimension et devenait celle de la Résurrection et Jésus, l’agneau pascal, l’objet même du sacrifice.
Ce qui est frappant, ce n’est pas tant la profonde divergence des interprétations d’un même événement ou d’une même solennité par deux traditions devenues différentes, que le fait suivant : les adeptes de l’Eglise naissante ont puisé, encore et toujours, dans le terreau du judaïsme, le leur, celui qui les a toujours nourris, pour procéder à cette substitution.
Il existe dans le livre du prophète Osée un passage très expressif qui contient tous les ingrédients de la Résurrection, telle que les Evangiles la conçoivent au sujet de Jésus. Osée (6 ;2) exhorte au retour vers Dieu et s’écrie: « Il nous fera revivre après deux jours; au troisième jour il nous ressuscitera et nous revivrons devant lui… »
Comme la communauté de Jérusalem baignait dans un environnement exclusivement juif et que des hommes tels que Jacques étaient de fins lettrés, est-il concevable que ces juifs profondément religieux aient ignoré un tel verset prophétique ? Or le verset d’Osée commence par évoquer les blessures subies et que Dieu vient justement guérir…
Tout ceci montre bien que cette idée de Résurrection a germé dans un terreau juif dont Jésus est le produit ; mais nous voyons aussi ce qui sépare l’histoire de la mémoire : là où les juifs, demeurés fidèles à l’enseignement de la synagogue ne retenaient de la Pâque que la sortie d’Egypte, en somme la fête de la liberté et l’abolition de l’esclavage, d’autres juifs, désireux de renouveler leur religion par l’intermédiaire de Jésus, jugent que sa crucifixion a nécessairement un sens, qu’elle avait été voulue par Dieu afin de rédimer une humanité pécheresse… C’est un total déplacement de sens, un changement absolu de perspective.
Dans le sillage de Philo d’Alexandrie, l’exégèse patristique est allée dans la même direction en allégorisant la prescription majeure de la fête pascale : la consommation de pain azyme qu’elle interprète comme une exhortation à la modestie et à l’humilité. Alors que le pain levé, couramment consommé, évoque un cœur humain gonflé d’orgueil. Quant à l’Egypte ancienne transformée en berceau de l’esclavage, Philo d’Alexandrie nous invite à n’y voir que l’allégorie d’un espace dénué de spiritualité et d’amour du prochain.
Car, au fond, n’est-ce pas là le véritable enseignement de cette double célébration de la Pâque ? Même un pasteur luthérien comme J. G. Herder relevait que « notre humanité n’est qu’un état transitoire, le bouton d’une fleur qui doit éclore et aboutir à une sorte d’humanité divine… » Tel devrait être l’enseignement éthique de la commémoration de la Pâque, juive et chrétienne : l’abolition de toutes formes d’esclavage, le bannissement de la souffrance et la foi en un avenir meilleur, c’est-à-dire une sorte de résurrection. Herder écrivait aussi que le plus beau rêve de la vie future est que nous jouirons, un jour, dans une humanité fraternelle, du commerce de tous les sages, de tous les justes… Quand on veut préserver son être de l’oubli éternel, on recourt à la résurrection.
Et Ernest Renan lui fit écho en expliquant que la résurrection pourrait être entendue comme la poursuite de la vie dans le cœur de ceux qui vous aiment.
Mais je voudrais laisser le dernier mot à ce grand philosophe allemand, Franz Rosenzweig, mort en 1929 et auteur de l’Etoile de la rédemption où écrivait en conclusion ceci :
Devant Dieu, tous deux, Juif et Chrétien, sont par conséquent des ouvriers travaillant à la même œuvre. Il ne peut se priver d’aucun des deux. Entre eux, il a de tout temps posé une inimitié et néanmoins, il les a liés ensemble dans la réciprocité la plus étroite. Tel est le vrai message de Pessah et de Pâques.
En intervenant au Yémen contre les rebelles chiites soutenus par l’Iran, l’Arabie saoudite, championne du sunnisme expose la région à un embrasement général.
Des avions de l’armée aérienne de l’Arabie Saoudite, photographiés le 1 janvier 2013. (FAYEZ NURELDINE / AFP)
Remarque d’un haut gradé du Pentagone, dans le Wall Street Journal: « Je regarde la carte du Moyen-Orient ; je regarde tous ces affiliés de l’Etat Islamique ; je regarde toutes ces zones de combat. Et je me demande qui sera l’archiduc dont l’assassinat déclenchera un embrasement général ».
Une guerre totale, dans tout le Proche et le Moyen-Orient, provoquée, comme en juin 1914, par le meurtre de l’héritier – ou d’un haut dirigeant – d’un territoire non pas austro-hongrois mais sunnite ou chiite? L’hypothèse est glaçante mais désormais plausible avec l’intervention directe de l’Arabie saoudite au Yémen.
En s’attaquant à la rébellion houthiste, soutenue et armée par l’Iran, le champion de la branche majoritaire du sunnisme est entré en conflit direct avec Téhéran, chef de l’axe chiite. En bombardant les troupes houthistes, sur le point de chasser le président yéménite, leur allié, en combattant au sol ces chiites désormais aux portes d’Aden, la deuxième ville du pays après avoir conquis Sanaa, sa capitale, le royaume wahhabite saoudien a pris le risque d’affronter, par milices interposées, la République islamique iranienne, sa grande rivale dans la région.
A la tête d’une coalition de 8 pays
Certes, en laissant faire, l’Arabie saoudite aurait perdu toute crédibilité dans sa zone d’influence. Mais en prenant la tête d’une coalition de huit pays arabes (Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Koweït, Égypte, Jordanie, Maroc, Soudan) plus le Pakistan, contre l’Iran, héritier de la « vraie légitimité » (celle de la descendance de Mahomet), le royaume qui abrite les lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine) court le pire des dangers. Un enlisement, une guerre longue, fratricide déstabilisant toute la région.
Arrêt sur image.
Depuis décembre 2010, début du « printemps arabe » en Tunisie, jamais cette région n’a été aussi divisée, fragmentée entre allégeances, tribus, confessions et ambitions. Après la chute de Moubarak en Egypte, celle de Kadhafi en Libye, puis l’éclatement de la guerre civile en Syrie (en quatre ans plus de 200.000 morts et deux millions de réfugiés), l’irruption de la machine Daech en Irak et en Syrie, avec des « affiliés » du Yémen à la Tunisie, a provoqué une recrudescence des affrontements religieux et une pulvérisation des frontières rendant illisible la carte de la région. Que cache, par exemple, l’opposition à Bachar al Assad, le dictateur syrien ? Des réformistes (le Conseil national syrien, dominé par les sunnites) ? Des groupes armés partiellement convertis au charme vénéneux du califat d’Abou Bakr al-Bagdadi ? La « Résistance islamique », branche armée du Hezbollah, mouvement chiite libanais renforcé par des combattants iraniens de même obédience ? Même casse-tête en Irak. À Tikrit, engagées aux côtés des forces menées par les États-Unis (combattants kurdes, armée régulière irakienne) contre les djihadistes, certaines milices chiites sous les ordres du général iranien Ghassem Soleiman, menacent de « cibler » des conseillers militaires américains. Qui chercheraient à leur « voler la victoire ». « Bataille dans la bataille », qu’on retrouve au Yémen. Les « conseillers » américains s’étant retirés (tout en continuant à assister l’aviation saoudienne), les rebelles houthistes bénéficient du soutien de l’Iran, mais le pays a été longtemps – et semble rester – l’un des terrains d’action d’Al Qaida.
Un maître d’oeuvre local
S’il est souvent difficile de repérer la main de Téhéran, celle de Riyad ou de l’Etat islamique qui n’utilisent pas toujours leurs propres forces mais choisissent un « maître d’œuvre » local pour appliquer leur stratégie, impossible, en revanche, d’ignorer une évidence : cette région du monde hyper inflammable peut s’embraser totalement à tout moment. Au petit jeu de la responsabilité, chacun peut se renvoyer la balle. Les pays arabes ? Ils ont beau jeu d’accuser la colonisation et les accords Sykes-Picot de 1916, « organisant » le démantèlement de l’empire Ottoman et le découpage du monde arabe selon des frontières totalement artificielles. Les occidentaux ? Ils soulignent l’incapacité des nations arabes à bâtir de vraies démocraties capables d’endiguer le terrorisme islamiste. Le vrai problème : comment sortir du tsunami qui bouleverse la géostratégie de la région?
Après les deux guerres d’Irak et l’échec des néoconservateurs américains à imposer par la force un nouvel ordre international, Obama voulait (discours du Caire en 2009) en finir avec le mythe du « choc des civilisations », dissiper la méfiance des musulmans vis à vis de l’Amérique et, la paix rétablie, concentrer son attention sur l’Asie (doctrine du « pivotal shift » vers le Pacifique).
Mais voilà, le gendarme de la région n’a tenu aucun de ses engagements. Ni vis à vis de l’Arabie saoudite (lâchée par les USA lors de la répression de la révolte populaire de Bahreïn), ni vis à vis de l’Égypte (abandon de Hosni Moubarak en 2011, soutien mitigé au président Al-Sissi), ni vis à vis de ses alliés européens (refus de bombardements ciblés en Syrie en septembre 2013, malgré l’utilisation d’armes chimiques contre sa population par Bachar Al-Assad). Alors, se poser aujourd’hui en médiateur, éviter une confrontation entre l’Arabie saoudite -sunnite – qu’elle n’a cessé de trahir et l’Iran -chiite – avec qui elle négocie une limitation cruciale de son programme nucléaire : mission impossible.
Sans alliés sur le terrain, sans ligne directrice claire, l’Amérique jongle avec trop d’enjeux : détruire l’Etat islamique, normaliser ses rapports avec l’Iran, ménager les théocraties du Golfe, mais également Israël, farouchement opposé comme Ryad à la rentrée de l’Iran sur la scène internationale. « Leading from behind », « diriger les choses de derrière » : c’est la nouvelle « real politik » des États-Unis. Dans l’affrontement chiites-sunnites, cette recette paraît simpliste pour l’Orient compliqué.
Voici une partie des notes que j’ai prise à cette journée d’étude sur le fondamentalisme islamique.
Le reste va suivre rapidement !
Elles pourront apparaître comme approximative sur certains sujets. L’idée est de vous donner envie d’en savoir plus !
La compréhension du fondamentalisme passe par son décryptage historique, sociologique, anthropologique et psychologique, elle s’appuiera sur le mécanisme littéraliste et rigoriste.
L’objectif de la journée est de comprendre aujourd’hui la place qu’occupe ce phénomène dans le contexte musulman francophone actuel.
Pour cela, il s’attachera à étudier des penseurs musulmans soit parce qu’ils contribuent à ce phénomène, soit parce qu’ils cherchent à le contrecarrer. En instaurant le débat, il s’agit de voir comment est considéré le rapport à l’origine, comment sont désamorcés les versets violents, quelle condamnation de la violence ?
Le fondamentalisme et ses modes opératoires
Le salafisme comme expression du fondamentalisme à dimension politique
Samir Amghar
Le salafisme est un mouvement ultra-orthodoxe de l’islam qui développe une lecture littéraliste du Coran et de la tradition prophétique. Il est le produit du retour des étudiants en Sciences des Religions d’Arabie Saoudite en France et de la venue de l’aile salafiste du Front du Salut Algérien.
Il existe trois tendances salafistes :
– le salafisme quiétiste et non-violent qui condamne les attentats du 11 septembre. Il est apolitique.
– le salafisme politique : pour ce courant, il est nécessaire de s’engager en politique au nom de l’islam. Il y a des liens avec l’idéologie des Frères Musulmans.
– le salafisme révolutionnaire, jihadiste : il faut combattre par les armes ceux qui ne respectent pas les musulmans.
Pourquoi est-ce que les jeunes sont attirés par le salafisme jihadiste ?
– l’idéologie est attirante, même si certains ne sont pas formés idéologiquement,
– la politique : certains jeunes sont le produit d’une frustration politique. En effet, les musulmans ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas exprimer leurs idées sans se faire arrêter. L’Etat criminalise l’outil de contestation que sont les manifestations par un verrouillage sécuritaire.
– la sur-criminalisation des acteurs jihadistes : la prison a sur eux un effet accélérateur de leurs activités politico-religieuse.
– la radicalisation : ils n’ont plus rien à perdre (altruisme familial).
Il est cependant important de ne pas enfermer le salafisme dans une catégorie.
Le salafisme, le cas de l’Égypte et des Frères musulmans
Haouès Seniguer
L’approche salafiste peut être critique, apologétique ou violente.
En Egypte, les responsables néo-salafistes ne veulent pas s’aliéner les coptes : ils prônent donc un retour aux valeurs conservatrices qui plaisent également aux coptes.
Le Maroc, État fondamentaliste ?
Ali Mostfa
Les salafistes au Maroc sont pour la purification de l’islam et contre l’innovation (bidaa). Ils n’ont pas de prétentions politiques.
La définition du fondamentalisme en arabe peut se traduire par celle d’authenticité, d’autorité par rapport au corpus du Coran et de la tradition prophétique.
Dans le contexte marocain, on peut identifier trois périodes différentes sur ce sujet :
– le 18è siècle avec Moulay Slimane qui a eu des liens (courriers) avec Abdel-Wahhab. Le wahhabisme est introduit au Maroc : c’est le retour au salaf des 2è et 3è génération après le prophète. Les pratiques populaires (pélérinage autour de mausolés,…) sont interdites. On interdit aussi de fêter l’anniversaire (mouloud) du prophète.
Il n’y a pas de place pour une pensée autre, pas de nuances.
– Années 30-40 : naissance du nationalisme qui aboutira à la négociation de l’indépendance, avec Allal Al-Fassi qui s’érige comme figure du nationalisme au Maroc. Il prône un nouveau salafisme fait de thèses nationalistes, de salafisme, de fiqu et de références françaises.
Pour lui, ce nouveau salafisme est un message fédérateur, contrairement à la dichotomie du message de Abdel-Wahhab et à l’opposé des soufis. Al Fassi a été un des négociateurs de l’indépendance du Maroc en 1956 sur la base d’un discours politico-religieux.
– Arrivée de Hassan II au pouvoir (1960) jusqu’à 1999. Hassan II islamise la société marocaine. Au moment de la révolution iranienne en 1979, Hassan II définit le Maroc comme un pays fondamentaliste (maîtrise des sciences islamique et du fiqh) par opposition à l’intégrisme.
C’est le début du processus de dé-divinisation de l’espace publique et la fin du discours religieux dans cet espace. La synthèse du politique et du religieux au Maroc, c’est le roi.
Les marocains font allégeance au roi chaque année au moment de la fête du trône.
Le fondamentalisme : analyse et mise en rapport
Bertrand Souchard
Qu’est-ce que le fondamentalisme ?
– C’est une identité religieuse,
– Absolue et sans médiation (on relativise tout le reste), sans la médiation d’une culture,
– Dualiste ou binaire : rejet de l’autre, exclusion (voir violente, bipolaire ou schizophrène : l’ennemi est dans mon camp),
– Eschatologique (rapport à la fin des temps) et tragique : mal-être du présent. Mon identité présente est tragique,
– Peut être en réaction avec les modernité, lutter contre.
Pourquoi le fondamentalisme ?
Le fondamentalisme serait-il une réaction à la modernité (qui elle pourrait se définir comme défense des individus, foi en la sciences et tolérance) ?
Le fondamentalisme existe de tout temps et en tout lieu, dans toutes les religions. Ce pourrait être plutôt une réaction à la post-modernité.
En fait, toute religion porte en elle fondamentalement l’énigme de la mort. La mort produit l’acte religieux. La religion est donc un engagement qui a une forme d’absolu. Ce sont des questions qui sont très profondes chez l’homme et qui peuvent mettre en colère !
La reconnaissance pour construire son identité :
La conscience de soi passe par la re-connaissance de l’autre. Il y a plusieurs façons d’être reconnu : par sa famille, la société, la politique, le religieux, les médias, la culture, l’esthétique, l’amitié.
L’idéal étant d’être reconnu par toutes ces facettes identitaires.
Les reconnaissances les plus naturelles sont celles de la famille, du travail et de la nation (même si cela fait un peu pétainiste !).
Les terroristes des attentats de janvier ont une quant à eux une reconnaissance post-mortem.
Les discours qui méprisent les nationalistes et les fondamentalistes viennent de personnes qui sont eux-même reconnus…
Pourquoi ce basculement dans la violence ?
Kant a dit : « La guerre ne paraît pas avoir de motifs déterminants, elle est greffée sur la nature humaine. »
Il faut prendre conscience de la potentialité de violence qui est en chacun de nous. Il faut entendre les réactions identitaires. La post-modernité génère parfois de excès et des dérives qui excluent la religion et prônent un égocentrisme individualiste.
Le relativisme aussi (tout se vaut) provoque un vide de notre société aux questions que les gens se posent.
Le fondamentalisme musulman est-il spécifique ?
Les caractéristiques du fondamentalisme musulman sont la lecture littéral du livre, avec cette dichotomie : halal/ haram (illicite/ licite).
Pour les islamistes, la colonisation reste un sujet difficile à digérer. Ils se sentent victimes. Et en même temps, l’islam étant la dernière religion, ils peuvent se sentir supérieurs. Ils se questionnent sur la suprématie occidentale, sur le développement de la science, de l’industrie…
Il y a un profond ressentiment par rapport aux peuples judéo-chrétien.
Est-ce que le Coran est universel ? Il faut regarder le lien avec les juifs et les chrétiens dans le Coran.
Figures du fondamentalisme islamique
Le hanbalisme ou la lecture littéraliste d’un Coran incréé
Michel Younès
Ibn Taymiya, Ibn ‘abdel Wahhab : concepteurs du fondamentalisme
Maurice Borrmans
L’image des femmes dans les fatwas hanbalites d’ouvrages francophones
Bénédicte du Chaffaut
La place des autres dans la littérature fondamentaliste
Malek Chaieb
Intervenants :
Samir Amghar, Post-doctorant au Centre d’études sur les arts, les langues et
la tradition de l’Université du Québec à Chicoutimi
Maurice Borrmans, Professeur émérite au PISAI (Institut Pontifical d’Etudes
Arabes et Islamologie) de Rome
Bénédicte du Chaffaut, Enseignante au Centre Théologique de Meylan-
Grenoble
Malek Chaieb, Enseignant à l’Université catholique de l’Ouest, Angers
Philippe Dockwiller, Maître de conférences à l’UCLy
Ali Mostfa, Enseignant-chercheur à l’ESTRI (UCLy), Chercheur associé
au GREMMO (Groupe de Recherches et d’Études sur la Méditerranée
et le Moyen Orient)
Emmanuel Pisani, Directeur de l’ISTR, Paris
Haouès Seniguer, Maître de conférences à l’IEP de Lyon, chercheur
au GREMMO
Bertrand Souchard, Maître de conférences à l’UCLy, titulaire de la chaire
Science et Religion
Michel Younès, Professeur à l’UCLy, directeur du CECR
Le 3 janvier 2015 était célébrée la fête musulmane Mawlid an Nabi «Naissance du prophète». Bien que le Coran, ne la mentionne pas, la tradition situe la date de naissance de Muhammad ou Mahomet le 12 de Rabia al Awal, troisième mois du calendrier islamique, soit en 570 de l’ère chrétienne. Le calendrier islamique étant lunaire, la date de la célébration est décalée de dix jours chaque année sur le calendrier grégorien et a coïncidé cette année aux fêtes du Nouvel an. Elle sera de nouveau célébrée le 23 décembre 2015.
L’événement est fêté par la plupart des communautés musulmanes dans le monde, qu’elles soient sunnites ou chiites. Contrairement aux deux aïds, le petit (l’Aïd el-Fitr) et le grand (l’Aïd al-Adha), cette célébration ne fait pas partie des fêtes religieuses authentiquement sacrées. Aucune trace de cette fête n’existe en effet ni dans le Coran ni dans la Sunna (les paroles et actions du Prophète). L’anniversaire de Mahomet n’a jamais été célébré de son époque, mais a posteriori en Egypte au quatrième siècle de l’Hégire. Ce qui explique pourquoi certains mouvements affiliés au salafisme et au wahhabisme considèrent le Mawlid comme une innovation religieuse étrangère à l’islam et voient en elle une copie de la célébration de Noël chez les chrétiens ou de la Hanoucca chez les juifs. Ils la réprouvent même : Le cheikh Abdul Aziz Al-Asheikh, grand mufti d’Arabie Saoudite a redit cette année que c’était pécher que de célébrer la naissance du prophète.En dépit de la recrudescence de cette controverse ces dernières années, la tradition populaire, et notamment culinaire reste très vivace.Dans la plupart des États musulmans, le jour du Mawlid reste férié.
La naissance du Prophète est l’occasion pour la plupart des musulmans de se réunir pour se remémorer la vie de Mahomet, grâce aux lectures du Coran, des prières ou des chants religieux, et surtout de partager des plats spécifiques.
Dans les foyers musulmans, les débats vont bon train sur le choix de l‘assida que les femmes vont préparer. En effet, si cette crème dessert est communément partagée par tous les Etats arabes, il existe une multitude de variantes selon les pays.
Rien que dans les foyers tunisiens, on compte au moins deux façons de préparer cette crème. Une traditionnelle, la assida bidha ou assida blanche à base de semoule cuite à laquelle on ajoute du beurre salé (smen) et du miel. Et une autre, beaucoup plus raffinée mais aussi plus coûteuse, confectionnée à partir de graines de pin d’Alep (zgougou) nappée d’une crème pâtissière. Elle est ensuite décorée de fruits secs grillés et concassés.
En Algérie, celle qui reste la plus consommée est à base de semoule agrémentée de beurre et de sucre ou miel. Mais il existe plusieurs variétés d’assida à base d’huile d’olive, de miel et de lait appelé tagloudi ou hrira.
En Libye une seule est préparée à base de farine, au Soudan dans la région du Darfour elle est à base de millet, au Yémen elle est accompagnée d’une sauce épicée…
Au Caire, une autre tradition est très répandue. La fête commence dans la journée par une procession de la mosquée El Rifaï jusqu’à la mosquée El Hussein en passant par la citadelle. Le quartier d’El Hussein est illuminé par des centaines de guirlandes et de néons, des tentes aux couleurs chatoyantes ornées de dessins islamiques sont dressées dans les rues. Et surtout, les commerçants du quartier garnissent leurs étals de poupées et des chevaux en sucre d’orge de couleurs vives, que l’on offre aux enfants, poupées maquillées et habillées pour les petites filles et chevaux pour les petits garçons. Une tradition pittoresque, héritée de l’époque des Fatimides qui a bien failli se perdre dans les années 2000 avec l’arrivée de poupées en plastique venues de Chine… Les adultes ont aussi droit à leur confiseries : les «Halawet El Mouled» – douceurs du Mouled, tels que loukoums, croquants aux sésames ou aux cacahuètes.
Ainsi, la pérennité et l’attachement populaire à la célébration du Mawlid an Nabi doivent certainement beaucoup au folklore culinaire. Ils montrent la vitalité de l’islam et son esprit de convivialité, de partage et de joie, plutôt que de haine et d’exclusion même s’il s’agit d’un événement plus festif que religieux.
Recette pour l’assida zgougou
Ingrédients : pour 8 verrines
Pour la crème de zgougou
250g de zgougou moulu (chez votre épicerie orientale)1.50l d’eau minérale
150g de farine t55
25cl d’eau
150g de sucre semoule
1c à soupe d’eau de Rose
Pour la crème pâtissière recette
500g de lait
100g de sucre
45g de poudre de crème ou de maïzena
1 gousse de vanille
4 jaunes d’oeufs
Pour les finitions : fruits secs torrefiés moulus ou non (pistaches, amandes, pignons de pins et noisettes…).
Préparation :
Mélanger le zgougou moulu dans le 1.50l d’eau et passer au mixeur , Filtrer 3 à 4 fois à travers d’un tamis
Dans une casserole mettre la farine et 25cl deau minérale et puis le sucre et la crème de zgougou et mettre sur feu moyen sans cesser de remuer avec un fouet laisser cuire pendant 20 min
Dès que la crème épaissie retirer du feu ajouter l’eau de rose
Remplir vos verrines à moitié de crème et laisser refroidir
Entre temps préparer la crème pâtissière
Mettre le lait à chauffer dans une casserole avec le contenue de la gousse de vanille fendue et grattée
Mélanger à sec le sucre et la maïzena et ajouter les jaunes d’oeufs et mélanger énergiquement au fouet.
A ébullition du lait , verser-le sur le mélange précédent en remuant avec le fouet.
Remettre le tout dans la casserole lavée mais non séchée.
Faites cuire la crème sur le feu tout en fouettant elle doit bouillir au moins 1min 30 selon la quantité et ne surtout pas cesser de remuer pendant la cuisson
Dès que la crème est cuite retirer-la du feu et débarrasser-la dans une plaque large
Passer le beurre par dessus pour éviter que la crème croûte.
Recouvrir la crème d’un film alimentaire et la stocker au congélateur immédiatement pendant 10min.
Verser une couche de crème pâtissière sur la crème de zgougou et réfrigérer jusqu’au moment de servir décorer de fruits secs
En 2010, Oleg Grabar, l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique, revenait pour « Le Point » sur la question de la représentation dans la religion musulmane.
Si le Coran reste évasif sur la question des images, pourquoi les premiers musulmans se sont-ils interdit la représentation des êtres vivants ? Réponse d’Oleg Grabar, décédé en 2011, qui fut l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique.
Le Point : Pourquoi l’islam a-t-il interdit la reproduction des êtres vivants ? Est-ce par imitation du judaïsme ?
Oleg Grabar : L’influence du judaïsme a peut-être joué un rôle. Mais il faut surtout se replacer dans le contexte de l’époque. Il y avait, d’une part, les empires byzantin et perse qui affirmaient la gloire impériale par le biais de monnaies à l’effigie de l’empereur ou de palais somptueux édifiés en son honneur. D’autre part, le christianisme élevait de grands sanctuaires comme Sainte-Sophie à Constantinople ou le Saint-Sépulcre à Jérusalem. Ces édifices allaient devenir les microcosmes d’une vision chrétienne du monde, où l’image proclame les concepts fondamentaux du dogme. Certaines chroniques racontent d’ailleurs que lors de la construction de la coupole du Rocher, à Jérusalem en 692, on répondait à ceux qui se demandaient pourquoi on s’activait à un si bel ouvrage que c’était simplement pour faire concurrence au Saint-Sépulcre. Et il y a une quarantaine d’années, le cheikh Ahmad Muhammad Isa de l’université d’al-Azhar au Caire affirmait que les musulmans avaient rejeté les images plus par refus de s’engager dans les discussions très complexes d’un monde qui leur accordait désormais une importance excessive que pour des raisons doctrinales. Mais on ne peut nier que les premiers musulmans redoutaient l’idolâtrie, et qu’ils préféraient ne pas avoir d’images plutôt que de courir le risque de voir se développer un culte à leur égard.
Mais le Coran contient-il des indications précises sur ce sujet ?
Si certains passages du Coran abordent le problème de la représentation, aucun cependant ne l’interdit clairement. Une seule chose est certaine : les idoles y sont prohibées. Dans la sourate V, le verset 90 énonce clairement : « Ô vous qui croyez ! les boissons fermentées, les jeux de maysir, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont seulement une souillure procédant de l’oeuvre du Démon. Évitez-la ! Peut-être serez-vous bienheureux. » Si, chez les chrétiens, le Christ et Dieu peuvent être représentés en un seul corps, chez les musulmans, en revanche, il est inconcevable d’essayer d’imaginer Dieu. Insaisissable par essence, il ne peut être représenté sous aucune forme que ce soit. Mais d’autres versets du Coran évoquent la représentation. Ainsi, aux versets 43-44 de la sourate III, Jésus façonne, avec de la boue, la forme d’un oiseau, à qui il donne vie par un miracle de Dieu. Et un peu plus loin, dans la sourate XXXIV, versets 11-12, il évoque la fabrication de statues : « À Salomon[nous soumîmes] le vent. Celui du matin soufflait un mois […] Parmi les djinns, il en était qui travaillaient à sa discrétion, avec la permission d’Allah. Quiconque, parmi eux, se serait écarté de Notre Ordre, nous lui aurions fait goûter aux tourments du Brasier. » Les versets 12-13 disent aussi : « Pour lui, ils faisaient ce qu’il voulait : des sanctuaires, des statues, des chaudrons [grands] comme des bassins, et des marmites stables. »
Ces versets ne semblent pas hostiles à la représentation…
Certes, mais ces deux Révélations ont pourtant été rapidement interprétées comme une condamnation des arts plastiques, de la peinture et de toute technique qui permettait la représentation de la réalité, car pour les exégètes, seul Dieu peut être Créateur et donner la vie. Un hadith célèbre, mais tardif stipulera même que tout artiste doit être châtié s’il ne peut donner vie à l’être qu’il a tenté de créer. Si les textes de la Révélation ne comportent nulle part une interdiction formelle, ces prises de position seront largement reprises au VIIIe siècle dans les hadiths, et bien plus tard, au XVIIIe siècle, par le wahhabisme.
Sans contestation ?
Il existe des Traditions du Prophète, qui sont autant d’exception à la règle générale. A’isha, par exemple, la plus jeune des épouses de Mahomet, possédait des tissus couverts d’images. De la même manière, on sait qu’il était permis de décorer les bains de pavements et d’images, que les représentations réalistes n’étaient pas prohibées, tant que les animaux étaient figurés sans têtes ou les têtes sans corps… De grands érudits comme, au Xe siècle, l’exégète Abu ‘Alî al-Fârisî ou, au XIIIe siècle, le théologien al-Qurtubî ont admis l’idée d’une prohibition des représentations, mais ils ont essayé d’introduire dans le débat une distinction entre celle de Dieu et les autres images.
Il existe pourtant des représentations de Mahomet…
En effet, mais elles sont très peu nombreuses. Les musulmans ont toujours évité de le représenter. Malgré tout, très rapidement, on le retrouve en illustré dans des textes, sans visage ou recouvert d’un voile qui dissimule ses traits. À mon sens, l’intransigeance sur ce sujet des fondamentalistes musulmans est parfaitement hypocrite. Mahomet est certes le Messager de Dieu, mais il n’en reste pas moins homme, et le croyant a besoin de se représenter les choses. Pour moi, la polémique sur la représentation du Prophète est inséparable du débat sur la représentation en général. Derrière certaines mosquées, notamment en Iran, les petites boutiques qui vendent des souvenirs religieux n’hésitent pas à proposer, par exemple, des images d’Alî. Et les familles se prennent en photo. L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images par la photo, le film, la télévision ou l’Internet. Le monde change et la société s’adapte à son temps.
Vous évoquez les représentations d’Alî. Chiites et sunnites n’ont donc pas la même doctrine sur le problème de la représentation ?
Aujourd’hui, en Iran, Alî et Mahomet lui-même sont très souvent représentés, alors que dans les régions majoritairement sunnites, et particulièrement en Arabie saoudite, c’est impossible. Dans le chiisme, plus mystique et plus ésotérique, les choses et leurs représentations possèdent différents niveaux de sens, d’où une approche plus nuancée de la Tradition. Cela peut expliquer que, dès le XIe siècle, les souverains de la dynastie fatimide en Égypte n’aient pas hésité à multiplier les représentations.
Si l’image est interdite, comment évoquer les idées, les concepts ou même les sensations ?
L’art islamique a su contourner le problème. D’abord par la calligraphie. Dans l’art musulman, on remplace facilement une image par une lettre ou un mot. Et la calligraphie a pris d’autant plus d’importance qu’elle était un instrument stratégique pour le développement de l’islam. Dès le VIIIe siècle, avec l’expansion rapide de cette religion, il a fallu instaurer une unité afin que, de l’Andalousie jusqu’aux frontières de la Chine, il soit possible de lire le Coran en évitant les querelles et les hérésies. Au fil des siècles, différents styles calligraphiques ont acquis ainsi un statut canonique. Mais l’art a aussi utilisé un deuxième procédé, qui est la géométrie. La coupole du Rocher à Jérusalem, la mosquée d’Ibn Tulun au Caire, ou encore les mosaïques et les panneaux en plâtres de Khirbat al-Mafjar à Jéricho en offrent de superbes exemples. Mais l’apogée de son utilisation est atteint à mon avis au Xe et XIe siècle, avec l’apparition en Iran du « brick style », l’utilisation de briques de construction dans l’agencement de panneaux à la géométrie souvent extrêmement savante. C’est environ à la même époque d’ailleurs qu’apparaissent en Iran ainsi qu’en Irak des manuels de mathématiques qui décrivent les différentes combinaisons pour produire des formes. Peu à peu, la géométrie va ainsi devenir le moteur principal de la décoration des édifices islamiques.
Mais comment les dynasties persane et moghole vont-elles justifier l’art de la miniature et ses représentations, souvent très sensuelles ?
Elles n’ont ni souhaité ni eut véritablement besoin de se justifier. Aucune doctrine, d’ailleurs, n’a été élaborée sur l’art des miniatures. Je pense que ces princes aimaient les belles choses, c’est tout. À l’inverse de la chrétienté où l’art religieux a dominé jusqu’à la Renaissance, l’islam, en Perse ou en Inde notamment, a préféré très tôt l’art profane. Les princes moghols, qui ont régné en Asie centrale et dans le sous-continent du XVIe siècle au XIXe, étaient des Turcs d’Asie centrale qui n’avaient pas les mêmes préjugés que les peuples de la méditerranée en ce qui concerne les représentations.
L’architecture des mosquées varie beaucoup d’un pays à l’autre. Entend-elle, comme celle des églises chrétiennes, évoquer l’ordre du monde ?
Les premiers plans proviennent directement de la maison du Prophète à Médine, qui fut vers 650 sous le califat d’Uthmân, agrandie et transformée en mosquée. Une cour, des salles avec des colonnes : on ne sait finalement que très peu de choses de son architecture. Les chroniques de Tabarî et de Waqidi, notamment, racontent que c’est Al-Hajjaj, gouverneur d’Irak sous le califat d’Abd al-Malik, à la fin du VIIe siècle, qui aurait décrété qu’il fallait un espace pour que les musulmans puissent se retrouver et prier ensemble. Les plans qu’il aurait proposés et qui ont permis l’édification de la Coupole du Rocher à Jérusalem étaient cependant largement inspirés de la maison du Prophète. Mais le Coran lui-même ne précise à aucun moment la nécessité d’un lieu de culte, quel qu’il soit. Il indique seulement que le croyant fera sa prière à l’endroit où il est lorsque retentit l’appel à la prière. La mosquée évoquée dans le Coran n’est rien d’autre qu’un édifice administratif : c’est l’endroit où une fois par semaine, le vendredi à midi, le Prophète, puis plus tard le calife, réunit les hommes non seulement pour prier, mais aussi pour informer, décider des impôts et prendre des décisions collectives.
Oleg Grabar, décédé en 2011, était historien et archéologue, professeur émérite de l’Institute for Advanced Studies à Princeton. Il est l’auteur, entre autres, d’Images en terre d’Islam (RMN, 2009), La formation de l’art islamique (Flammarion, 1987), de Penser l’Art islamique. Une esthétique de l’ornement (Albin Michel, 1996) et de La peinture persane (PUF, 1999).
Professeur d’études islamiques à l’université libanaise à Beyrouth, ancien compagnon d’études du grand imam Ahmed Al Tayyeb à l’Université Al Azhar, Ridwan Al-Sayyid est l’un des organisateurs de la Conférence contre l’extrémisme et le terrorisme qui s’est tenue au Caire, les 3 et 4 décembre.
Conférence inter-religieuse organisée par Al-Azhar, Le Caire, 3 décembre 2014. Le Cheikh nigerian Ibrahim Saleh al-Hussaini (D), Mohammed Yssef (2e D), Marocain, secrétaire général du Conseil supérieur des Ulemas, le grand imam d’Al-Azhar Ahmed al-Tayeb (2e G) et le patriarche copte orthodoxe Tawadros (G). KHALED DESOUKI/AFP
Pourquoi avoir invité des chrétiens à cette Conférence d’Al Azhar contre l’extrémisme et le terrorisme ? Les interventions n’ont-elles pas montré que le problème était plutôt interne à l’islam ?
Ridwan al-Sayid : Beaucoup d’événements graves sont survenus en 2013 et 2014. Depuis six mois, avec également Mohamed Sammak, le secrétaire général du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien au Liban, nous sommes un petit groupe à nous réunir autour du grand imam, Ahmed Al Tayyeb. Nous lui avons suggéré cette conférence pour mettre sur la table trois sujets : le terrorisme et le fondamentalisme, nos mauvaises relations avec les chrétiens et le conflit entre sunnites et chiites. Il a accepté et il y a un mois, nous nous sommes attelés à sa préparation.
Avez-vous le sentiment que des solutions ont été trouvées dans chacun de ces trois domaines ?
R.A-S. : Les problèmes, bien évidemment, ne sont pas encore résolus. Mais pendant deux jours, nous avons parlé et vous avez entendu tout ce qui s’est dit, y compris entre les sunnites qui sont eux-mêmes divisés. Sur la question du califat par exemple, quelle est notre position ? À mon avis, rétablir cette institution nous plongerait dans de graves difficultés…
Mais nous avons en commun notre volonté de nous battre contre le djihadisme, qui est une hérésie au sein de notre religion. Le problème est aussi que ce terrorisme donne à l’islam une mauvaise image : une hérésie interne est souvent plus dangereuse que des ennemis extérieurs…
Comment contrer le discours extrémisme ?
R.A-S. : À mon avis, la voix sécuritaire ne suffit pas : elle permet seulement aux États de se défendre. Mais nous, comme musulmans et représentants des institutions religieuses, que pouvons-nous faire pour éradiquer cette hérésie ? Comme le suggère la déclaration finale, il faut une réforme religieuse et une renaissance intellectuelle et celles-ci doivent être menées par les institutions religieuses, pas par les gouvernements. L’État ne peut pas être un État religieux, théocratique : il n’est là que pour gérer les affaires civiles. C’est à nous d’éduquer nos jeunes de telle sorte qu’ils ne se tournent pas vers le fondamentalisme !
Or nos institutions n’ont pas fait leur travail : ces derniers temps, elles se bornaient à répondre aux injonctions des gouvernements, c’est pour cela qu’elles ont perdu tout leur crédit auprès des jeunes. Nous devons être solidaires de la jeunesse pour qu’elle nous écoute à nouveau ! Il y a beaucoup, beaucoup de travail, pour réformer les programmes éducatifs, coopérer avec les médias… Les pays arabes ont échoué à contrôler les jeunes : nous ne pouvons plus attendre qu’ils agissent.
Un participant disait dans cette enceinte que l’objectif de cette Conférence devrait être d’obtenir une augmentation du budget de l’éducation… Qu’en pensez-vous ?
R.A-S. : Ce n’est pas un problème d’argent. L’Égypte et les pays du Golfe ont compris le problème et veulent mettre de l’argent pour réformer et renforcer les institutions religieuses. Al Azhar, la principale institution sunnite au monde, dispose de 500 000 étudiants et 80 000 professeurs en Égypte et dans le monde. Elle a aussi 25 antennes hors de l’Égypte. Son influence est énorme : si elle bâtit un programme, une stratégie, cela peut changer les choses.
Vous parlez des pays du Golfe, mais l’islam wahhabite propagé par l’Arabie saoudite, n’a-t-il pas fait le lit de l’État islamique ?
R.A-S. : L’Arabie saoudite est wahhabite depuis sa fondation. La nouveauté, c’est plutôt les mouvements salafistes révolutionnaires – un salafisme différent donc de celui de l’Arabie saoudite – qui, dans les années 1970, se sont révoltés contre les wahhabites. Ces deux courants s’opposent entre eux.
Quelles seront les suites de cette conférence ?
R.A-S. : C’était une conférence préparatoire, destinée à mettre tous les sujets sur la table. Al Azhar a déjà commencé à réfléchir à un système pour poursuivre le travail. La déclaration finale, par exemple, sera la préface à un document plus complet sur le terrorisme, le dialogue islamo-chrétien et les divisions entre sunnites et chiites.
Dans son dernier livre, la journaliste et historienne franco-tunisienne Sophie Bessis s’en prend à ceux qu’elle accuse de réduire le monde arabe à l’islam. Comme dans le reste du monde, d’innombrables courants idéologiques, politiques, sociaux traversent la région et la divisent. Ils n’ont qu’un lointain rapport avec la religion. C’est d’ailleurs paradoxalement ce qui rend l’auteure optimiste pour l’avenir. La réclusion identitaire à laquelle le monde arabe semble aujourd’hui partiellement consentir résulte à la fois d’une longue histoire interne de formation de la pensée et d’un contexte mondial où les conflits qualifiés de « culturels » tendent à prendre le pas sur tous les autres champs de l’éternel affrontement entre dominés et dominants : tel est le propos de ce livre. Exigeant, il propose une analyse fine des dernières révolutions arabes, que l’auteur a suivies avec passion, spécialement pour la Tunisie, sa patrie d’origine. Deux données fondamentales s’en dégagent : d’une part l’irruption d’une opinion publique libérée qui dit ce dont elle ne veut plus et exige la traduction en droit des principes de modernité politique, réclamant parole et décision. D’autre part, la déception et donc la résistance devant l’imposition par les partis islamistes dits modérés ayant capté les révolutions, d’un modèle religieux davantage inspiré par un fondamentalisme mondialisé que par une religion populaire.
CRITIQUE DES INTELLECTUELS ARABES ET OCCIDENTAUX
Sophie Bessis égratigne les intellectuels arabes modernistes qui, loin de vouloir valoriser leur histoire, pourtant largement inspirée des valeurs universelles, se sont efforcés à des bricolages idéologiques allant du socialisme arabe à sa conformité potentielle avec l’islam. Devant les régressions identitaires mondiales au tournant des années 1970-1980, ils cherchent à fournir les preuves de leur loyauté pour ne pas affaiblir l’unité. Il est vrai que le monde arabe fait coexister sans douleur apparente sa crispation identitaire et son adhésion au mode de vie mondialisé, faisant coïncider l’ultralibéralisme avec la réaction politique. Mais c’est ignorer le processus d’individualisation et de sécularisation qui s’amorce dans les pays de la région, appuyé sur des bouleversements sociaux comme la scolarisation et le planning familial qui entrent en conflit avec la structure familiale patriarcale, hiérarchique et autoritaire.
Elle critique plus fermement encore les Occidentaux qui ont relégué les Arabes et les musulmans dans leur identité religieuse, leur ôtant tout autre qualification. Les intellectuels de gauche, souligne-t-elle, sont même allés jusqu’à glorifier l’islam comme religion des opprimés et à le sacraliser comme facteur de la remise en cause du système économique et social dominant, alors même que les islamistes déclarent y adhérer.
Ce faisant, tant à droite où la collusion avec les forces économiques et financières et les États du Golfe n’est un mystère pour personne, qu’à gauche par trahison des valeurs universelles, on fait le jeu de l’islamisme politique que l’on prétend combattre dans ses acceptions terroristes. En voulant faire croire que toute aspiration explicite à la laïcisation vaut trahison communautaire par transgression de l’identité, les Occidentaux, tout en noyant leur prise de position dans un langage compassionnel sur les malheurs du monde n’entraînant aucune conséquence politique, font le jeu d’une mondialisation dont ils ont perdu la maîtrise et qui crée partout l’insécurité sociale et l’affolement identitaire. Non seulement les universaux de la pensée sont foulés aux pieds, mais encore, toute tentative de modernisation est combattue. Les intellectuels européens de gauche ont-ils vu dans l’islam une force libératrice ? En réalité, ils ne sont qu’une petite minorité à partager ce point de vue. En grande majorité, ils voient dans l’islam une force d’oppression et sont aussi islamophobes que le reste de la société.
Dans le monde arabe, poursuit Bessis, l’inguérissable abcès israélien et les défaites, qui colonisent plus cruellement les mémoires que les victoires, aggravent ces données.
ASPIRATIONS À LA JUSTICE SOCIALE
Au départ, les révolutions de 2011, en Tunisie, en Égypte, en Libye, en Syrie et ailleurs, échappent au spécifique, à la malédiction de l’« exception arabe ». Ce qui conforte l’idée que ces sociétés ont été plus imprégnées par les modernisations autoritaires qu’elles ont subies qu’on ne le pensait. Dans les discours enfin libérés des peurs et des tabous, les frustrations politiques mais aussi sociales, les revendications de justice et de travail, occupent la place centrale.
L’attente est également palpable d’un retour à l’État-providence déjà amplement démantelé en Tunisie et en Égypte, que les islamistes avaient laissé espérer en palliant les carences sociales des États par une politique de charité compassionnelle aidée par les prébendes des pays du Golfe.
Portés par cette vague, les partis islamistes ont pris le pouvoir à la faveur des élections. Mais, loin de résoudre les problèmes du quotidien et de répondre aux aspirations populaires, ils ont fait prévaloir leur préférence pour la libre entreprise et le démantèlement des États et ils ont entrepris de ré-islamiser des sociétés qui, bien que profondément religieuses et conservatrices, n’en demandaient pas tant. La contestation moderniste, souligne Bessis, n’aurait pas suffi à elle seule à faire reculer les islamistes en Tunisie et à donner en Égypte l’occasion à l’armée de reprendre la main. Il y a fallu l’assentiment de populations déroutées par la violence et par la montée d’un sectarisme ne correspondant pas à leur culture traditionnelle ni à leur conception d’une religion du juste milieu. On peut discuter sa formulation sur la prise du pouvoir par l’armée égyptienne qui donne l’impression que la société égyptienne dans son ensemble salue l’armée et l’approuve, ce qui est loin d’être le cas. Elle pointe aussi du doigt la résurgence d’une fierté nationale face à la volonté hégémonique d’un islam mondialisé.
LA NOUVELLE AGORA
En se montrant plus idéologues que politiques et en faisant preuve d’une relative méconnaissance des contradictions de leurs sociétés, les partis islamistes ont pris leur religiosité pour une adhésion. Mais, de même, les modernistes auraient tort de prendre cette résistance pour ce qu’elle n’est pas. Car, avertit l’auteur, malgré le désir de liberté collective, le processus d’individualisation du sujet qui pourrait fonder la modernité est loin d’être achevé. La société veut se libérer, mais reste en même temps attachée aux normes constitutives de son être social, malgré la contrainte. Ce double mouvement explique aussi, pour elle, la brutalité de la reprise en main égyptienne et l’atrocité de la répression syrienne.
Car, naturellement, cette nouvelle agora qui se dessine dans le chaos de la rue arabe est porteuse de changements profonds qui font autant peur aux nouveaux pouvoirs qu’aux anciens, relativement disparus dans le « dégage » général de 2011/2012. L’autonomie des individus, détaille Sophie Bessis, et la liberté des esprits gênent autant le marché que la religion, les deux s’appuyant sur un double processus d’atomisation et d’uniformisation. Le conditionnement des individus est la base des fondamentalistes, qu’ils soient marchands ou religieux.
La conclusion de Sophie Bessis est relativement optimiste : en dépit des restaurations qu’elle voit pointer, elle délivre un sévère avertissement aux faiseurs d’opinion qui, en Occident, ont acquiescé aux nouvelles valeurs mondiales marchandes et néo-intellectuelles et se défaussent en fantasmant sur un monde arabe retourné à la barbarie.