Souad Massi : « La poésie arabe est aussi philosophique et politique »

SouadMassi

Après quelques années passées à écumer les scènes du monde au sein de la formation Les Chœurs de Cordoue, Souad Massi nous livre enfin un nouvel album qui fleure bon la musique arabo-andalouse. Bel hommage aux grands poètes arabes, « El Mutakallimûm » invite à plonger dans une culture à la richesse inestimable.

 

Saphirnews : « El Mutakallimûm », qui veut dire « les orateurs » en arabe, est votre 4e album studio. Pourquoi cet hommage aux poètes du monde arabe ?

Souad Massi : Quand je ne suis pas bien, je me réfugie dans la poésie. Cela me fait du bien de m’immerger dans une autre époque, de découvrir d’autres atmosphères. Cela me procure un sentiment d’apaisement : j’avais surtout envie de partager cela avec les gens. Je l’ai fait aussi parce que j’en avais assez que l’on nous associe à l’ignorance, à la sauvagerie et au terrorisme. Le plus grand médecins qui a inspiré tous les contemporains est Avicenne ; le plus grand mathématicien, qui a été l’inventeur de l’algorithme et de l’algèbre, est Al-Khârizmi. Les plus grands scientifiques d’Europe ont travaillé sur des œuvres de chercheurs arabes, idem pour les philosophes.

Contrairement à votre précédent album « Ô Houria », il n’y a pas de chansons en français dans celui-ci ?

Souad Massi : Au départ, je voulais travailler sur deux textes de Victor Hugo, j’avais aussi des poèmes kabyles. Puis j’ai décidé que je n’allais pas les mélanger, j’ai alors voulu faire un véritable album hommage à la poésie arabe et un album hommage à la poésie berbère. Ensuite je verrai…
Quand je compose, la musicalité me vient naturellement avec le texte, car je sais où je vais. Mais, pour El Mutakallimûm, cela n’a pas été le cas. Le plus difficile a été avec les anciens poèmes, car même si je lis l’arabe classique, je ne comprends pas l’arabe du VIIe siècle ! J’ai dû effectuer un travail de recherche (historique, linguistique) avec des spécialistes qui m’ont aidée à traduire ces textes et à les comprendre pour pouvoir ensuite faire le travail musical.

Vous êtes venue en France en 1999 pour un concert et y êtes restée…

Souad Massi : Oui, j’étais venue pour trois jours et on m’a fait une belle proposition. La plupart de jeunes rêvaient de ce pays ; moi, je ne pensais pas rester en France. Ce n’était pas un pays qui m’attirait, même si j’ai toujours adoré la langue française et sa culture. Je suis une grande fan de Victor Hugo, j’ai grandi avec ses textes. Mes parents francophones m’ont transmis cet amour de la poésie et de la culture française. Lorsqu’on m’a proposé de rester, j’en ai parlé avec ma famille, et ils m’ont dit : « Tente ta chance ! » car, à cette période, je pensais arrêter la chanson.

Vos parents étaient très attachés à la culture, à la musique. Pouvez-vous nous confier des souvenirs d’enfance ?

Souad Massi : J’ai grandi dans un quartier populaire d’Alger qui s’appelle Bologhine, sur les hauteurs d’Alger, en haut de Notre-Dame d’Afrique. Mes cousins jouaient tous les soirs des reprises d’El Hachemi Guerouabi, par exemple ; et moi, j’écoutais et j’ai grandi avec les sonorités des musiques chaabi. Mon père, lui, tous les soirs, faisait aussi tourner ses vinyles de musique chaabi ou de musique française. On écoutait beaucoup Jacques Brel.

C’est ce qui vous a donné envie de faire de la musique ?

Souad Massi : Non, pas du tout, cela m’est venu plus tard, vers 17 ou 18 ans. J’aimais la poésie, l’écriture, la lecture. Je rêvais de devenir metteur en scène ou réalisatrice, j’écrivais des scénarios. C’est seulement plus tard que je me suis mise à composer des chansons sans me rendre compte, puis j’ai commencé à chanter. J’ai fait une école technique, j’ai passé ma vie avec du ciment, du bâtiment, des calculs, des dosages… Lire et écrire étaient mon refuge. Je refusais tellement mon quotidien que j’avais besoin de m’évader.

C’est à cette période que vous avez intégré un groupe de hard rock. Un choix surprenant ?

Souad Massi : Je n’ai pas l’air comme ça, mais j’aimais bien [rires] ! J’ai fait partie du groupe Atakor, qui existe toujours, mais il y avait deux parties : l’une hard rock et l’autre rock, celle où j’intervenais. J’avoue avoir écouté un peu de hard rock, cela me faisait du bien. J’étais quelqu’un de très pudique, je n’osais pas m’exprimer, je n’osais pas dire non et c’est une musique qui m’a aidée. C’est sans doute pour cette raison que je comprends aujourd’hui certains jeunes qui ont choisi le gothique par exemple. Ce sont en réalité des jeunes qui sont gentils, instruits. Il ne faut pas cataloguer les gens ou avoir des a priori sur eux.

On trouve beaucoup de nostalgie dans votre musique, est-ce le mal du pays ?

Souad Massi : Je me sentais déjà décalée ou étrangère en Algérie. Quand je retournais à Alger, on m’appelait la Kabyle, on trouvait que j’étais démodée parce que je venais de Kabylie. Jeune, j’en ai souffert mais plus maintenant. Quand je suis venue en France, j’ai vécu doublement cette nostalgie. J’avais vécu dans une grande famille et je me retrouvais seule dans un studio. Cela me fait penser à mon grand-père qui était venu seul en France, a travaillé dans le bâtiment, dans les chemins de fer, a fait des petits boulots et est mort dans d’étranges circonstances. Il n’y a pas eu d’enquête. C’est source de traumatisme.
Quand j’ai fait Paris avec Marc Lavoine, je songeais à mon grand-père qui était perdu dans les rues de Paris et économisait pour envoyer au bled. Je pense aussi aux chibanis d’aujourd’hui qui vivent dans des chambres d’hôtel pourries qu’ils louent 500 € et d’où l’on veut les virer. Ils sont obligés de rester ici six mois de l’année pour toucher leurs retraites. Pourtant ils ont servi la France comme chair à canon : pourquoi n’y a-t-il pas de reconnaissance ? Ils méritent de vivre dignement.
Dans l’album El Mutakallimûm, je suis passée à autre chose, avec beaucoup moins de nostalgie. Les titres ici sont beaucoup plus philosophiques et plus politiques.
Souad Massi : « La poésie arabe est aussi philosophique et politique »
El Mutakallimûm, les plus beaux poèmes arabes chantés par Souad Massi

Née le 23 août 1972 à Alger, Souad Massi est issue d’une famille de six enfants où la musique a toujours occupé une place importante. Destinée à une carrière en urbanisme, elle entretient son amour pour la musique qui la pousse à arpenter les scènes algéroises jusqu’au jour où elle est invitée à se produire en France. Coup de foudre du public et des professionnels qui l’invitent à rester et à signer Raoui (2001), un premier album qui remporte un large succès. Souad Massi sortira par la suite Deb (2003), suivi de Mesk Elil (2005), qui remportera la Victoire du meilleur album de musiques du monde.
De retour avec El Mutakallimûm, la chanteuse nous offre aujourd’hui un véritable trésor musical, où elle nous invite à découvrir la grande poésie arabe à travers des œuvres d’Abou El Kacem El Chabi, d’Abou Madi et d’autres illustres poètes, sur des rythmes arabo-andalous, afro et flamenco.

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Un pèlerinage islamo-chrétien pour une rencontre au sommet

Bénite-Fontaine
Le sanctuaire marial de la Bénite-Fontaine, en Haute-Savoie, lieu de pèlerinage chrétien consacré à la Vierge Marie, a accueillit dimanche 9 août une rencontre entre divers groupes islamo-chrétiens du diocèse d’Annecy sous le signe de la fraternité interreligieuse.
Après la messe célébrée par le père Raphaël Deillon, un pique-nique départemental a été prévu. S’en est suivi une visite des lieux – la Bénite-Fontaine étant souvent surnommée « la petite Lourdes savoyarde » – par le recteur et prêtre Christian-Marie Giraud puis une conférence du père Bernard Janicot, directeur du Centre de documentation économique et sociale d’Oran, en Algérie, sur le thème « Vivre en monde musulman, difficultés et espérances ».
Raphaël Deillon, qui a vécu plus de 20 ans en Algérie au service des petites communautés chrétiennes et des musulmans, sera aussi présent lors de ce qui est appelé un « pèlerinage islamo-chrétien ».

« Les paroisses, mosquées ou lieux de culte musulmans du département ont été invités à cette rencontre par le service diocésain des relations avec l’islam », a fait part le diocèse d’Annecy sur son site.

Rédigé par La Rédaction | Mercredi 5 Août 2015
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« Champions de France », la série hommage aux sportifs issus de l’immigration

RachidBouchareb
Rachid Bouchareb, réalisateur de la série « Champions de France » diffusée de juin 2015 à l’été 2016 sur France Télévisions.

« France Télévisions, qui a obtenu en 2014 le « label diversité », s’est engagé avec tous ses collaborateurs à promouvoir une image plus respectueuse de la diversité qui fait la richesse et la force de la France », a déclaré fin mai Rémy Pflimlin, le président-directeur général de France Télévisions. Une démarche qui, selon lui, vient illustrer le projet Champions de France, réalisé par Rachid Bouchareb avec l’aide de l’historien Pascal Blanchard, spécialiste des histoires de l’immigration et des enjeux de diversité. Cette collaboration avec France Télévisions est loin d’être la première pour les deux hommes : ils avaient ensemble réalisé « Frères d’armes » qui rend hommage en portraits à ceux et à celles issus des anciennes colonies qui se sont battus pour la France lors des deux guerres mondiales.

Pendant un an, ce sont 45 portraits, qui parlent de 65 champions, qui seront diffusés au fil des semaines sur toutes les chaînes du groupe. « Des portraits de deux minutes dédiés à ces destins exceptionnels de sportifs issus de la diversité, qui ont fait l’honneur de leur pays et la joie de millions de Français », a annoncé Rémy Pfimlin. Ils sont sportifs, comédiens, journalistes, animateurs ou encore réalisateurs engagés de renom. Tous sont passionnés de sport, d’histoire et ont accepté de prêter leurs voix pour incarner ces sportifs aux destins exceptionnels dans des épisodes qui durent deux minutes.

Jamel Debbouze, Lilian Thuram, Kad Merad, Sami Bouajila, Nelson Monfort, Abd al Malik, Charles Berling, Rokhaya Diallo et bien d’autres nous embarquent dans les récits de vie de personnages qui appartiennent à l’histoire du sport français depuis les JO en Grèce de 1896 tels Marcel Cerdan, le «bombardier marocain » né en Algérie, champion du monde de boxe, Marie-José Pérec, la seule athlète française à détenir une triple médaille d’or olympique, Abdelkader Zaaf, le cycliste maghrébin le plus populaire du Tour de France (vidéo plus bas), Alfred Nakache, le «nageur d’Algérie » qui fut déporté par les nazis, Zinedine Zidane, qui fut le héros de 1998, après Michel Platini, qui fut celui de l’Euro 1984.

La diffusion de la série s’étalera jusqu’aux prochaines compétitions internationales qui se dérouleront en été 2016, dont le championnat d’Europe de football (Euro) programmée en juillet en France.

La série Champions de France est programmée toutes les semaines sur toutes les chaînes de France Télévisions : sur France 2, le samedi, à 6 h 55, avant Télématin ; sur France 3, le dimanche, à 20 h 05, avant Tout le sport ; sur France 4, le dimanche, à 19 h 50, après un divertissement ; sur France 5, le samedi, à 17 h, après un documentaire ; sur France Ô, le samedi, à 19 h 50, après Info Soir ; sur le réseau outre-mer 1re, le samedi à 18 h 55.

 

 

Rédigé par Fatima Khaldi

Mercredi 22 Juillet 2015
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Mustapha Cherif : « En ces temps de crise, continuer à éduquer et à dialoguer »

MustafaCherif

Ce Ramadan 2015, mois de spiritualité par excellence, n’a pas été épargné par des exactions meurtrières commises au nom de l’islam. Mais le message de paix ‒ dont le mot « As-Salâm », le Pacifique, est l’un des 99 noms de Dieu ‒ doit prévaloir, nous dit le philosophe Mustapha Cherif. Face à la propagande du choc et au danger du repli sur soi, l’espérance en une société meilleure reste le moteur de notre humanité et l’éducation un de nos principaux outils.

Saphirnews : L’actualité française et internationale ne cesse d’être ponctuée d’actes de terrorisme. En même temps, intellectuels, leaders associatifs et une grande majorité des populations musulmanes européennes les dénoncent catégoriquement. Vos écrits ne cessent d’alerter sur les extrémismes de tous bords. Pensez-vous que la situation s’aggrave ou s’améliore ?

Mustapha Cherif : Trop de personnes ne parviennent pas à faire la part des choses. Certains développent une haine de la religion, de l’islam, ils ne saisissent pas son sens réel. Dans cette catégorie, des médias ont une lourde responsabilité. Ils émettent des opinions erronées, profitent des outils et espaces dont ils disposent pour entretenir la confusion, l’essentialisme, des calomnies et des appréciations fausses.
Des courants d’idées matérialistes, allergiques à la spiritualité, ou xénophobes, en profitent. D’autres, des rigoristes, figent la religion et l’instrumentalisent. Tous nuisent à ce qu’ils croient défendre. Cependant, l’immense majorité des citoyens, toutes convictions concernées, reste proche du juste milieu et se méfie à juste titre des discours extrémistes et respecte les critiques constructives. Il nous faut expliquer et consolider la voie du juste milieu.

Vous prônez l’éducation au dialogue interreligieux, des cultures et des civilisations : pour quelles raisons ?

Mustapha Cherif : Il y a trop de malentendus, d’ignorances et de désinformations. Il faut en sortir. Apprendre à se connaître, pour se respecter, passe par l’acquisition des instruments de la compréhension du monde, de sa propre culture, sa religion et sa société, mais aussi celles des autres. Ce qui signifie apprendre à apprendre et à écouter, afin que la capacité à acquérir des connaissances puisse se maintenir tout au long de la vie. Penser et agir par soi-même et avec les autres et pouvoir répondre de ses pensées et de ses choix pour avoir une capacité d’autonomie et d’ouverture à l’altérité vont de pair avec le renforcement du dialogue et de la responsabilité personnelle dans le destin collectif.

Quelles méthodes préconisez-vous ?

Mustapha Cherif : Encourager les regards croisés, pour apprendre à faire lien, afin que chacun s’enrichisse d’autrui et puisse être acteur et porteur de sens évolutif. Il s’agit de partager des points de vue et des expériences, afin de découvrir que l’autre a une part de vérité dans tous les aspects de l’existence. Comprendre le bien-fondé des règles régissant les comportements individuels et collectifs, à y obéir et à agir conformément à elles, principe de discipline et d’entraide. La pédagogie interculturelle et interreligieuse contribue à tisser des liens et à créer de la fraternité et de l’amitié.

Vous défendez le principe du vivre-ensemble : comment le réaliser ?

Mustapha Cherif : Il s’agit d’apprendre à vivre ensemble, afin de participer et de coopérer avec les autres croyants et non-croyants au bien commun et à toutes les activités humaines. Ce n’est point une fiction, le vivre-ensemble reste une réalité. La bonne voie pour le renforcer est de promouvoir l’apprentissage du « vouloir-vivre ensemble », en développant la connaissance des autres, de leur Histoire, de leurs traditions et de leur spiritualité. Par l’interconnaissance, reconnaître les bienfaits de la laïcité ouverte, le pluralisme des opinions, des convictions, des croyances et des modes de vie, principe de la coexistence des libertés et des valeurs.

Que dit la civilisation musulmane au sujet de l’éducation au vivre-ensemble ?

Mustapha Cherif : L’éducation se veut totale. Elle vise cinq dimensions de la personnalité humaine qui doivent être prises en compte : une dimension sensible (culture de la sensibilité) ; une dimension normative (culture de la règle et du droit), une dimension cognitive (culture du jugement), une dimension pratique (culture de l’engagement) et une dimension éthique.
Elle s’adresse au cœur et à la raison, à l’esprit et au corps, à l’individu et à la communauté. L’élève mémorise davantage les savoirs qu’il construit lui-même au fil de ses expériences que la connaissance énoncée par l’enseignant. Les citoyens musulmans d’Europe prouvent tous les jours leur capacité à vivre leur temps, la sécularité et la modernité, sans perdre leurs racines. Pour éviter les dérives, c’est cette ligne du juste milieu qu’il faut encourager.

Ces préconisations ne risquent-elles pas de rester des vœux pieux compte tenu de la crise économique européenne qui se cherche des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…) et du contexte international géopolitique où la loi du plus fort prévaut au nom d’intérêts financiers (pétrole, eau, ressources minières, armements…) ?

Mustapha Cherif : Tenter d’éveiller les consciences à la paix des esprits et au vivre-ensemble n’est point un vœu pieux. C’est une responsabilité collective. Il est clair que la crise économique et morale mondiale suscite des réactions irrationnelles et des fuites en avant. L’islamophobie, le racisme antimusulman sont un prolongement de l’antisémitisme. Hannah Arendt disait que la propagande totalitaire et mensongère se cherche des boucs émissaires comme diversion pour asseoir son hégémonie. Tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté doivent rester vigilants et unis afin que la fraternité humaine l’emporte sur l’exclusion et la loi du plus fort. Le droit et le respect de la diversité doivent prévaloir. Je reste confiant, les citoyens ne sont pas dupes.
Mustapha Cherif est philosophe. Il est l’auteur, notamment, de Le Coran et notre temps (Éd. Albouraq, 2012) ; Le Prophète et notre temps (Éd. Albouraq, 2012), Le Principe du juste milieu (Éd. Albouraq, 2014). Il est également l’auteur de la note Éducation et islam (Fondapol, mars 2015, 44 p.)
Rédigé par Huê Trinh Nguyên
Samedi 11 Juillet 2015
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Ramadan sous la canicule : quand jeûner devient un péché

RamadanCanicule

Le mois du Ramadan est finit depuis jeudi dernier, mais la canicule de cette année 2015 a été d’une rare intensité. Dans ces conditions, quelle attitude doivent adopter les musulmans qui jeûnent pour ne pas subir les fâcheuses conséquences d’un coup de chaud sur leur santé ?

Alerte canicule. Météo France a placé depuis mardi 30 juin près de 50 départements de France en vigilance orange en raison d’un « épisode caniculaire précoce et durable ». L’épisode de l’été 2003 reste gravé dans les mémoires. La canicule avait alors fait 15 000 morts, les autorités sanitaires ayant sous-estimé à l’époque l’impact de la chaleur sur les populations fragiles.

Les pouvoirs publics se disent aujourd’hui mobilisées pour parer à cette situation, « appelée à durer et à s’étendre à de nouvelles régions du Nord et de l’Est du pays » selon le ministère de la Santé. Des conseils pratiques sont également diffusés à grande échelle pour faire face à la chaleur.*

Jeûner malgré tout ?

Particularité cette année, l’épisode caniculaire intervient en plein mois du Ramadan. La France n’est pas la seule à le subir. Plusieurs pays du monde musulman font face à une exceptionnelle chaleur, comme au Pakistan où les autorités dénombrent plus de 1 300 morts en une semaine.

Lors de cette période de 29 ou 30 jours consécutifs, les musulmans se soumettant à ce pilier n’ont pas la possibilité de manger et surtout de boire de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Chacun y va de son astuce pour tenir bon : s’asperger d’eau fraîche – la douche n’étant pas interdite pendant Ramadan ! –, se rincer la bouche, rester au frais ou encore éviter de sortir pendant les fortes périodes de chaleur.

Mais lorsque la difficulté est telle que la santé peut ne plus suivre, faut-il se forcer à jeûner ? La réponse est évidemment non, de l’avis des principales écoles juridiques de l’islam. La vie est sacrée et c’est autour de ce principe fondamental que la religion musulmane est aussi bâtie, bien que des usurpateurs aient décidé d’en dévoyer les enseignements pour justifier le terrorisme.

Mehdi, 29 ans, témoigne : « J’ai souvent mal aux reins mais je me suis forcé à faire Ramadan au début. Comme tout le monde, avec tout le monde… ». Non sans conséquences, aggravées par la hausse de températures observée depuis plusieurs jours : certaines fois, « je n’arrive presque plus à bouger. » Sous les conseils avisés de son entourage, il est désormais convaincu que la meilleure chose à faire pour sa santé est d’arrêter le jeûne le temps qu’il faudra. « Même quand j’ai l’impression que ça va mieux. Je dois boire », dit-il.

La dérogation a ses règles

Car se forcer à jeûner malgré les risques encourus n’est pas recommandé, voire interdit dans certains cas, et revient en effet, selon la tradition islamique, à dénigrer une faveur de Dieu envers les Hommes. « Dieu veut pour vous la facilité, Il ne veut pas pour vous la difficulté », lit-on à la sourate « La Vache » (verset 185). Ainsi, toute personne se sentant en incapacité de jeûner par crainte pour sa santé sont dispensées de jeûne. Nul besoin d’une énième fatwa : la dérogation est déjà possible pour elles, quel que soit l’âge, au même titre que les malades, les personnes très âgées, les femmes enceintes ou encore les voyageurs.

En revanche, ils sont tenus de rattraper les jours non jeûnés dans l’année « par un nombre égal d’autres jours » (verset 184 de la sourate « La Vache ») dès lors qu’ils sont en capacité de le faire ou bien, le cas échéant, de compenser ces jours par des dons en nature ou en argent afin de nourrir des nécessiteux. Etre dispensé de jeûne ne signifie pas forcement avoir raté son Ramadan : autant faire usage de la dérogation lorsque celle-ci est justifiée !

 

Les conseils à adopter par tous, mais surtout par les personnes fragiles les plus à risques, diffusés par le ministère de la Santé afin de lutter au mieux contre les conséquences de la chaleur :
• Buvez régulièrement de l’eau sans attendre d’avoir soif ;
• Rafraîchissez-vous et mouillez-vous le corps (au moins le visage et les avants bras plusieurs fois par jour) ;
• Mangez en quantité suffisante et ne buvez pas d’alcool ;
• Évitez de sortir aux heures les plus chaudes et passez plusieurs heures par jour dans un lieu frais (cinéma, bibliothèque municipale, supermarché, musée…) ;
• Evitez les efforts physiques ;
• Maintenez votre logement frais (fermez fenêtres et volets la journée, ouvrez-les le soir et la nuit s’il fait plus frais) ;
• Pensez à donner régulièrement de vos nouvelles à vos proches et, dès que nécessaire, osez demander de l’aide ;
• Prévoir le matériel nécessaire pour lutter contre la chaleur : brumisateur, ventilateur….
• Consultez régulièrement le site de Météo France pour vous informer.
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Omar Sharif, une légende arabe du cinéma, est mort

 OmarSharif


Omar Sharif est décidé vendredi 10 juillet au Caire à l’âge de 83 ans.
Omar Sharif s’est éteint ce vendredi 10 juillet à l’âge de 83 ans des suites d’une crise cardiaque dans un hôpital du Caire.Le célèbre acteur égyptien, qui était atteint de la maladie d’Alzheimer, a connu une renommé internationale dès 1962, l’année de la sortie du célèbre film de David Lean, Lawrence d’Arabie. Pour le rôle du prince du désert Ali Ibn Kharis qu’il joue aux côtés de Peter O’Toole, il obtiendra alors deux Golden Globe, ceux du meilleur acteur dans un second rôle et de la meilleure révélation masculine, en 1963.Avec le réalisateur David Lean, il connaîtra un autre grand succès avec Le Docteur Jivago. Il interprète le rôle principal du médecin enrôlé de force dans l’armée lors de la révolution d’Octobre conduite par Lénine en 1917. Une interprétation qui lui permet d’obtenir le Golden Globe Award du meilleur acteur en 1965,

En 2004, il obtient le César du meilleur acteur pour son rôle d’épicier philosophe dans Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Corande François Dupeyron.

La maladie d’Alzheimer a contraint l’acteur à s’éloigner des plateaux. Sa dernière apparition sur grand écran remonte à 2013 dans le film Rock the Casbah.

Omar Sharif, né en 1932 à Alexandrie d’une famille d’origine libanaise, a été élevé dans le rite maronite – chrétien – avant de se convertir à l’islam pour pouvoir épouser Faten Hamama, de confession musulmane. L’actrice égyptienne, célèbre dans le monde arabe, est elle-même décédée en janvier 2015.

Les deux acteurs se sont rencontrés lors du tournage du film Ciel d’enfer du réalisateur égyptien Youssef Chahine, celui qui a fait débuter Omar Sharif en 1954. C’est de là que l’acteur, né Michel Chalhoub, prend le nom d’Omar Sharif. De leur union naîtra un fils mais ils divorcent en 1974 du fait de la carrière internationale prenante d’Omar Sharif. Ce champion reconnu de bridge aurait confié des années plus tard être agnostique. Omar Sharif a joué dans pas moins de 70 films durant sa longue carrière.

Rédigé par La Rédaction | Vendredi 10 Juillet 2015
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L’Observatoire de la laïcité soulève le « besoin criant de formations »

RapportObservatoireLaicité

L’Observatoire de la laïcité a rendu public, mardi 30 juin, son deuxième rapport annuel. A cette occasion, elle relève un dévoiement de la laïcité qui « transformerait ce principe de vivre-ensemble et de coexistence harmonieuse en « laïcité d’exclusion » ».

L’étude, que vous pouvez trouver sur ce site, rend compte du travail effectué en 2014-2015 par l’Observatoire quant au respect du principe de laïcité. Les conclusions révèlent le besoin « criant » de formations à la laïcité, que ce soit dans les services publics ou dans le secteur privé. A l’école tout d’abord, le rapport présente en détail le « plan pour une grande mobilisation de l’école publique pour les valeurs de la République » annoncé à la suite de l’avis du 14 janvier par le ministère de l’Éducation nationale. On y présente le dispositif de formation dédié aux enseignants conduit par deux membres de l’Observatoire de la laïcité.

Priorité à ceux qui sont en contact avec le public

Dans le service public, bien que des initiatives de formations locales intéressantes aient été observées dans les préfectures, l’Observatoire déplore que « cette application fluctuante de la laïcité » se retrouve dans l’ensemble des services publics, ce qui l’a conduit à impulser de nombreuses formations de terrain en 2013. Avec le concours du ministère de la Fonction publique, un plan a été lancé. Mais un autre programme plus ambitieux à destination de tous les relais de la politique de la ville, agents et éducateurs spécialisés, est en cours de réalisation. Car les services des différents ministères sont très peu saisis de questions relatives à la laïcité ou à la gestion du fait religieux si on en croit les auditions des ministres concernés. Surtout, on constate souvent une méconnaissance des règles de droit. Tous les ministres ont fait part d’un grand besoin de formation des agents publics, en privilégiant ceux qui sont en contact avec le public.Du côté du secteur privé, la nécessité d’un enseignement à la « gestion du fait religieux pour les managers »est marquée dans le rapport. De nombreuses actions sont menées en ce sens par différentes entreprises et associations, souvent en collaboration avec l’Observatoire de la laïcité, est-il signalé.

Le danger d’une laïcisation de la société

Les conséquences de la méconnaissance des principes de la laïcité sont encore une fois dénoncées par les responsables des principales religions en France. Les conclusions des auditions révèlent la « crainte d’une laïcisation de la société et de l’individu » et d’un recours contre-productif à d’éventuelles nouvelles lois. La laïcité glisserait « d’une obligation étatique à une obligation individuelle, rejetant toute visibilité du religieux et alimentant la peur des différences ». Les responsables de mouvements d’éducation populaire de terrain craignent, de leur côté, « une laïcité neutralisante qui nierait ou voudrait supprimer toute singularité et toute visibilité religieuse ». Tous les acteurs auditionnés reconnaissent le besoin urgent de la réaffirmation du droit, notamment aux lendemains des attentats de Paris. Pourtant, malgré ces événements tragiques qui ont provoqué de nouvelles crispations très fortes, le rapport ne relève pas d’augmentation des atteintes directes au principe de laïcité comparativement à l’année précédente. Ces incidents, qui touchent pour la majorité les fidèles de l’islam, restent néanmoins encore trop nombreux, notamment à l’adresse des femmes voilées.
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Face à Latifa Ibn Ziaten, les larmes de Roselyne Bachelot

LatifaIbnZiaten-Bachelot

Les larmes de Roselyne Bachelot face à Latifa Ibn Ziaten font le tour de la Toile. La chroniqueuse du Grand 8 s’est adressée jeudi 18 juin en direct à la mère du militaire Imad, assassiné par Mohamed Merah en mars 2012.

Lors de son « message perso…» qu’elle conclut difficilement sous le coup de l’émotion, l’ancienne ministre a dressé le portrait d’une « grande dame » qui n’a pas hésité à décliner une invitation du secrétaire d’Etat américain John Kerry parce qu’il y a « plus important à faire », à savoir visiter la tombe de son fils inhumé au Maroc. Une séquence qui ne laisse pas indifférent le public, tout autant que Latifa Ibn Ziaten, émue de l’hommage qu’il lui a été rendu.

 

Rédigé par La Rédaction | Vendredi 19 Juin 2015

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Comment l’Etat présente l’instance de dialogue avec l’islam

InstanceIslam

L’instance de dialogue avec l’islam tient sa réunion inaugurale lundi 15 juin au ministère de l’Intérieur. Loin de remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM) dont les membres statutaires sont intégrés de fait, cette structure, annoncée en février après les attentats de Paris, comptera en son sein quelque 150 personnes. Les participants à la réunion, ouverte par le Premier ministre Manuel Valls puis clôturée par son ministre de l’Intérieur chargé des Cultes Bernard Cazeneuve, ont tous reçu de la Place Beauvau une lettre signée du ministre que Saphirnews dévoile pour la première fois dans son intégralité. Seuls les sous-titres sont de notre fait.

« L’islam est aujourd’hui la deuxième religion de France par le nombre de ses pratiquants.Le Gouvernement souhaite entretenir avec les représentants du culte musulman un dialogue franc et régulier, à la mesure de la place qu’occupent nos compatriotes musulmans au sein de la communauté nationale, afin d’examiner de façon concertée les questions intéressant la pratique de ce culte, dans le respect du principe de laïcité.C’est pourquoi, à la demande du Président de la République, le Gouvernement a souhaité que soit établie une « instance de dialogue » avec les Français de confession musulmane, qui a vocation à se réunir une à deux fois par an.

L’instance ne fera pas disparaître le CFCM

Il ne s’agit pas de créer une organisation nouvelle des Français de confession musulmane, ni de constituer une enceinte de négociation devant déboucher sur des décisions immédiates, mais bien de réunir un Forum d’échanges régulier entre l’Etat et nos concitoyens musulmans, permettant à la fois de donner à ces derniers la possibilités d’exprimer leurs points de vue sur les questions relatives à l’exercice du culte et aux pouvoirs publics d’être éclairés sur leurs attentes et le cas échéant, sur des mesures qu’elles appellent.Les membres du Conseil français du culte musulman, ainsi que les présidents des Conseils régionaux du culte musulman, qui constituent des instances élues, ont naturellement vocation à faire partie de cette instance de dialogue. Participeront également aux travaux les représentants désignés par des fédérations de mosquées, des recteurs de mosquées reconnues pour leur rayonnement et leur investissement quotidien, ainsi que des représentants de la société civile au titre de l’autorité et de l’expertise que leur procurent leurs travaux théologiques, leur œuvre pastorale ou pédagogique, leur engagement associatif en faveur des œuvres de l’islam de France.

Quatre thèmes phares définis

C’est à ce titre que j’ai le plaisir de vous inviter, au nom du Gouvernement, à participer à la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam de France qui se tiendra le 15 juin 2015 (…) au ministère de l’Intérieur.La participation à l’instance de dialogue s’inscrit dans une démarche d’adhésion au principe de la laïcité, qui garantit la liberté de conscience et le libre exercice du culte dans le cadre de la neutralité religieuse de l’Etat, ainsi que de respect des lois et des valeurs de la République telles qu’elles sont notamment exprimées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.A la suite des réunions préparatoires qui se sont tenues dans chaque département et des consultations qui ont eu lieu, quatre thèmes ont été retenus pour faire l’objet d’ateliers thématiques :

– La sécurité des lieux de culte et l’image de l’islam. Cet atelier permettra notamment d’échanger sur les moyens d’améliorer la prévention et la prévention des actes antimusulmans et, en particulier, dans le contexte de l’augmentation du nombre de faits antimusulmans depuis le début de l’année, sur les mesures prises et celles qui sont envisageables pour assurer la sécurité des lieux de culte. La question de la mise en valeur de la culture musulmane, notamment dans les médias, pourra également être abordée.

– La construction et la gestion des lieux de culte. Les consultations organisées dans les départements confirment qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation important pour les Français de confession musulmane. La question du cadre juridique dans lequel s’inscrivent le financement des lieux de culte, le fonctionnement des associations gestionnaires et les relations qu’entretiennent celles-ci avec les pouvoirs publics pourrait ainsi être approfondie.

– La formation et le statut des aumôniers et des cadres religieux. Cet atelier permettra en particulier de s’interroger sur les compétences que doivent présenter les aumôniers dans les matières générales et profanes, et sur l’offre de formation qui doit, en conséquence, être proposée dans ces matières. Le statut des ministres du culte au regard du droit social pourra également être abordé.

– Les pratiques rituelles. Il s’agit d’identifier les difficultés que peuvent rencontrer les musulmans, et les solutions concrètes qui peuvent être apportées, pour leur assurer des possibilités effectives de pratiquer au quotidien leur religion dans le cadre des lois françaises, qu’il s’agisse des fêtes religieuses, du pèlerinage ou des pratiques funéraires.

Je vous remercie par avance de la contribution personnelle que vous voudrez bien apporter à cette première réunion. (…). »

Rédigé par La Rédaction | Dimanche 14 Juin 2015

Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/

Akhenaton : « Il faut des artistes qui prennent des risques et ouvrent des portes »

Directeur artistique de l’exposition « Hip Hop, du Bronx aux rues arabes » installée pour l’occasion à l’Institut du monde arabe jusqu’au 26 juillet, Akhenaton raconte à Saphirnews la genèse de ce projet et bien plus encore. Au-delà de la polémique autour de sa collaboration avec Coca-Cola, le rappeur star du groupe IAM nous confie ses envies de quitter la France.


Akhenaton, à la direction artistique de l’exposition « Hip Hop, du Bronx aux rues arabes » à l'Institut du monde arabe (IMA). (Photo : © Saphirnews)

Akhenaton, à la direction artistique de l’exposition « Hip Hop, du Bronx aux rues arabes » à l’Institut du monde arabe (IMA). (Photo : © Saphirnews)

Saphirnews : Vous êtes gâté ces derniers temps : entre l’Institut du monde arabe où vous assurez la direction artistique de « Hip Hop, du Bronx aux rues arabes », les Victoires de la musique qui vous ont remis une récompense pour votre dernier album et Coca-Cola qui vous prend comme égérie…

Akhenaton : L’Institut du monde arabe est une vraie institution. Il y a 15 ans, je n’aurais pas fait une expo de hip-hop dans un musée, mais je pense que la période actuelle en a besoin. J’ai aussi réalisé avec le temps que l’institutionnel, ce sont nos impôts et qu’il y avait quelque chose de dramatique à ce que le hip-hop soit une culture ultra répandue mais qu’elle ne soit fixée dans aucun endroit de manière historique. Pour moi, c’était une négation de son existence.Cette expo est importante pour deux raisons : le public ne nous connaît pas, j’ai toujours eu espoir qu’on arriverait à changer les choses et à se faire accepter pour ce qu’on est, c’est-à-dire des créateurs, des gens qui font des morceaux, dansent, font des spectacles, des peintures ; mais cela ne marche pas, on est toujours vu comme des délinquants repentis, des assistés sociaux qui ont eu de la chance. L’idée ici est d’ancrer cette culture dans son existence et de mettre à l’honneur des pays arabes dans leur créativité malgré les difficultés vécues dans ces pays.

 

Akhenaton à l'IMA. © Saphirnews

Akhenaton à l’IMA. © Saphirnews

Qui a pris l’initiative de monter cette exposition ?

Akhenaton : Un ami libanais qui s’appelle Mario Choueiry. Il travaillait pour Emi Arabia quand nous (le groupe IAM, ndlr) étions des artistes signés chez Delabel. On préparait l’album Ombre est lumière (sorti en 1993, ndlr), on samplait beaucoup la musique arabe à l’époque et on cherchait à faire des collaborations avec des artistes du genre. Il nous a permis de collaborer avec un chanteur libyen, Cheb Jilani. C’est lui qui m’a contacté il y a deux ans pour me proposer de faire une expo sur le hip-hop. Pas très à l’aise avec les institutions, je n’étais pas très sûr de vouloir le faire, mais j’ai finalement accepté avec quelques conditions, celles d’éviter de faire quelque chose d’historique car cela demanderait plusieurs espaces d’expositions bien plus grands que l’Institut du monde arabe. Mon idée était de l’axer sur la transmission, car c’est une tradition très arabe et africaine. La transmission orale, la transmission de la culture… Ici, c’est une transmission du Bronx aux pays arabes. Les Français, très prétentieux, croient toujours que le hip-hop est passé par chez eux avant de venir aux pays arabes, mais il est bel et bien venu directement des Etats-Unis aux pays arabes. Au Liban, il y a des rappeurs aussi anciens que ceux du rap français.

Certaines personnes pensent aussi que le hip-hop est né dans les pays arabes avec les soulèvements révolutionnaires…

Akhenaton : Il y a des rappeurs comme Dam ou Gaza Team (des groupes palestiniens, ndlr) avec qui j’ai fait des morceaux qui n’ont pas attendu ces révolutions. Même dans l’engagement, certains rappeurs connaissaient des ennuis dans leurs pays respectifs. The Narcysist (un rappeur irakien, ndlr), par exemple, a dû quitter l’Irak pour aller au Canada. Pareil pour des groupes de métal qui passent leur vie en prison. Ils dérangeaient Saddam Hussein à l’époque, dérangent le gouvernement actuel en place et dérangent Daesh… Je suis très heureux de voir de nombreux graffeurs et artistes du monde arabe venir à l’expo.

 

Affiche « Hip Hop, du Bronx aux rues arabes »

Affiche « Hip Hop, du Bronx aux rues arabes »

Comment avez-vous sélectionné les artistes présents ? Il semble y avoir plus d’artistes occidentaux qu’arabes quand même…

Akhenaton : Dans la partie historique, il y a plus d’Américains tandis que la partie française est un peu plus petite que la partie arabe. Il était important de signaler que ceux qui ont créé cette culture dans le Bronx étaient tolérants et ouverts à toutes les cultures et aux femmes. C’est pour cette raison que j’ai volontairement choisi une femme dans l’affiche de l’exposition, une œuvre du graffeur Noe Two.

Vous avez donné un concert en Egypte pour les 20 ans d’IAM en 2008. Êtes-vous allé dans des pays arabes autres que ceux du Maghreb ?

Akhenaton : On devait faire le Liban en 1990 après la guerre, mais il y avait encore des soucis de sécurité. Le concert a été programmé, annulé et reprogrammé, mais il ne s’est jamais fait. A mon grand regret, je n’y suis jamais allé alors que c’est historiquement un pays important pour moi. J’espère que cette exposition pourra voyager dans les pays arabes et qu’on aura la possibilité de faire des performances avec des groupes locaux. Ce serait faisable au Liban, mais j’ai un petit souci avec les Emirats, car les rappeurs et les graffeurs y morflent beaucoup. Mais pourquoi pas à Abu Dhabi ou à Oman qui sont plus ouverts.

Quel est votre sentiment des événements qui ont suivi le Printemps arabe ?

Akhenaton : J’ai l’impression que le peuple s’est fait voler sa révolution. Il y a des forces obnubilées par le pouvoir qui sont beaucoup plus agressives que la personne lambda qui essaie de changer les choses. On le voit en Syrie : la révolution a été lancée pour espérer plus de liberté, une réelle égalité dans la société syrienne, mais, aujourd’hui, les acteurs d’un côté et de l’autre s’envoient des missiles et des armes dans la gueule. Les gens qui ont fait les premières manifestations sont chez eux enfermés, s’ils ne sont pas arrêtés ou tués.La Libye est une guerre coloniale de l’ère moderne. C’est un braquage des sociétés pétrolières appartenant aux Italiens et aux Allemands, par les Français, les Américains et les Anglais. On a enlevé les clés à certains, on les a données à d’autres. Maintenant, ceux qui ont les clés se les disputent. Le peuple perd au final.Ceux qui s’en sortent le mieux sont les Tunisiens, parce que le niveau d’éducation est beaucoup plus élevé que dans beaucoup de pays, ce qui fait qu’on ne peut pas les baratiner trop longtemps avec de la désinformation. Ils ne se laissent pas marcher sur les pieds. Ce sont ceux qui s’en sortiront le mieux et le plus vite.

Parlons religion. Les personnes que vous rencontrez vous font-elles souvent des allusions au sujet de votre foi ?

Akhenaton : Tout le temps. On me demande souvent : « Mais pourquoi tu t’es converti ? Parce que tu t’es marié à une musulmane ? » Je dis non, c’est parce que j’ai lu des livres et des gens admirables. Dieu merci, je me suis converti en 1992 ! Si je m’étais converti dans la période actuelle, on m’aurait dit que je suis un terroriste ! Le sujet islam n’est pas compris. C’est comme l’expo : il faut de la vulgarisation.Depuis le 11-Septembre, je dis qu’il faut que les chaînes françaises diffusent un film comme Le Message (célèbre œuvre de Moustapha Akkad sorti en 1976 qui relate la vie du Prophète Muhammad, ndlr) pour montrer aux habitants de ce pays que ce n’est pas une religion qui est tombée comme une météorite sur Terre, qu’elle s’inscrit dans une continuité monothéiste lisible par un peuple chrétien et juif. Lisible. Cela permettait de comprendre des tas de choses et de rapprocher du monde en instaurant un dialogue. J’en parlais avant dans ma musique, mais je n’en parle même plus. Les gens sont dans l’émotion et, quand c’est le cas, ils refusent le débat. La peur puis la haine s’installent.

Le climat post-Charlie est-il propice à ouvrir un dialogue, selon vous ?

Akhenaton : Non. Tout est fracturé. Tout est noir ou blanc, rien entre deux. J’ai donné une interview à Europe 1 à ce sujet (en mars, ndlr). Elle a été résumée par Le Figaro par : « Akhenaton dérape sur les caricatures de Mahomet » alors que je parlais de racisme et non de religion. Le Prophète est assez grand, dans mon esprit et dans mon cœur, pour se défendre tout seul. Il a été victime de calomnie mais il a toujours dit de laisser parler les gens car c’est le propre de l’homme de parler.J’ai parlé des caricatures danoises (lors de l’interview, ndlr). La caricature avec la bombe en guise de turban (sur la tête d’un homme présenté comme le Prophète, ndlr) est aussi raciste que les caricatures des juifs pendant l’entre-deux-guerres. Je ne vois pas où est le dérapage… Deux jours après, sur les portes de ma maison, (un domicile dans lequel est installé son studio en réalité après plus de précisions, ndlr) était inscrit « Adieu la France, les Bougnoules nous l’ont mises », accompagnée d’insignes nazis.

Vous avez décidé de ne pas porter plainte. Pourquoi ?

Akhenaton : Parce que je sais que cela n’aboutira pas.

 

Akhenaton : « Il faut des artistes qui prennent des risques et ouvrent des portes »

Pourtant, c’est aussi une façon de délivrer un message important (du fait de votre position)…

Akhenaton : A l’époque, je n’ai pas voulu faire de remous. (…) Mais je ne me prends pas pour un prophète, je fais des erreurs… C’était peut-être une erreur de ma part. Le temps le dira. Je suis cette somme de bons et de mauvais choix… Quand j’ai vu les tags le matin, j’étais sidéré, je n’arrivais plus à parler. Mon premier réflexe a été de me dire : « Je vais me casser, aller en Asie ou aux Etats-Unis. J’en ai assez. »

A propos de départ, n’avez-vous jamais eu envie de vraiment quitter la France ?

Akhenaton : Si, c’est permanent. J’ai habité à New York pendant deux ans, dans les années 1980. (…) Oui, j’ai envie de partir et, en même temps, j’ai envie de lutter. C’est confus dans ma tête.

Si vous deviez partir, où iriez-vous ?

Akhenaton : Je n’irais pas aux Etats-Unis, j’irais à New York (rires). J’ai mes arrières-grands-parents qui sont enterrés là-bas. J’ai aussi une grande partie de ma famille qui y vit, c’est donc la facilité pour moi. C’est un endroit où j’ai des attaches familiales et des amis.J’ai failli partir au Maroc aussi. Je m’y sens bien, j’y vais souvent (sa femme est d’origine marocaine, ndlr), j’y suis très bien avec mon petit port tranquille où je mange du poisson grillé… Casablanca est une ville qui explose, j’ai plein d’amis qui sont partis y vivre et travailler. Il y a plein de choses qui se font dans cette ville, des opportunités pour des gens qui ont envie de travailler. C’est ouvert d’esprit. Je trouve les peuples des pays arabes beaucoup plus accueillants, beaucoup plus ouverts et prêts à recevoir le monde, alors que, nous (en France, ndlr)…, nous sommes aigris.

 

Qu’est-ce qui vous retient en France ?

Akhenaton : Ma famille, mes enfants, leurs amours de jeunesse. Ils sont adolescents…

Vous dites songer à partir, est-ce un message que vous souhaitez délivrer à la jeunesse ?

Akhenaton : Non. Je ne suis pas un exemple. Si je pense à partir, c’est parce que la France m’a usé en 30 ans. Je suis usé de répéter les mêmes trucs et de voir les mêmes choses sans aucun changement. (…) Le message à délivrer aux jeunes générations est de se battre et de prendre le relais, de montrer qu’on peut faire des choses bien.(…) Quand on fait un sondage pour demander ce qu’est un Arabe bien intégré, on nous révèle que ce sont des personnes qui mangent du jambon et qui boivent de l’alcool, et non des gens qui ont un travail, vont à l’université, ont une famille et paient leurs impôts. Les critères d’intégration : le porc et le vin. C’est quand même des critères de surface ! On n’est pas dans une profondeur de réflexion. Je suis pour la laïcité, mais pas pour qu’elle tombe dans un fondamentalisme laïque car il peut être aussi dangereux que les autres formes de fondamentalisme. Je suis contre tous les radicalismes. Beaucoup d’hommes politiques auraient dû retourner à l’école et étudier l’Histoire, cela aurait évité à Nicolas Sarkozy de prononcer le discours de Dakar (en 2007 durant lequel il a affirmé que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », ndlr) s’il avait ouvert quelques livres.

Vous êtes au cœur d’une polémique, celle de votre collaboration avec Coca-Cola. On vous a reproché d’être en totale contradiction avec les valeurs que vous avez véhiculées à travers vos morceaux durant toute votre carrière.Votre réponse n’est-elle pas un peu légère ? Parce que vous êtes une personne publique qui a tenu beaucoup de propos moralisateurs, peu importe si tel fan est assis devant un PC « made in China » ou s’il boit du Coca dans sa voiture alimentée par Total, car c’est vous qui êtes un exemple et pas lui, c’est à vous qu’on reproche de ne pas être cohérent.

Akhenaton : Si un fan me reproche tout cela, c’est qu’il tient à certaines valeurs, non ? Il embrasse donc ces valeurs et se les applique. A partir du moment où tu ne les appliques pas, tu n’écris pas de lettre (allusion aux critiques pour dénoncer le choix d’Akhenaton, ndlr). Dans mon quotidien, dans tout ce que je consomme, j’ai conscience d’être en contradiction avec des choses que je peux dire, mais il y a des barrières que je ne franchirais pas comme travailler avec des laboratoires pharmaceutiques, des entreprises qui bossent dans l’énergie ou des firmes comme Monsanto (qui promeut les OGM, ndlr).(…) Si on pense que mener un combat frontal contre des multinationales peut aboutir à quelque chose, on se trompe. C’est ce qu’on a fait pendant 30 ans et cela n’a abouti à rien. Il n’y a jamais eu autant de milliardaires et de pauvres sur la planète. Le combat est perdu, il va falloir changer de stratégie. La première fois que les gens de Coca-Cola m’ont reçu, je leur ai parlé de l’aspartame. Je pense sincèrement et naïvement que c’est peut-être ainsi qu’on peut changer les choses.

Pourquoi avoir reversé à certaines associations plutôt qu’à d’autres, qui aident des enfants en Palestine par exemple ?

Akhenaton : J’ai reversé à quatre associations. Je fais depuis dix ans campagne avec la fondation Abbé Pierre, j’ai fait des morceaux, je leur ai donné des morceaux, des téléchargements gratuits. J’ai aussi fait des campagnes pour Action contre la faim, et j’estime normal de reverser à nouveau le cachet à des gens avec qui je travaille depuis des années. Et puis, il y a deux autres associations, celle de Pascal Olmeta dédiée aux enfants malades et Terre des Hommes Valais avec qui on fait des concerts depuis dix ans. Avec 1 000 et quelques euros, tu sauves la vie d’un enfant…Excusez-moi, mais pour tous ceux qui sont devant leur ordi, qui mettent leur petit déjeuner en photo sur Facebook et s’achètent un Coca pour le boire devant, je préfère avoir cela en moins sur la conscience, faire mon action dans le détail et travailler sur ce que je fais. Si je n’avais pas fait de collaboration, il n’y aurait jamais de partenaires qui financent des expos du genre hip-hop (Coca-Cola est un soutien financier de l’exposition à l’IMA, ndlr). Pour l’instant, toutes les portes sont fermées au hip-hop : il faut des artistes qui prennent des risques et ouvrent des portes.
Rédigé par Fatima Khaldi | Lundi 4 Mai 2015
Pour en savoir plus : http//www.saphirnews.com