Ikéa ou le management de la diversité

IkéaenArabe

PDG de Ikea de 1999 à 2009, Anders Dahlvig a publié en juin un ouvrage où il revient sur son expérience à la tête du leader mondial de l’ameublement. LSA a sélectionné les bonnes feuilles.

LSA – Quel message voulez-vous faire passer avec votre livre ?

Anders Dahlvig – Quand on est PDG, on n’a pas le temps de réfléchir sur son travail. J’ai pensé qu’il serait bien de le prendre aujourd’hui pour tirer des leçons du modèle Ikea. Mais je ne voulais pas d’un énième manuel de management ou d’un recueil de potins sur la famille Kamprad, il s’agit des leçons que l’on peut tirer du business model Ikea à destination des professionnels.

LSA – Quelles conclusions en avez-vous tirées ?

A. D. – À force de conceptualiser, j’ai compris l’importance des valeurs. Elles permettent de mieux recruter, de garder les gens plus longtemps et plus motivés. Le contrôle de la chaîne de valeur est aussi fondamental, du design des produits jusqu’à leur vente. Peu de distributeurs contrôlent toutes ces étapes. Ensuite, il faut aussi exister à l’échelle mondiale. On peut réussir sur les marchés émergents à condition d’avoir d’excellents prix et un engagement de longue durée. Enfin, Ikea a un propriétaire solide, qui s’inscrit dans la durée.

LSA – Quels souvenirs gardez-vous d’Ingvar Kamprad ?

A. D. – Nous avions une relation proche. Ikea est sa vie, il allait régulièrement voir les magasins à travers le monde. C’est un homme intelligent, et il faisait de bonnes remarques, même s’il n’était pas impliqué dans la gestion quotidienne.

MANAGEMENT La diversité ? « Si tout le monde pense la même chose, vous verrez peu de progrès. »

« D’un point de vue business, il y a au moins quatre bonnes raisons pour promouvoir la diversité.

Orientation client : pour qu’une entreprise puisse comprendre ses clients, et ses employés, l’équipe dirigeante doit refléter la diversité qui existe au sein de ces deux groupes. 70% des clients d’Ikea sont des femmes, et les groupes ethniques minoritaires représentent une proportion importante dans de nombreux magasins. […]

Prise de décision : si tout le monde pense la même chose, vous verrez peu de progrès. […] Une entreprise qui n’installerait aux postes de responsabilité que des personnes issues du même milieu aura certes des réunions très calmes et agréables, mais pas très productives.

Recrutement : aucune preuve scientifique prouve que les Suédois d’âge moyen seraient meilleurs que les autres dans le commerce d’articles d’ameublement. […]

Motivation : la reconnaissance est un facteur de motivation très puissant. La promotion, ou même la simple perspective de promotion, instaure une forte motivation. […] « Je suis un partisan des organisations « plates ». Plus il y a de niveaux hiérarchiques, plus il y a de bureaucratie et moins il y aura de responsabilité individuelle. À chaque fois que le développement de l’entreprise exigeait l’addition d’un niveau hiérarchique, par exemple au niveau régional, j’ai toujours refusé de le faire. Si nécessaire, un poste de directeur régional est créé, mais jamais une structure complète. Si possible, les directeurs régionaux doivent avoir une autre casquette. Contrairement à ce qui est communément admis en management, je préfère que l’étendue des responsabilités d’un cadre dirigeant soit très large. »

« PLUS LE CLIENT S’IMPLIQUE, MOINS LE PRIX EST ÉLEVÉ »

« J’ai la conviction que les gens ont plus de temps que d’argent. Plus le client s’implique dans le processus de vente, moins le prix du produit sera élevé. Tout le système de commercialisation repose sur l’intégration du client dans le système de distribution. Le client choisit le produit, le prend, le paie à la caisse, le transporte et l’assemble lui-même. »

« LE MARKETING SELON DILBERT »

« La communication-marketing a toujours été l’une des disciplines qui m’ont le plus frustré. Quand je dois écouter des présentations interminables sur la segmentation du marché, la publicité de marque et le comportement des clients, je suis constamment tenté de revenir à la conception du marketing selon Dilbert : « Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que vous vendrez plus de produits en baissant les prix. » Et souvent, les choses sont réellement aussi simples que cela. »

BACK OFFICE Derrière les magasins, la logistique et l’internet

« Des efforts se sont également portés sur l’augmentation des livraisons directes des fournisseurs aux magasins pour réduire les coûts d’approvisionnement. La proportion des livraisons directes est ainsi passée de 25% à près de 40% en 2009. Cela a été rendu possible grâce à des volumes de vente plus importants ainsi que par l’augmentation de la surface des magasins. Un changement important a été entrepris dans la stratégie de distribution. Jusque-là, tous les entrepôts centraux stockaient l’ensemble de la gamme (à l’exception des articles en livraison directe). Dans la nouvelle stratégie, les biens durables, qui représentent près de 10% des ventes mais 50% des articles, sont désormais stockés dans un ou deux entrepôts centraux qui servent toute l’Europe tandis que les produits de grande consommation, qui composent 50% des volumes vendus, sont stockés dans des entrepôts à proximité des marchés locaux. […] « En près de dix ans, le site d’kea est passé de pratiquement 0 à 500 millions de visites par an. Les TIC et les médias numériques vont prendre de plus en plus d’importance dans l’expérience magasin, en améliorant les services (caisses automatisées, cartes de fidélité, crédit), les opérations (fixation des prix, gestion des stocks) et les ventes (démonstration de l’utilisation des produits…). Les nouvelles technologies faciliteront le travail des employés, mais elles vont jouer un rôle déterminant pour mieux intégrer le client dans le processus de vente. »

PROPOS RECUEILLIS PAR J.-B. DUVAL
Pour en savoir plus : http://www.lsa-conso.fr

« Champions de France », la série hommage aux sportifs issus de l’immigration

RachidBouchareb
Rachid Bouchareb, réalisateur de la série « Champions de France » diffusée de juin 2015 à l’été 2016 sur France Télévisions.

« France Télévisions, qui a obtenu en 2014 le « label diversité », s’est engagé avec tous ses collaborateurs à promouvoir une image plus respectueuse de la diversité qui fait la richesse et la force de la France », a déclaré fin mai Rémy Pflimlin, le président-directeur général de France Télévisions. Une démarche qui, selon lui, vient illustrer le projet Champions de France, réalisé par Rachid Bouchareb avec l’aide de l’historien Pascal Blanchard, spécialiste des histoires de l’immigration et des enjeux de diversité. Cette collaboration avec France Télévisions est loin d’être la première pour les deux hommes : ils avaient ensemble réalisé « Frères d’armes » qui rend hommage en portraits à ceux et à celles issus des anciennes colonies qui se sont battus pour la France lors des deux guerres mondiales.

Pendant un an, ce sont 45 portraits, qui parlent de 65 champions, qui seront diffusés au fil des semaines sur toutes les chaînes du groupe. « Des portraits de deux minutes dédiés à ces destins exceptionnels de sportifs issus de la diversité, qui ont fait l’honneur de leur pays et la joie de millions de Français », a annoncé Rémy Pfimlin. Ils sont sportifs, comédiens, journalistes, animateurs ou encore réalisateurs engagés de renom. Tous sont passionnés de sport, d’histoire et ont accepté de prêter leurs voix pour incarner ces sportifs aux destins exceptionnels dans des épisodes qui durent deux minutes.

Jamel Debbouze, Lilian Thuram, Kad Merad, Sami Bouajila, Nelson Monfort, Abd al Malik, Charles Berling, Rokhaya Diallo et bien d’autres nous embarquent dans les récits de vie de personnages qui appartiennent à l’histoire du sport français depuis les JO en Grèce de 1896 tels Marcel Cerdan, le «bombardier marocain » né en Algérie, champion du monde de boxe, Marie-José Pérec, la seule athlète française à détenir une triple médaille d’or olympique, Abdelkader Zaaf, le cycliste maghrébin le plus populaire du Tour de France (vidéo plus bas), Alfred Nakache, le «nageur d’Algérie » qui fut déporté par les nazis, Zinedine Zidane, qui fut le héros de 1998, après Michel Platini, qui fut celui de l’Euro 1984.

La diffusion de la série s’étalera jusqu’aux prochaines compétitions internationales qui se dérouleront en été 2016, dont le championnat d’Europe de football (Euro) programmée en juillet en France.

La série Champions de France est programmée toutes les semaines sur toutes les chaînes de France Télévisions : sur France 2, le samedi, à 6 h 55, avant Télématin ; sur France 3, le dimanche, à 20 h 05, avant Tout le sport ; sur France 4, le dimanche, à 19 h 50, après un divertissement ; sur France 5, le samedi, à 17 h, après un documentaire ; sur France Ô, le samedi, à 19 h 50, après Info Soir ; sur le réseau outre-mer 1re, le samedi à 18 h 55.

 

 

Rédigé par Fatima Khaldi

Mercredi 22 Juillet 2015
Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com/

Pourquoi toutes les start-ups devraient miser sur la diversité et la mixité

Sart-upsInterculturelles

Pour perdurer, une entreprise se doit d’atteindre l’équilibre financier. Les entrées doivent être supérieures aux sorties. Si l’entrepreneur est le moteur de sa compagnie, l’équipe est son carburant. Atteindre un équilibre humain est donc tout aussi important que d’atteindre l’équilibre financier.

À deux reprises cette dernière année, on m’a consulté sur la thématique de la diversité culturelle en entreprise — l’emploi des professionnels formés à l’étranger.

À la demande d’Emploi Nexus, je suis intervenu en février 2014 à HEC Montréal sur la thématique des techniques du recrutement non conventionnelles. Je vous rassure, il n’est pas question des armes non conventionnelles, mais plutôt de processus de recrutement qui se détache du CV pour mettre l’accent sur l’expérience et la mise en situation. C’est une arme efficace que j’ai développée ces dernières années pour ma start-up, Seevibes. Si cette technique ne protège pas des erreurs de recrutement, elle m’a permis de détecter des professionnels qui bénéficient tous d’un excellent potentiel, réalisé ou en devenir.

Dernièrement, Rachid Harmel, doctorant et chargé de cours à HEC Montréal, m’a invité à participer à une recherche scientifique sur le thème des pratiques au travail des PME en TI dans un contexte multiculturel. Avec une majorité de pièces rapportées — non Canadiennes, en provenance d’Europe et d’Amérique du Sud, et une diversité de religions — catholique, juif, musulman et athée —, ma compagnie semble être le cobaye idéal.

La diversité en entreprise est-elle inconsciente ou réfléchie ? Si mes racines étrangères impliquent une ouverture naturelle à la diversité, l’idée d’attirer des profils de diverses origines s’impose d’elle-même. Le critère numéro un reste la compétence et la complémentarité que les personnes pourront apporter dans la compagnie. Les start-ups technologiques sont en concurrence pour attirer les meilleurs profils. S’ouvrir à la richesse de professionnels que nous apporte la planète est donc une évidence, voire une obligation pour rester compétitif.

Une équipe multiculturelle a plusieurs bénéfices : l’apport de points de vue différents, qui est une source de créativité ; un réseau de contacts plus large, qui est bon pour le développement commercial ; des valeurs positives, qui bénéficient à l’image de la compagnie ; et surtout des collaborateurs plus fidèles et motivés.

La mixité est aussi un art délicat. Nous avons un bureau à Paris avec une majorité de collaboratrices, alors que la situation est inversée au Québec, où la gent masculine est en force. Si la compétence prime toujours, il faut reconnaître que nous avons cherché un équilibre sur les deux structures pour garder une bonne dynamique entre les sexes. Le succès des derniers recrutements nous a donné raison.

La mixité s’est également retrouvée nécessaire dans les langues parlées dans l’entreprise. Les anglophones n’étaient pas assez représentés dans l’équipe, au risque d’handicaper notre développement nord-américain.

La diversité culturelle et la mixité des profils en entreprise sont moins un acte social qu’une décision d’affaires éclairée. Pour le bien de nos entreprises et de l’économie du pays, il est donc plus pertinent que jamais de parler d’équilibre, de valeur ajoutée et de bénéfices, plutôt que d’intégration, de contraintes et de pièces rapportées.

Publié le 17/06/2015 à 13:19

À propos de Laurent Maisonnave

Laurent Maisonnave est pdg de Seevibes, une start-up montréalaise qui fournit des données intelligentes pour le ciblage des campagnes publicitaires sur les médias sociaux.

Pour en savoir plus : https://www.lesaffaires.com

Faire ensemble pour mieux vivre ensemble

FondationSNCF

Pour Marianne Eshet, déléguée générale de la Fondation SNCF, la différence dérange, l’altérité fait peur mais la diversité est pourtant une réalité et une richesse.

Cette tribune est proposée par la Fondation SNCF dans le cadre de la rubrique « Vivre ensemble ».

La société française est plurielle, la diversité fait partie de notre quotidien, l’accepter est la seule solution. Différence culturelle, fossé intergénérationnel, guerre des sexes ou monde des valides inaccessible pour les personnes handicapées: il est urgent de partager nos différences, de se parler, de se comprendre pour vivre ensemble, en bonne intelligence et en paix. Est-ce possible ? Les immenses rassemblements qui ont soudé la France le 11 janvier et les multiples initiatives qui montent depuis prouvent que oui.

L’Etat a pris les choses en main. Le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitismelancé par Manuel Valls concentre 100 millions d’euros sur trois ans et quatre axes: de sanctions plus lourdes, la lutte active sur le net, l’éducation et une campagne de communication offensive. Parallèlement, la Fondation de France a donné une nouvelle impulsion en créant le Fonds du 11 janvier. Il vient soutenir les initiatives en faveur de la citoyenneté, de la connaissance du fait religieux et du vivre ensemble. La Fondation SNCF a répondu à l’appel et en est membre fondateur.

« Vivre ensemble en partageant nos différences »

C’est l’un des trois axes d’intervention de la Fondation SNCF depuis 2011. Concrètement, nous lui consacrons chaque année 800.000 euros. Plus de la moitié de cette somme finance des initiatives lauréates de l’appel à projets éponyme que nous organisons avec le Réseau national des maisons des associations (RNMA). En trois ans, nous avons ainsi soutenu 180 projets, co-construits par 500 associations et bénéficiant à près de 12.000 jeunes de toute la France.

Depuis 2011, nous soutenons la lutte contre les discriminations ou les inégalités et, de plus en plus, nous favorisons des actions positives de rapprochement de publics différents: jeunes-seniors, valides-non valides, garçons-filles, interculturel. Mais les préjugés ont la vie dure et on peut s’étonner de voir que, dans un pays comme la France, par exemple, être comédien noir et trouver un rôle au théâtre n’a rien de facile. Preuve que la problématique reste actuelle, que les différences cristallisent les conflits par méconnaissance, voire par ignorance, et qu’il y a urgence.

Fini les discussions. Agissons ensemble !

De ces quatre ans d’expérience, nous avons tiré pas mal d’enseignements que j’aimerais faire partager à ceux et celles qui veulent s’engager à leur tour. Le premier est de rapprocher des publics qui n’ont pas l’habitude, l’idée ou l’envie de se rencontrer. Le second, c’est de dépasser la tolérance passive pour se confronter à la réalité, à nos différences et à nos préjugés. Il ne suffit pas de cohabiter pour s’accepter, il faut faire et partager un projet commun, c’est l’occasion de s’apprécier, de changer le regard de l’autre aussi. Le vivre ensemble passe par le faire ensemble, et la tolérance active est la seule façon d’inverser sensiblement la tendance.

Les deux autres enseignements sont des leviers d’efficacité. La Fondation SNCF a choisi de soutenir des projets inter-associatifs, d’encourager les dynamiques de mutualisation. Ainsi, l’appel à projets « Vivre ensemble » organisé avec le RNMA retient chaque année 50 à 60 projets communs à deux ou trois associations. La méthode est efficace et elle plaît: édition après édition, toujours plus d’associations et de régions entrent dans l’aventure. La Fondation SNCF est la première à le faire et espère entraîner d’autres mécènes dans ce modèle performant et enrichissant.

Trouver des solutions dans les territoires

La dimension territoriale est le dernier enseignement que j’aimerais partager. Le territoire est la juste échelle des problèmes, des solutions, des acteurs, des bénéficiaires et le gage d’efficacité des initiatives. L’ancrage local de SNCF et la proximité de la Fondation via le réseau des 23 correspondants régionaux est un atout décisif. SNCF traverse les territoires, elle est aux avant-postes des enjeux de société. Oser nommer la diversité, la faire vivre, être utile au cœur de la société est un choix d’entreprise, celui de SNCF, décidée à prendre le risque de porter des projets qui mixent les publics, qui font pratiquer le vivre ensemble et qui donnent la force d’assumer ses différences pour mieux les partager.

 

Marianne Eshet
07/05/2015

 

Pour en savoir plus : http://www.youphil.com

Pourquoi le religieux sera au coeur du XXIe siècle

 Malraux

Dans une entrevue qu’il accordait à un journal danois en 1955, le célèbre écrivain André Malraux affirmait que la tâche du prochain siècle serait « d’y réintégrer les dieux ». Bref, que le défi du XXIe siècle serait de faire face au retour, ou mieux, à la permanence du religieux. Anticipant déjà la crise spirituelle dans laquelle serait aujourd’hui plongée la civilisation occidentale, Malraux faisait preuve d’une intuition prophétique.

L’auteur français ajoutait que le retour du religieux serait effectué d’une manière inattendue, imprévisible. Contre toute attente et malgré la montée grandissante de l’islam en Occident, on peut observer que le Dieu universel dont se sont longtemps revendiqués les monothéismes s’épuise. Subtile, mais confiante, la pluralité du sacré s’est taillé une place parmi les dinosaures idéologiques de l’Occident. L’unité de la croyance s’est effondrée. Si Dieu est mort, les dieux, eux, sont bien vivants.

Mes plus récentes réflexions m’ont conduit à constater que trois principaux facteurs pouvaient expliquer ce constat.

1. Déracinement

Dire que l’Occident vit une crise existentielle relève de l’euphémisme. Si l’islam possède des mythes fondateurs agressifs qui exhortent ses fidèles à la reconstruction de la théocratie originelle de Mahomet, il n’en demeure pas moins que l’islamisme profite d’un d’assèchement idéologique — d’un néant spirituel — qui prévaut dans la plupart des sociétés occidentales. Autrement dit, le désenchantement encourage la refondation souterraine de la religiosité.

Les jeunes disent qu’ils vivent dans une société « plate » : ils sont en manque de sensations fortes. Ils sont en quête de figures héroïques, de modèles. Certains optent alors pour des personnages de séries télévisées, d’autres, pour des prophètes ou des maîtres spirituels. Certains s’engouffrent plutôt dans une existence totalement virtuelle en incarnant des personnages moyenâgeux dans des jeux vidéo.

Les grandes idéologies qui ont fait florès au XXe siècle n’ont pas su combler l’espace qui a été laissé vacant par l’abandon des grands récits fondateurs. Le Big Bang a difficilement remplacé la Genèse et le communisme n’a pas succédé au christianisme. Des idéologies ont déployé une énergie comparable à celle des religions, mais elles ont rapidement cédé leur place aux chocs culturels et à l’hédonisme.

Paralysé en raison de son embonpoint bureaucratique, l’Occident voit ses populations souffrir d’un vaste déracinement qui les incite à replonger dans l’univers du mythe. Thème universel de tous les conservatismes, la stabilité redevient à la mode. On veut manger bio, redécouvrir les bienfaits du terroir, renouer avec une authenticité perdue. On veut afficher ses couleurs et se tatouer des idéaux. On court des kilomètres pour perdre le symbole d’une vie redondante et artificielle. On joue aux guerriers pour compenser l’absence de chaleur humaine.

2. Diversité

Le retour du religieux rime aussi avec l’expansion de la diversité culturelle dans les grandes villes. Loin de se limiter à la popularité de la cuisine du monde, le multiculturalisme agit comme un cheval de Troie qui emmène une myriade de religions étrangères. Le renouveau de l’expérience religieuse est en grande partie effectué au contact de l’altérité et de la mondialisation. On comprend les partisans de la laïcité de s’en méfier.

La Cité redevient le centre d’une effervescence spirituelle dont les formes sont aussi diversifiées que contradictoires. Dans la rue, les communautés gaies côtoient dorénavant des groupes religieux qui considèrent l’homosexualité comme un crime méritant la mort. La diversité, c’est la coexistence paradoxale de valeurs radicalement contraires. Par conséquent, la gestion du pluralisme constitue l’un des principaux défis que devront relever les États.

3. Romantisme

Le sentiment de déracinement qui règne dans nos sociétés et l’exaltation du multiculturalisme favorisent le retour du romantisme — c’est-à-dire d’un imaginaire fondé sur les sentiments, l’enracinement et le mythe. Le romantisme, c’est croire qu’il vaut mieux s’accrocher à un rêve que de sombrer dans la dépression collective.

La nouvelle sensibilité écologiste doit aussi être considérée comme une composante essentielle de cette esthétique romantique. Face à la dégradation des écosystèmes et à la perte de repères identitaires, on cherche à renouer avec une société antérieure à l’artificialisation du monde. On désire mettre fin à la société de consommation, quitte à développer un rapport positif au religieux qui en serait le remède.

De même, les derniers appels au djihad auxquels ont répondu positivement de nombreux Européens se nourrissent de ce grand vide qui a été habilement dépeint par Michel Houellebecq dans son dernier roman, Soumission. Il ne s’agit pas d’imputer à la civilisation occidentale ce qui relève bien évidemment de la violence musulmane, mais bien de constater que l’islamisme exploite à merveille cette grande désillusion.

Finalement, tous ceux et celles qui ont prédit la mort du religieux pourraient bien s’être trompés. Le religieux est bien vivant et trois mots peuvent rapidement en expliquer la recrudescence : déracinement, diversité et romantisme. Il s’agit de prendre un peu de recul pour s’en apercevoir.

Jérôme Blanchet-Gravel
Auteur du livre «Le nouveau triangle amoureux: gauche, islam et multiculturalisme»

Publication: Mis à jour:

Accenture : la diversité, levier de croissance

Accenture
Khalid Lahraoui, directeur du capital humain, diversités et engagements citoyens d’Accenture France Benelux – Shutterstock

Depuis plus de dix ans, la direction générale et le comité exécutif d’Accenture s’engagent en matière de diversité, portant véritablement la démarche et la mise en place de dispositifs concrets.

C’est une ligne directrice, portée par le top management et diffusée auprès des 6.000 collaborateurs en France. « Chez Accenture, la diversité ne constitue pas une démarche conceptuelle ni démagogique : nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un levier de performance, de croissance, de créativité et d’innovation », indique Khalid Lahraoui, directeur du capital humain, diversités et engagements citoyens d’Accenture France Benelux.

Depuis plus de dix ans, Accenture s’engage en faveur de la diversité, en s’appuyant sur le soutien, total et pro-actif, du président (Christian Nibourel, président d’Accenture France et Bénélux) et du comité exécutif, en y associant la gouvernance et en relayant le message et les actions auprès de toutes les populations de l’entreprise. « Nous sommes convaincus qu’une entreprise ne peut bien se porter que si son écosystème économique, environnemental et social se porte bien lui aussi », souligne Khalid Lahraoui.

Soucieuse d’être le reflet de notre société et de ses clients, Accenture mise donc sur la diversité des parcours académiques, des expériences, des genres, de l’orientation sexuelle ou religieuse… « On ne peut pas innover, créer, trouver des solutions nouvelles, en faisant du clonage, dit-il. Nous devons diversifier nos talents et aller les chercher partout où ils se trouvent. C’est pour cela que la diversité est aussi ancrée dans l’ensemble de nos processus RH ».

Pour ce faire, Accenture a mis en place des dispositifs concrets, fruit des réflexions menées par un comité qui se réunit une fois par mois et qui est composé d’un représentant de chaque entité de l’organisation. « Une fois que nous avons donné l’impulsion au niveau de l’exécutif, il faut généraliser la démarche à tous les échelons de l’entreprise », remarque Khalid Lahraoui.

Premier exemple d’action, en faveur de la diversité sociale : depuis deux ans, la Fondation Accenture accompagne des sociétés dans le cadre du mécénat de compétences. Ainsi, le cabinet de recrutement et de conseil en ressources humaines Mozaïc RH a-t-il bénéficié de 200 jours/homme. « D’une part, nos consultants interviennent chez eux pour du conseil en organisation. D’autre part, Mozaïk RH nous accompagne dans nos démarches de recrutement en nous présentant des profils issus des quartiers. Nous sommes actuellement en discussion avec une quinzaine de candidats proposés par ce cabinet », explique Khalid Lahraoui.

Autre axe d’action : le handicap. Accenture, qui signait, en 2014, un accord handicap avec les partenaires sociaux, vient de procéder au recrutement d’une dizaine de personnes en situation de handicap, dans le cadre d’un partenariat avec différentes écoles pour le développement d’un programme de formation en ingénierie-système d’information.

Troisième sujet sur lequel s’investit Accenture : l’orientation sexuelle. « Les personnes LGBT (ndlr : lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) représenteraient 6 % de la population française : nous pensons être aussi représentatifs de la société au sein des équipes d’Accenture », estime Khalid Lahraoui. Pour sensibiliser l’ensemble des collaborateurs, un guide pratique, destiné aux managers, est en cours de conception avec le concours de L’Autre Cercle. « L’objectif n’est pas de forcer quiconque à faire son coming out. Mais de faire tomber les stéréotypes et de faire en sorte que les talents se révèlent tels qu’ils sont », pointe Khalid Lahraoui.

Quatrième sujet sur la diversité abordé par Accenture (parmi les 9 segments diversité sur lesquels Accenture porte son attention) : la parité. « A compétences, expérience et parcours académique équivalents, il ne doit pas y avoir de différence de traitement, en matière de rémunération ou de promotion, entre un homme et une femme », rappelle Khalid Lahraoui. Là aussi, Accenture a mis en place divers dispositifs (formation, coaching, programme de vigilance…) pour changer la donne.

« Sur tous ces sujets, nous n’en ferons jamais assez trop, insiste Khalid Lahraoui. La diversité, c’est avant tout une question d’acquisition et de développement des talents. Pour la performance, la croissance et la profitabilité de l’entreprise ».

Julie Le Bolzer

En savoir plus sur http://business.lesechos.fr

Musulmans : la réalité des discriminations au travail

A CV équivalent, un Français d’origine extra-communautaire a entre deux et trois fois moins de chances d’être convoqué à un entretien d’embauche lorsqu’il est perçu comme musulman plutôt que chrétien. Quels sont les ressorts de cette discrimination ? Comment la combattre, alors que la diversité apparaît bénéfique pour l’entreprise ?
Par Marie-Anne Valfort, membre associé à PSE-Ecole d’économie de Paris et maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

 Coexister2

Spécialiste des questions sociales, Marie-Anne Valfort analyse la réalité des discriminations dans l’entreprise, dont sont victimes les musulmans, et leur impact, y compris sur la bonne marche des entreprises.

Quelle est l’origine de vos recherches sur l’intégration des immigrés musulmans dans les sociétés occidentales et notamment en France ?

En 2008, un testing sur CV mené en interne par le groupe Casino a montré que les Français d’origine extra-communautaire (asiatique, africaine, maghrébine) sont systématiquement discriminés par rapport aux Français d’origine française . Cependant, l’intensité de la discrimination qu’ils subissent semble très dépendante de la région dont ils sont issus. Ainsi, des trois origines précitées, c’est l’origine maghrébine qui est la plus discriminée. Ce statut particulier des candidats d’origine maghrébine suggère que ce n’est pas seulement l’origine extra-communautaire qui est source de discrimination de la part des recruteurs. L’appartenance probable à la religion musulmane du Français d’origine maghrébine (le Maghreb étant à forte majorité musulmane) semble constituer un handicap de plus pour lui.

C’est cette hypothèse que j’ai voulu tester avec deux collègues américains, Claire Adida (Université de San Diego) et David Laitin (Université Stanford). Nous avons ainsi lancé en 2009 un programme de recherche financé par la National Science Foundation dont l’objectif était de répondre aux deux questions suivantes: 1  les individus sont-ils plus discriminés lorsqu’ils sont perçus comme musulmans plutôt que chrétiens? 2 si oui, quels sont les ressorts de cette discrimination?

Les musulmans sont-ils discriminés simplement parce qu’ils sont musulmans ?

La réponse est « oui », malheureusement. En 2009, nous avons mené un testing sur CV qui était le premier à tester l’existence d’une discrimination en raison de la religion. Plus précisément, afin de pouvoir attribuer d’éventuelles différences de taux de réponse entre les candidats fictifs de notre testing à leurs seules différences d’affiliation religieuse, nous avons assigné à ces candidats le même pays d’origine (le Sénégal). Notre testing sur CV nous a permis de conclure que l’appartenance supposée à la religion musulmane plutôt qu’à la religion chrétienne est un facteur important de discrimination sur le marché du travail français. Ainsi, à CV équivalent, un Français d’origine extra-communautaire (sénégalaise en l’occurrence) a entre 2 et 3 fois moins de chances d’être convoqué à un entretien d’embauche lorsqu’il est perçu comme musulman plutôt que chrétien.

Quels sont les ressorts de cette discrimination ?

Afin d’identifier ces ressorts, nous avons conduit une enquête auprès de 500 ménages d’origine sénégalaise vivant en France, dotés des mêmes caractéristiques de départ à leur arrivée en France, à l’exception de leur religion (une partie de ces ménages est chrétienne, l’autre est musulmane). Nous avons également organisé des « jeux expérimentaux » durant lesquels des Français sans passé migratoire récent ont interagi avec des immigrés d’origine sénégalaise chrétiens et musulmans. La combinaison de ces données met en lumière un cercle vicieux qui peut se décrire comme suit :

Les musulmans diffèrent par rapport à leurs homologues chrétiens (et a fortiori par rapport aux Français sans passé migratoire récent) en fonction de leurs normes religieuses et de leurs normes de genre : ils attachent plus d’importance à la religion et ont une vision plus traditionnelle des rôles qui incombent aux hommes et aux femmes ;

Ces différences culturelles constituent une source de discrimination de la part des employeurs qui craignent, en recrutant un candidat musulman, d’être confrontés à plus de revendications à caractère religieux mais aussi à plus de conflits entre salariés de sexe différent. Mais ces différences culturelles alimentent également une discrimination moins rationnelle de la part des Français sans passé migratoire récent dans leur ensemble. Ces derniers font en effet l’amalgame entre « attachement plus fort à la religion » et « rejet de la laïcité » et entre « vision plus traditionnelle des rôles qui incombent aux hommes et aux femmes » et « oppression des femmes ». En d’autres termes, ils perçoivent la présence des musulmans comme une menace culturelle susceptible de remettre en cause au moins deux grands principes auxquels ils sont particulièrement attachés : l’indépendance du politique par rapport au religieux et l’égalité hommes-femmes. Cet amalgame amène les Français sans passé migratoire récent à se montrer moins coopératifs à l’égard des personnes qu’ils perçoivent comme musulmanes, y compris lorsqu’ils ne s’attendent à aucune hostilité particulière de la part de ces personnes au moment où ils interagissent avec elles ;

Les musulmans perçoivent plus d’hostilité de la part des Français sans passé migratoire récent que ne le perçoivent leurs homologues chrétiens. Cette perception ne les incite pas à gommer les différences culturelles qui les séparent de leur société d’accueil, et les pousse au contraire à souligner ces différence s: ces différences se creusent d’une génération d’immigrants à l’autre plus qu’elles ne s’estompent ;

Cette tendance au repli des musulmans exacerbe à son tour la discrimination qu’ils subissent en France.

Comment lutter contre les discriminations à l’égard des musulmans sur le marché du travail ?

Il est essentiel que les entreprises forment leur personnel à la non-discrimination. L’objectif de ces formations est double. Elles consistent à expliquer aux participants les biais décisionnels (goût pour l’entre-soi, recours aux stéréotypes…) qui engendrent la discrimination, et à les convaincre de la nécessité de résister à ces biais. Car la lutte contre les discriminations, notamment ethno-religieuses, est bénéfique pour la performance de l’entreprise.

D’abord parce qu’elle permet de réduire son risque juridique. La discrimination à raison de l’origine et de la religion est en effet illégale et sanctionnée, si elle est prouvée, d’amendes élevées. Pour que cette menace de la sanction soit crédible et donc amène les entreprises à limiter leurs comportements discriminatoires, il faudrait instaurer un contrôle accru de leurs pratiques de recrutement. Ainsi, on pourrait imaginer qu’une institution publique telle que le Défenseur des droits se lance dans des opérations de testing à la fois plus fréquentes et plus systématiques. Le discours de Manuel Valls du 6 mars 2015 sur « La République en actes » va d’ailleurs dans ce sens.

La lutte contre les discriminations, bénéfique pour l’entreprise

Par ailleurs, l’engagement dans la lutte contre les discriminations ethno-religieuses permet à l’entreprise de s’afficher comme socialement responsable, un « plus » pour attirer les investisseurs. Mais encore faut-il que l’entreprise puisse mesurer sa diversité ethno-religieuse afin de se fixer des objectifs visant à l’améliorer. Si des progrès ont pu être réalisés au cours des dernières années en termes d’égalité hommes-femmes ou d’intégration des personnes handicapées dans l’entreprise, c’est précisément parce que la proportion de femmes et de personnes handicapées a été mesurée et considérée par certaines entreprises comme un indicateur de performance à part entière.

Il est donc essentiel que l’entreprise puisse collecter, avec le soutien de la Cnil , des données objectives au moins sur la nationalité et le lieu de naissance des salariés et de leurs parents. Ce n’est qu’à cette condition que l’entreprise pourra communiquer sur la représentativité de la composition ethno-religieuse de ses salariés par rapport à la zone d’emploi dans laquelle elle est située (l’information sur l’origine nationale des habitants de la zone d’emploi et de leurs parents est disponible via l’enquête Emploi (INSEE) depuis 2005)… Et qu’elle sera donc incitée à s’engager de manière active dans des politiques visant à améliorer cette représentativité.

La diversité, un levier de performance

Enfin, il est important de rappeler aux entreprises que les rares études qui ont réussi à estimer l’impact de la diversité ethno-religieuse des équipes sur leur productivité ont pour l’instant montré que cet impact est positif. La diversité ethno-religieuse est un levier de performance pour l’entreprise car elle permet la mise en commun d’un ensemble de compétences et d’expériences plus riches. Encore faut-il que l’ensemble des salariés et managers de l’entreprise réservent un bon accueil aux nouvelles recrues issues de la « diversité ». On peut douter que le simple fait de suivre des formations à la non-discrimination suffise à atteindre cet objectif. Pour être efficaces, ces formations devraient être accompagnées de la démonstration, par le top management, de son engagement dans les politiques de promotion de la diversité ethno-religieuse. A ce titre, on ne peut qu’encourager les grandes entreprises à montrer l’exemple en se dotant de comités exécutifs et conseils d’administration plus représentatifs de la diversité ethno-religieuse de notre pays.

Marie-Anne Valfort  | 

Pour en savoir plus : http://www.latribune.fr

Un MBA pour améliorer le management des religions

MBADiversitéDialogueManagement

Partant du constat que les religions pèsent de plus en plus dans l’entreprise, le MBA « Diversité, dialogue et management » de l’Institut catholique de Paris (ICP), unique en son genre, propose d’étudier les principaux courants religieux et culturels, et de mieux les comprendre afin d’améliorer le management.

C’est le doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’ICP, Thierry-Marie Courau, qui en a eu l’idée dès 2010. A l’époque, on s’interrogeait sur les moyens d’intégrer « la diversité ». Depuis, le débat s’est déplacé sur les religions, notamment sur l’islam. L’ICP, qui a créé une formation des imams aux valeurs de la République, s’estime particulièrement bien placé sur ces questions. « L’idée du MBA est que, pour manager par le dialogue, il faut comprendre comment se comporter avec des personnes de cultures et de religions différentes, souligne Thierry-Marie Courau, ingénieur à l’origine, devenu franciscain et professeur de bouddhisme. Pour cela, nous nous appuyons sur nos recherches et nos ressources pédagogiques. »

Tous horizons

Cette année, ce MBA accueille dix personnes, de toutes confessions et de tous horizons – le directeur de communication d’un groupe, une directrice d’école enseignant le français langue étrangère (FLE), un psychologue spécialisé dans l’interculturel… Certains participants veulent se réorienter et rejoindre, par exemple, les pôles diversité d’entreprises ou de métropoles. « Nous pourrions aller jusqu’à 15 étudiants, mais pas plus, explique Anne-Sophie de Quercize, la directrice du MBA,car nous assurons un tutorat très approfondi pour aider chacun à affiner son projet et à trouver des stages qui lui correspondent. »

La formation débute par quatre semaines de cours sur les sept grands courants – christianisme, judaïsme, islam, bouddhisme, hindouisme, traditions asiatique et africaine. Puis l’étudiant part en immersion pendant trois semaines pour découvrir une autre religion au quotidien : à la rencontre d’une confrérie soufie au Maroc, dans un ashram indien ou dans un monastère bouddhiste. De retour à Paris, il enchaîne avec cinq séminaires de trois jours, animés par des professionnels, sur des questions concrètes – juridiques notamment – qui se posent dans l’entreprise. Le programme s’achève par un stage de trois à six mois dans une organisation ayant trait à la diversité.

En raison de l’actualité récente, les responsables du MBA ont vu affluer les demandes de renseignements et de formations spécifiques. Le ministère de la défense les a, par exemple, sollicités « afin d’expliquer la laïcité à ses cadres à travers le prisme historique ».

 

En pratique

Conditions d’entrée : bac + 4

Langue : français

Coût : entre 2 500 euros et 4 800 euros suivant les revenus, 7 020 euros en formation continue

Temps de formation : 400 heures sur un an, possibilité d’avoir un certificat si l’on suit les cinq séminaires de trois jours chacun.

 

Pour en savoir plus : http://campus.lemonde.fr/

Le sens des mots

Je reconnais au Premier ministre le mérite d’avoir décrit une réalité de l’immigration souvent minorée ou même déniée. Manuel Valls a eu raison de parler de « misère sociale », de « ghetto », de « relégation périurbaine », de « misère sociale », auxquelles « s’additionnent les discriminations quotidiennes parce que l’on n’a pas le bon nom de famille, la bonne couleur de peau ». Tout ceci existe, c’est la réalité quotidienne de millions de Français, et même des « immigrés » les mieux intégrés.

Il fallait enfin poser le diagnostic et admettre la réalité. C’est un premier pas encourageant pour la classe politique française qui, depuis des décennies, a refusé d’admettre les immenses problèmes liés à l’intégration. Ce refus est d’autant plus scandaleux qu’il est le résultat, soit d’une naïveté méprisante, soit d’une mauvaise conscience ou encore d’une méconnaissance coupable. Espérons que ces déclarations soient une étape franchie, un acquis sans retour pour qu’enfin, les gouvernements puissent agir concrètement sans fausse pudeur ou mystifications paralysantes.

Pourtant, il faut reprocher au même Premier ministre l’emploi d’un mot qui se voulait fort pour décrire cette situation, « l’apartheid », mais c’est un mot faux. En effet, si la situation de certains « quartiers » est très inquiétante et que le sort réservé à une grande partie de la population issue de l’immigration est, à bien des égards, scandaleuse, la France ne connaît pas une situation d’apartheid. Le laisser penser est dangereux.

Dangereux pour la nécessaire sérénité et quiétude qui doit exister entre les Français, quelles que soient leurs origines. Dangereux pour les « minorités visibles » de se laisser cantonner à être perçues comme une population ségrégée. Dangereux car ceux qui dénoncent et luttent contre la société, en dévoyant une idéologie politico-religieuse pour provoquer des actes abjectes, pourraient croire qu’ils sont des héros en puissance. En effet, Nelson Mandela a été pendant des décennies considéré comme un « terroriste » par le pouvoir sud-africain. Ne donnons pas l’occasion à nos terroristes en puissance de croire à un destin de libérateur d’un « peuple ». Ce sont des fous ou des terroristes dangereux qui instrumentalisent la religion pour assouvir leurs pulsions meurtrières.

La France n’est pas une société qui organise et légitime la discrimination et le racisme. Les mots ont un sens. Dire « apartheid » voudrait dire aussi que toutes les personnes issues de l’immigration se retrouvent de l’autre côté d’un mur invisible les séparant des Français d’origine. Ce n’est pas vrai. De la même manière, le Premier Ministre ne peut pas dire que l’intégration n’est pas un « mot qui ne veut plus rien dire ». La France est le pays où les mariages mixtes sont les plus nombreux. L’immense majorité des Français d’origine sont totalement étrangers à l’idée de racisme et, encore plus, à ses pratiques. La France sait que la diversité est une chance pour elle. Et enfin, une grande majorité de Français issus de l’immigration sont la preuve vivante d’une intégration réussie. L’immigration ne se résume pas qu’aux échecs scolaires, à la violence, aux quartiers sensibles, au chômage ou à une pratique religieuse.

Plusieurs acteurs se mobilisent, comme Le club XXIe siècle, pour changer les représentations de la diversité dans la société française. En dix ans, beaucoup de choses ont changé. Certes, pas assez et pas assez vite. Mais les Français issus de la diversité qui sont « visibles » ne sont plus uniquement des sportifs et des rappeurs. Ces Français sont aussi ministres, entrepreneurs, médecins, chercheurs, journalistes, présentateurs à la télévision, élus, hauts fonctionnaires, cadres en entreprise, et tous ceux que l’on ne voit jamais mais qui sont des citoyens honnêtes, travailleurs, fiers.

La France « diversifiée » s’intègre et travaille. Les Français issus de la diversité sont fiers d’être Français à l’image du discours émouvant de Lassana Bathily prononcé lors de la cérémonie où il a été fait français. Les Français issus de l’immigration ont souffert, comme tous les Français, lors des attaques terroristes qui ont fait des victimes françaises comme nous. Nous souffrons aussi parce que nous savons le prix que nous en aurons à payer dans le regard des autres, nous craignons encore plus de préjugés, encore plus de défiance, encore moins d’avenir.

La perte d’espérance est le pire des horizons que l’on puisse imaginer pour un citoyen. Si l’on ajoute à cela les discriminations ethniques ou religieuses, la situation peut devenir hors de contrôle. Il est donc urgent de cesser d’opposer les Français, les uns aux autres. Il ne doit y avoir que des citoyens français, aspirant à vivre ensemble. Encore une fois, le sens des mots est important. Que l’on cesse de parler de musulmans de France ou de juifs de France, mais plutôt de citoyens français de confessions musulmane, juive ou catholique.

Aujourd’hui, le plus important serait de redonner l’espoir, à tout un peuple, d’un avenir meilleur. Dans la difficulté et sans espérance, un peuple se déchire, les tensions croissent, les incompréhensions et les haines surgissent et les violences deviennent possibles.

La France est malade et les Français de toute origine souffrent. La France est malade d’une éducation nationale défaillante pour tous les Français. La France est malade de ses institutions que tous les Français respectent de moins en moins. La France est malade d’un chômage structurel de masse qui touche tous les Français. La France est malade d’une urbanisation impensée et chaotique. La France est malade d’une violence non-maîtrisée.

C’est ensemble que tous les Français doivent construire leur avenir. Les responsables politiques doivent s’attacher à prendre en compte la réalité, rien que la réalité et toute la réalité, sans exagération, sans stigmatisation. Maintenant, ils doivent imaginer les solutions et penser le futur d’une France apaisée, forte et fière de ses valeurs.

Arnaud Dupui-Castérès, Président de Vae Solis Corporate, cabinet de conseil en statégie d’information et communication de crise

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