Des conflits géopolitiques sous couvert de religion

Et si les conflits du Moyen-Orient contemporain n’étaient pas de nature religieuse ? Pour l’historien et économiste libanais Georges Corm, cette approche réductrice de la géopolitique ne sert qu’à légitimer la thèse du « choc des civilisations ». Dans son livre Pour une lecture profane des conflits*, l’universitaire démontre les nombreux mécanismes qui ont permis de légitimer des guerres injustes depuis la fin de la Guerre froide. Une politique qui passe par l’instrumentalisation du religieux.

Par une lecture profane des conflits, entendez-vous vous opposer à la théorie de « choc des civilisations » ?

C’est un retour à la politologie classique, une approche des situations de guerre par une analyse multifactorielle, et non pas par une causalité unique qui serait religieuse, ethnique ou prétendument morale. La thèse du choc des civilisations est, à mon avis, une mise à jour post-moderne de la division du monde entre Sémites et Aryens, qui a provoqué l’antisémitisme effarant ayant mené au génocide des communautés juives d’Europe. Cette thèse perverse empêche de réfléchir sur les causes des conflits. Aveuglée par cette théorie du choc des civilisations, l’opinion publique peut soutenir des entreprises guerrières comme l’invasion de l’Irak, de l’Afghanistan, ou encore les interventions en Libye, en Syrie et très récemment au Yémen.

Au Moyen-Orient, le conflit sunnites-chiites est souvent mis en avant. La religion n’est-elle pas un vecteur de conflit dans cette région du monde ?

Quand le shah d’Iran était en place (1941-1979), sa politique n’était pas différente de celle du régime actuel. Pourtant, personne ne parlait d’opposition entre sunnites et chiites. Des intérêts géopolitiques se jouent aujourd’hui sous couvert de religion. Des enquêtes, publiées notamment dans The New Yorker, montrent que, suite à l’échec de l’invasion de l’Irak, les États-Unis ont décidé de provoquer des troubles entre sunnites et chiites. En créant notamment la notion de triangle chiite  Iran/Syrie/Hezbollah libanais, considéré comme l’équivalent d’un « axe du mal ». C’est très loin de la complexité des réalités de terrain, qui implique les intérêts géopolitiques des régimes turc, qatari, saoudien et israélien. La politique occidentale poursuit une ligne « sunnites contre chiites » sur le plan intérieur, et une vision « monde islamique contre monde occidental » sur un plan plus large. Il s’agit d’une approche fantaisiste : tous les gouvernements des pays musulmans sont dans l’orbite des puissances occidentales à l’exception de l’Iran, qui tente de normaliser ses relations avec les États-Unis.

Pourquoi les problèmes de religion, culture et civilisation sont si souvent invoqués pour justifier les conflits ?

Le Moyen-Orient est l’un des carrefours géopolitiques les plus importants dans le monde. C’est le principal réservoir énergétique. C’est aussi le lieu de naissance des trois monothéismes. Il est très facile d’utiliser les symboles religieux pour couvrir d’un voile les enjeux profanes purement politiques, militaires, économiques et autres désirs de puissance et d’hégémonie. Le Moyen-Orient est constitué de trois grands groupes ethniques ou nationaux : les Perses iraniens, les Turcs et les Arabes. Iraniens et Turcs ont pu hériter de structures d’empires vieilles de plusieurs siècles. En revanche, les Arabes ont été balkanisés dans diverses entités par les deux colonialismes français et anglais.

À l’heure du nationalisme arabe du président égyptien Nasser (1956-1970), la région était le théâtre d’atmosphères révolutionnaires qui menaçaient les intérêts occidentaux. L’organisation des Frères musulmans a été bien instrumentalisée afin de s’opposer à un panarabisme anti-impérialiste et tiers-mondiste qui entretenait des relations croissantes avec le bloc soviétique. Bien plus, l’instrumentalisation du religieux est devenue quasiment la politique officielle américaine pendant la Guerre froide. Zbigniew Brzezinski, conseiller du président américain Jimmy Carter de 1977 à 1981, a décidé d’organiser la mobilisation religieuse contre l’URSS. Dans l’aberrante guerre d’Afghanistan, en 1979, l’Arabie saoudite a été appuyée et financée par les États-Unis pour entraîner des milliers de jeunes Arabes, qui partaient ensuite se battre en Afghanistan. Al-Qaida est née à ce moment-là. Ces groupes de combattants ont ensuite été transportés en Bosnie, en Tchétchénie, aux Philippines, aujourd’hui dans le Xinjiang chinois… L’instrumentalisation de ces groupes mène à des organisations comme l’État islamique.

Vous parlez bien plus d’un recours au religieux que d’un « retour du religieux », expression que vous dénoncez. Pourquoi ?

Il n’y a jamais eu d’abandon du religieux dans l’Histoire du monde. Parler de retour du religieux est un ethnocentrisme européen poussé à l’extrême. Certes, la petite Europe a été relativement déchristianisée. Mais le reste du monde a conservé des liens importants avec la religion. À commencer par les États-Unis, pays fondé par des colons britanniques puritains. Le « retour du religieux » a été beaucoup invoqué pour dénoncer les dictatures marxisantes. Le philosophe allemand Léo Strauss (1899-1973) se demandait s’il ne fallait pas mieux revenir à des législations de type religieuses, après les malheurs qu’il attribuait exclusivement à la laïcité et la Révolution française, qui auraient d’après lui provoqué les deux Guerres mondiales. Accuser la Révolution française ou les philosophes des Lumières de tous les malheurs du monde est une thèse tout à fait exagérée. Pour moi, l’archétype de la guerre d’extermination, du goulag et du nazisme se trouve dans les guerres de religion.

Le raidissement des dogmes, aujourd’hui, traduit-il une nouvelle crise religieuse ?

Il ne faut pas tomber dans le piège des mouvances terroristes actuelles. Elles se réclament de trois théologiens politiques musulmans : Ibn Taymiyya (1263-1328), emprisonné par le sultan pour son extrémisme religieux ; le Pakistanais Abul a’la-Maududi (1903-1979), qui a justifié la sécession sanglante des Indiens de confession musulmane ayant donné lieu à la création de « l’État des purs » (ou Pakistan) ; et le Frère musulman égyptien Sayyid Qutb (1906-1966) qui a considéré tous les régimes politiques arabes comme « hérétiques » parce que ne respectant le principe d’une souveraineté absolue de Dieu sur les hommes. Mais la théologie musulmane, vieille de plus de treize siècles, va bien au-delà de ces trois noms et les théologiens « libéraux » sont très nombreux. Je pense qu’il y a aujourd’hui une crise des monothéismes, à cause de la manipulation du religieux. Concernant l’islam, la croyance wahhabite a été largement condamnée par la plupart des théologiens musulmans qui la considèrent beaucoup trop extrémiste. À l’origine, cette doctrine est née au XVIIIe siècle d’une simple alliance entre le prédicateur Abd al-Wahhab et la famille al Saoud aux ambitions politiques très grandes. Quand, dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’Arabie saoudite a atteint une puissance pétrolière et financière importante, le wahhabisme s’est exporté tous azimuts.

Quel rôle joue l’instrumentalisation de la mémoire dans la gestion des conflits ?

Les musulmans restés fidèles au concept de « religion du juste milieu » sont marginalisés. Aujourd’hui, les médias et les chercheurs ne s’intéressent plus à la sociologie des sociétés arabes, turques, perses… Ils se consacrent à l’étude des réseaux islamistes. C’est un islam abstrait, une méga-identité qui ne veut rien dire mais sert à stimuler cette idéologie du conflit des civilisations. On retrouve le même type de crispation, en ce qui concerne le judaïsme. De très nombreux citoyens européens ou américains de confession juive n’approuvent pas la politique d’Israël. Des groupes de religieux, comme Neturei Karta, ne reconnaissent même pas la légitimité de l’État israélien. Mais ils sont totalement marginalisés dans les médias et la recherche académique. Une autre manipulation de la mémoire est le passage de la notion d’Occident gréco-romain à la notion d’Occident judéo-chrétien. Ce coup d’État culturel n’a pas beaucoup de sens, car le christianisme s’est construit contre le judaïsme. Cette opération est destinée à réparer le traumatisme causé par l’Holocauste.

Alors que le XXe a vu, pendant un temps, triompher une vision laïque de l’ordre international, comment la religion a-t-elle pu opérer un tel retour en force ?

Jusqu’aux années 1970, la vie internationale était laïque. Les pays non-alignés basaient leur discours sur le rapport avec les deux grandes puissances. La préoccupation était le développement économique et social, l’appropriation des sciences et les technologies. Tout a basculé avec la Guerre froide. L’extension du marxisme dans les rangs de la jeunesse arabe dans les années 1950-60 était très impressionnant. De quoi inquiéter les milieux militaires et politiques occidentaux. En cherchant à réislamiser les sociétés musulmanes, la doctrine Brzezinski entendait que leurs préoccupations ne soient plus économiques ou sociales, mais théologiques.

Pourquoi la laïcité a-t-elle échoué dans le monde arabe et musulman ?

Je n’aurais pas un jugement aussi abrupt. De très larges pans de laïcité subsistent dans des pays comme la Turquie ou la Tunisie. La Syrie et l’Irak étaient largement laïcisés eux aussi. Tout comme l’Égypte dans les années 1940-1950. Il n’y a pas non plus de recul absolu. Heureusement, il existe encore des millions de musulmans arabes sans comportement religieux ostentatoire. Mais l’échec complet de l’industrialisation est associé à une expansion démographique effarante. Devant l’incapacité de trouver un emploi, la mosquée devient attirante. Toutes les ONG islamiques ont fleuri grâce au financement des monarchies et émirats du Golfe. Elles ont distribué des aides sociales, conditionnées par l’adoption d’un mode de vie religieux.

Les médias et intellectuels occidentaux ont-ils joué un rôle dans cette « réislamisation » ?

Les politologues occidentaux ont donné une crédibilité islamique à des gens comme Ibn Taymyya ou Sayyid Qutb, ainsi que Ben Laden et le soi-disant « État islamique ». Vouloir expliquer des phénomènes comme les attentats du 11 septembre 2001 ou celui de Charlie Hebdo par la religion musulmane ne fait qu’amplifier le malaise. Les organisations terroristes doivent être considérées comme telles. Si vous mobilisez des savoirs soi-disant académiques pour justifier leurs actes par la théologie musulmane, vous jouez dans leur camp et renforcez leur crédibilité. S’est-on penché sur les textes marxistes pour expliquer les crimes d’Action directe, ou de la bande à Baader ou le goulag ? Chercherions-nous dans les Évangiles une justification des Croisades ou du génocide des Indiens d’Amérique ? Non.

Pensez-vous qu’il est possible de sortir de ce cercle vicieux ?

Je ne suis pas très optimiste. À partir du moment où les médias américains et européens appellent Daesh « l’État islamique », le terrorisme s’accroît. En luttant contre Ben Laden, longtemps allié des États-Unis, on en a fait un grand héros, avec un retentissement médiatique hors-pair. Deux pays souverains ont été envahis en déployant des moyens militaires absurdes. D’autant plus que l’Irak était considéré par Ben Laden comme un État mécréant à détruire. Et ça continue avec le drame syrien. On a décidé de diaboliser Bachar el-Assad, sous prétexte de réduire un dictateur qui n’est pas dans le sillage géopolitique de l’Occident. Tout en affirmant, à côté, que des organisations comme le Front al-Nosra, pourtant classé comme terroriste, font du bon travail en Syrie. Au Yémen, on recommence à bombarder les Houthis sous prétexte qu’ils sont soutenus par l’Iran et qu’ils appartiennent à l’une des nombreuses branches du chiisme. Ces folies coûtent des milliards de dollars aux contribuables européens et américains. Comment arrêter cette machine ? Depuis 2001, il n’y a aucune demande de comptes dans les pays occidentaux. Il est temps que les démocrates se réveillent pour demander que cela cesse.

Propos recueillis par Matthieu Stricot – publié le 22/07/2015

(*) Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits : sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient, Paris, La découverte, 2015, 11 €.

Du même auteur : Pensée et politique dans le monde arabe : contextes historiques et problématiques, XIXe-XXIe siècles, Paris, La Découverte, 2015, 23 €.

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Charleston : «Nous ne sommes pas guéris du racisme», estime Barack Obama

BarackObama

Quelques jours après la fusillade dans laquelle neuf Noirs ont été abattus par un jeune suprématiste blanc en Caroline du Sud, Barack Obama a évoqué sans mâcher ses mots l’ombre de la ségrégation qui pèse toujours sur la société américaine, n’hésitant pas à utiliser le mot tabou, «Nigger» (nègre).

Advertisement«Nous ne sommes pas guéris du racisme»: quelques jours après la fusillade dans laquelle neuf paroissiens noirs et leur pasteur ont été abattus par un jeune suprématiste blanc à Charleston (Caroline du Sud), Barack Obama a choisil’émission de radio «WTF with Marc Maron» , lundi matin, pour évoquer «l’ombre» de la ségrégation qui pèse sur la société américaine. Et le président américain n’a pas mâché ses mots, expliquant que l’absence d’un langage raciste ne signifie pas qu’il n’y a plus de racisme, utilisant à dessein le mot «Nigger» (nègre) pour marquer les esprits : «Ce n’est pas seulement la question de ne pas dire ‘nègre’ en public parce que c’est impoli, ce n’est pas à cela que l’on mesure si le racisme existe toujours ou pas», a expliqué le premier président noir des États-Unis.

«Les sociétés n’effacent pas complètement, du jour au lendemain, ce qui s’est passé deux ou trois cents ans plus tôt», a poursuivi Obama. «L’héritage de l’esclavage, des (lois de ségrégation raciale instaurées en 1876) Jim Crow, de la discrimination dans presque tous les compartiments de nos vies, cela a un impact durable et cela fait toujours partie de notre ADN», a-t-il ajouté, estimant toutefois que les relations raciales «se sont sensiblement améliorées»: «Je dis toujours, aux jeunes en particulier, ne dîtes pas que rien n’a changé sur les races aux Etats-Unis, à moins que vous ayez vécu en tant qu’homm noir dans les années 1950 ou 1960 ou 1970. Il est indéniable que les relations raciales se sont améliorées de manière significative au cours de ma vie et la vôtre.»

Déclaration «audacieuse» pour les uns, «indigne» de son statut de président pour les autres… L’utilisation du terme «Nigger» a très vite fait les gros titres des sites d’informations et des émissions de télévision, la plupart se refusant à écrire le mot tant controversé en toutes lettres, lui préférant l’expression «N-word»… voire le remplaçant par un bip,comme la chaîne conservatrice Fox News.

Par Anne-Laure Frémont

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L’islam est-il une religion violente ?

Croisades
L’islam n’a pas l’apanage de la violence. Les guerres de religion, les guerres coloniales et les guerres civiles ont été menées, elles aussi, au nom d’une croyance religieuse et d’une idéologie politique. Ce tableau représente l’armée de Saladin, qui, en 1187, défait les armées chrétiennes et reprend Jérusalem. Le siège du royaume de Jérusalem est installé à Saint-Jean-d’Acre en 1229.
En raison d’événements géopolitiques saillants qui, depuis des décennies, dominent l’actualité du monde musulman (Révolution iranienne de 1978, décennie noire algérienne, 11-Septembre, État islamique, etc.), mais aussi à cause de toute une série de biais et de deux poids-deux mesures dans la couverture médiatique et le discours politique sur l’islam, deux notions négatives sur cette religion et ses croyants se sont cristallisées dans les opinions publiques occidentales ainsi que dans de larges segments des pays à majorité musulmane, à commencer par leurs élites et diasporas libérales-sécularistes.Première notion : l’islam serait par essence une « religion de haine » qui favoriserait la violence, ou du moins qui l’encouragerait ou la tolérerait plus que les autres religions. Une grande partie de l’excitation théologique qui agite aujourd’hui nos politiciens et têtes islamiques pensantes autour d’une « réforme islamique » présentée comme urgente semble en fait largement déterminée par ce stéréotype, auquel certains, y compris parmi les meilleurs, semblent désormais céder.En France, grande est en effet la peur de ne pas passer pour un bon musulman bien républicain, bien « modéré » et bien « intégré » si l’on n’a pas le discours politiquement correct que l’Etat et ses pseudo-laïcs attendent de vous.Seconde idée, si implantée dans les esprits que l’on ne songe même pas à la vérifier : la majorité (et pour beaucoup, la quasi-totalité) des attaques terroristes dans le monde serait le fait de « jihadistes islamistes » agissant au nom de l’Islam ou de l’idée qu’ils s’en font (Al Qaïda, ISIS, « loups solitaires » ou cellules semi-autonomes à la Mohammed Merah, Frères Kouachi, etc.). Nous avons affaire ici à un consensus idéologique qui vire à un quasi-unanimisme à l’évidence éminemment néfaste pour tous les musulmans.Cette doxa délétère structure les perceptions et opinions publiques vis-à-vis de l’Islam et de ses pratiquants, souvent d’ailleurs aussi chez les musulmans eux-mêmes. Mais elle détermine également de plus en plus les politiques publiques dans un sens liberticide : surveillance-espionnage des mosquées, politiques de « contre-radicalisation », efforts étatiques d’ailleurs anti-laïques, pour forger un « Islam de France » afin de réguler, y compris théologiquement, une religion perçue comme dangereuse, récente loi renseignement,etc. Le tout dans l’hystérie et la paranoïa collective la plus complète, dans une atmosphère de panique morale médiatiquement et politiquement organisée autour d’une prétendue « menace islamiste » qui ressemble de plus en plus à une de ces orwelliennes politiques de la peur bien connues, fort pratiques pour le contrôle des populations, et calquée sur les précédentes : « Menace Rouge » (la « Red Scare » de la Guerre froide), « complot judéo-bolchévique » ou, plus récemment, « armes de destruction massive » (non existantes) de Saddam Hussein justifiant l’invasion de l’Irak.

Le problème ? Les notions sur lesquelles reposent ces perceptions collectives et entreprises politiques sont toutes factuellement fausses, sur le plan tant historique que contemporain.

Un mythe que chacun peut empiriquement démentir

Première observation : avec 1,6 milliard de musulmans dans le monde, 23 % de la population globale, si l’islam était cette religion de haine et de « barbarie » que ses opposants nous décrivent à longueur de journée, ce n’est pas une poignée d’« États faillis » (Irak, Syrie, Libye, Yémen, Nigéria) qui seraient à feu et à sang, mais l’ensemble de la planète.Force est de constater que si cette religion propage un message de haine, de violence et d’intolérance, alors, bizarrement, la quasi-totalité de ses fidèles ne semble curieusement pas entendre ce supposé message, puisqu’ils restent à 95 % ou plus parfaitement non violents.Sans même aller dans la recherche sur ce sujet (qui existe bel et bien, surtout dans le monde anglo-saxon), faites le test autour de vous : prenez tous vos collègues musulmans, amis, membres de la famille, amis de la famille, tous ceux et celles que vous connaissez de près ou de loin. Combien sont religieusement violents, combien sont terroristes ? On prend le pari : pas un(e) seul(e). Fait aisément observable qui s’applique d’ailleurs non seulement aux musulmans occidentaux mais à ceux dans les autres parties du monde, y compris la zone Afrique du Nord – Moyen-Orient.

Un mythe également démenti par l’Histoire

Dans une perspective plus objective et historique, il n’existe aucune preuve que l’islam et ses civilisations aient été plus violentes et « barbares » que, par exemple, l’Occident chrétien. A vrai dire, cela a, la plupart du temps, été le contraire.Il n’est que de rappeler l’histoire ultraviolente du catholicisme européen, avec son cortège ininterrompu d’atrocités à grande échelle, ses croisades, saintes inquisitions, massacres sans fin de juifs et autres chrétiens (Templiers, etc.), ses guerres de religion seiziémistes (70 000 tués, tous chrétiens massacrés par d’autres chrétiens) et ses entreprises coloniales aux quatre coins de la planète, des Amériques à l’Asie en passant par l’Afrique, avec leurs cohortes de massacres de masse, dont l’immense majorité reste à ce jour inconnus du grand public mis à part les quelques cas médiatisés comme Sétif.Le tout accompli par des États bien évidemment non islamiques, tant monarchiques que républicains, tant religieux que séculaires, mais avec à chaque fois les Églises chrétiennes présente pour stimuler et justifier ces horreurs, au nom de Dieu.Un exemple : quand les croisés européens capturèrent Jérusalem le 10 juillet 1099 (sur ordre du pape Urbain II et au nom de la chrétienté) , ils massacrèrent les populations juives et musulmanes, hommes, femmes et enfants, souvent après les voir torturés et coupés en morceaux, faisant des piles de têtes, jambes, pieds et mains, comme ils s’en vantent dans leurs propres récits, allant même jusqu’à remercier Dieu de leur avoir permis de massacrer les infidèles jusque dans leurs temples et mosquées, où, dit l’un d’eux, « nos chevaux pataugèrent dans le sang jusqu’aux genoux ».Par contraste, quand Saladin reconquiert Jérusalem le 2 octobre 1187, il ne commet, lui, aucun massacre de civils, épargne les populations juives et chrétiennes, et leur donne même une escorte militaire musulmane pour les accompagner jusqu’aux côtes de la Syrie et de la Palestine afin de les protéger contre des attaques de tribus locales, bandes de brigands ou marchands d’esclaves.

Plus tard, tout au long des XIXe et XXe siècles, les nations de l’Occident chrétien se distinguent par une compétition coloniale de nature impérialiste, dont l’ampleur planétaire, la durée et la brutalité restent sans équivalent dans le monde islamique, lui-même d’ailleurs objet de cette colonisation. Et en France, ces guerres de conquête, exemples types de pure « barbarie », sont bel et bien menées par et au nom de la République et de la chrétienté (la fameuse « mission civilisatrice » qui imprègne toujours les esprits de si nombreux laïcards anti-voile), avec, partout, la participation active des Églises catholiques et protestantes qui voient dans les populations africaines, asiatiques ou amérindiennes, toutes conçues comme « arriérées », autant d’opportunités d’évangélisation.

Et cette histoire-là, loin d’être ancienne, ne se termine qu’en 1962 avec l’indépendance algérienne.

Plus généralement, c’est tout le XXe siècle qui infirme la thèse d’un Islam « religion violente ». En effet, parmi les pires atrocités historiques qui pullulent tout au long de ce siècle de sang, et elles furent nombreuses, la quasi-totalité fut commise non pas par des populations musulmanes au nom de l’islam, mais par les États et peuples occidentaux.

Première et Seconde Guerres mondiales. Fascisme. Nazisme. Hitlérisme. Stalinisme. Maoïsme, et on en passe. Aucune de ces horreurs ne fut déclenchée et perpétrée par des musulmans au nom d’Allah. Toutes furent, au contraire, commises par des athées, des agnostiques ou des chrétiens. Rappelons-le encore et toujours : chaque fois que l’on propage ce mensonge d’un Islam-religion-plus-violente : l’Holocauste ne fut pas le fait de musulmans et n’eut pas lieu au Moyen-Orient, mais bien au cœur de l’Europe chrétienne.

Qui plus est, toutes ces tragédies furent bel et bien accomplies non seulement par des régimes et populations européennes (ou asiatiques dans le cas de Mao ou de Pol Pot et de ses khmers rouges) non musulmanes, mais elles le furent au nom d’idéologies qui n’avaient rien à voir avec l’islam : « mission civilisatrice » de la IIIe République, celle de Jules Ferry ; supériorité de la « race aryenne » et nécessité du Lebensraum (l’ « espace vital » du IIIe Reich) ; chrétienté (on oublie trop souvent que, par exemple, la Première Guerre mondiale eut une très forte dimension de guerre religieuse, de guerre sainte, chacun clamant que Dieu était de son côté) ; idéologies athées marxistes-léninistes, etc.

Le mythe actuel selon lequel l’islam a toujours été et reste une religion particulièrement toxique et violente, en tout cas beaucoup plus que les autres idéologies religieuses (ou pas), était déjà un mensonge au Moyen Âge. Il reste un mensonge tout au long du XIXe siècle colonial et du XXe siècle. Il ne saurait perdurer en plein XXIe siècle.

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Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.

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Le bio halal s’implante doucement en France

Apparue aux Etats-Unis, la viande halal bio est disponible depuis quelques années en France. S’il n’y a pas de véritable engouement des consommateurs musulmans, ce secteur de niche attire un noyau de fidèles qui devrait s’élargir dans les années à venir. Entretien avec des pionniers.


Le bio halal s’implante doucement en France
Double certification. Depuis quelques années, les musulmans de France peuvent consommer de la viande halal et issue de l’agriculture biologique. Un marché encore très modeste, mais qui a un « vrai potentiel » dans l’Hexagone, estime Hadj Khelil, le fondateur de la marque Tendre France, et pionnier des produits carnés halal et bio en France. La tendance est apparue dans les années 2000 aux Etats-Unis. Actuellement, le marché du bio halal prend de l’ampleur outre-Atlantique. Il a aussi gagné le Royaume-Uni et d’autres pays d’Europe occidentale. Ceux qui se sont lancés dans le créneau estiment que l’industrie du halal est uniquement préoccupée par la façon dont meurt l’animal, et non de la façon dont il vit. Or manger halal, c’est manger sain, affirment-ils. Le marché est porté grâce au développement d’une classe moyenne parmi les populations musulmanes. Dotée d’un pouvoir d’achat plus important, cette dernière veut avoir accès à des produits de meilleure qualité que ceux qui sont généralement proposés. Car, aux Etats-Unis comme en France, par souci de coût, le halal est souvent le parent pauvre de l’industrie agroalimentaire.
Hadj Khelil, le fondateur de Tendre France.

Hadj Khelil, le fondateur de Tendre France.

Des débuts difficiles en France

Avec un marché des aliments bio estimé à 8 milliards d’euros en France en 2015 et un marché du halal donné à plus de 5 milliards d’euros depuis plusieurs années, la niche de la niche a aiguisé quelques appétits. Hadj Khelil a été le premier à se lancer sur le créneau. Acteur du bio depuis 2002, avec sa société Bionoor, « c’est de manière naturelle » qu’il est venu à la viande halal et bio. En 2012, il lance Tendre France, une marque de bœuf bio halal – et, depuis peu, une marque de charcuterie –, après trois années de démarches pour obtenir le label auprès de l’organisme Ecocert, pour qui les deux certifications étaient incompatibles. Aujourd’hui, les affaires se portent bien, mais « on est loin de l’explosion à laquelle je m’attendais », explique Hadj Khelil. « La demande est soutenue, régulière, mais bien en-dessous de ce que j’avais anticipé », confie l’entrepreneur, qui enregistre une progression de son chiffre de 10 à 15 % par an. Autre signe d’encouragement, il fournit plus de points de vente et de restaurants en viande halal et bio qu’au lancement de sa marque.
 

Des réticences multiples

Cependant, les résistances sont doubles, analyse le pionnier du bio halal en France. Les bouchers halal rechignent à vendre du bio, d’abord parce que les méthodes de fonctionnement seraient « très fortement bousculées », explique Hadj Khelil. Surtout parce que la viande bio est vendue plus chère que la viande classique, les commerçants « se disent que les clients ne voudront pas payer plus ». La question du coût est « de toute évidence » un frein, reconnaît l’entrepreneur. De fait, les clients ne sont pas toujours prêts à payer plus pour manger mieux. Ou à manger moins, mais mieux. « Les musulmans, statistiquement, sont les plus gros consommateurs de viande par tête, en quantité, mais pas en qualité », rappelle le patron de Tendre France. Mais selon ce dernier, les musulmans sont « emprisonnés dans leurs habitudes », et ils « n’ont pas compris l’intérêt de manger bien ».
Les Jumeaux, Slim et Karim.

Les Jumeaux, Slim et Karim.

« La nouvelle génération se pose des questions »

Un argument que relativise Karim Loumi, responsable avec son frère Slim de la boucherie halal Les Jumeaux, qui ambitionne de devenir 100 % bio. Selon le boucher, il y a une vraie différence générationnelle. Il compte de nombreux musulmans plutôt jeunes dans sa clientèle, davantage sensibilisés aux bénéfices d’une alimentation saine que leurs aînés. « La nouvelle génération se pose des questions », déclare-t-il.Quand ils ont ouvert leur boucherie aux Lilas, en région parisienne, il y a quatre ans, les frères Loumi ne vendaient que de la viande classique, avant de monter en gamme. C’est avec Hadj Khelil que ces pionniers ont pu se lancer dans le marché. Pendant longtemps, ils ont été la vitrine de Tendre France, avant de prendre leur indépendance. Ils continuent à vendre du bœuf halal et bio, mais aussi de l’agneau, du poulet et parfois du veau doublement certifiés, en traitant directement avec les producteurs et en se chargeant des démarches administratives.

Des clients prêts à venir de loin

Si, à leur passage au bio, les bouchers ont bien perdu des habitués à cause de l’augmentation des prix, Les Jumeaux ont gagné beaucoup d’autres clients. Auparavant, 90 % de la clientèle était non musulmane. Aujourd’hui, en gardant le même nombre de clients non musulmans, le rapport est inversé. Par ailleurs, les clients viennent de très loin, attirés par le bouche-à-oreille. En plus de leur clientèle de proximité, des acheteurs musulmans viennent de toute l’Île-de-France, et même parfois d’autres villes de France. Ils ont aussi une grosse clientèle de convertis, fidélisée par la charcuterie halal et maison produite par Karim et Slim, bien meilleure que la charcuterie vendue sous vide dans les supermarchés. Au moment de parler chiffres, Karim reste discret sur le sujet. Il reconnaît tout de même que son chiffre d’affaires a « énormément progressé » depuis qu’il fait du bio. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il s’est lancé dans ce créneau, ni parce que « c’est à la mode ». Le bio, « c’est une vraie démarche », « une nécessité même », assure le boucher, expliquant que « le halal, cela veut dire sain, pas seulement égorgé. C’est un ensemble ».Tous les consommateurs musulmans ne se mettront pas au bio, mais Les Jumeaux devraient encore gagner des clients dans les années à venir. Signe que le secteur attire et semble promis à un bel avenir, Biolal s’est lancé sur le marché avec l’entremise des Jumeaux. La marque, qui appartient à la société Terres fermes, a annoncé au mois de mars la commercialisation de volailles certifiées bio et halal, et « une gamme complète de différentes viandes » dans un avenir proche. Le directeur général de la société Isla Mondial, Karim Acherchour, a également annoncé sur OummaTV avoir réalisé des tests sur des produits bio avec un partenaire certifié par AVS.Lentement mais sûrement, les consommateurs musulmans désireux de manger bio et halal auront une offre plus variée et plus importante à leur disposition.

Rédigé par Christelle Gence | Lundi 9 Mars 2015

Pour en savoir plus : http://www.saphirnews.com

Les français et l’assiette

Pierre Birnbaum est historien et sociologue. Professeur émérite à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, il a publié La République et le cochon (Seuil, 2013). Dans cet ouvrage, il montre combien la question des particularismes alimentaires a suscité des débats passionnés dès avant la naissance de la République française, et analyse de quelle manière l’État, si attaché au principe de laïcité, a envisagé l’exception alimentaire, de la Révolution à nos jours. Une analyse bienvenue, à l’heure où cette question suscite des débats enflammés au niveau politique.

 

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Depuis plusieurs mois, on note dans la vie politique française une crispation sur la question du casher, et surtout du halal. Ce débat est-il spécifique à notre époque ?

Non. Dans mon livre, j’étudie le rapport entre l’universalisme des Lumières au XVIIIe siècle et la spécificité des comportements alimentaires. Ce thème surgit chez celui qui symbolise le plus l’esprit des Lumières : Voltaire. Il se montre hostile à toute forme de séparation interne à la nation – sans qu’il y ait nécessairement une dimension antisémite dans ses propos. La même question rejaillit aujourd’hui : jusqu’où peut-on tolérer l’exceptionnalisme dans notre société ? Avec une crainte sous-jacente : que cela porte atteinte au socle républicain.

Ces polémiques ont-elles affecté les autres pays européens ?

Alors que les philosophes français et les Jacobins ont développé l’idée d’un corps unifié de la nation – homogénéisé par la raison –, les Lumières à l’anglaise se sont ouvertes au pluralisme et au libéralisme. Un événement illustre à merveille cette ouverture des pays anglo-saxons. Le 4 juillet 1788 – jour de la fête de l’Indépendance des États-Unis –, une grande parade a lieu à Philadelphie. La fête s’achève par un immense banquet réunissant des milliers de citoyens. Parmi eux, des rabbins mangent de la nourriture casher, sans que personne ne s’en offusque. Ce qui compte, c’est de participer non à la nation, mais à une « Nation of nations », comme le dit George Washington. Au même moment, en France, les révolutionnaires vont détruire toute forme d’identités collectives : patois, corporations, etc., et rêver d’une table commune à tous les citoyens.

La période de la Révolution affectionne les banquets, propices à l’épanouissement d’un esprit citoyen. Pourquoi ?

Le restaurant est une invention française qui date du XVIIIe siècle. Le député Charles de Villette, proche de Voltaire, se plaît à imaginer un banquet utopique où l’on verrait « un million de personnes assises à la même table (…) ; et ce jour, la nation tiendrait son grand couvert. » C’est le rêve républicain de la réconciliation des différences. Tous ceux qui ne viennent pas manger au banquet de la nation en raison de leurs croyances – même s’ils sont patriotes – posent problème. Dans les pays anglo-saxons, au contraire, la nourriture est une affaire privée. Le repas n’a pas cette dimension collective. S’il est très difficile de savoir avec précision ce qu’on mangeait lors des banquets républicains, le cochon y était partie prenante. De même en ce qui concerne les menus publics des présidents français ou des préfets : aujourd’hui encore, il s’agit bien souvent de mets que des juifs religieux ne peuvent manger.

Des voix se sont-elles élevées contre cette volonté d’uniformisation alimentaire ?

Il faut savoir que les catholiques, bien plus que les juifs, ont souffert de cette intransigeance jacobine. Ceux qui mangeaient du poisson le vendredi risquaient la prison ! Certains catholiques ont donc pris position contre l’universalisme jacobin, en particulier le comte de Clermont-Tonnerre, qui déclara : « Y a-t-il une loi qui m’oblige à manger du lièvre et à en manger avec vous ? » Il milita en faveur de l’émancipation des Juifs, processus qui leur a permis de devenir des citoyens à part entière de la nation française, bénéficiant des mêmes droits que leurs compatriotes. Clermont-Tonnerre s’est opposé à ceux qui considéraient – et ils étaient nombreux – que les Juifs ne pouvaient être émancipés parce qu’ils « ne pourront ni boire ni manger, ni se marier avec des Français ! », comme le clamait le Jacobin Reubell en 1790. L’abbé Grégoire, lui aussi, a défendu l’idée que la fraternité n’était pas incompatible avec le maintien de nourritures distinctes.

En 2012, le Premier ministre François Fillon a qualifié les régimes halal et casher d’« anachroniques ». Or, ils semblent connaître un regain d’intérêt à l’heure actuelle.  Comment l’expliquer ?

C’est toute la question de la légitimité du religieux qui se pose ici. Toute forme de croyance peut être jugée anachronique au siècle où la technologie est reine. Le possible retour de ces pratiques alimentaires témoigne d’un besoin de réenchantement du monde qui ne remet pas nécessairement en cause les valeurs universalistes et la citoyenneté. Cela dit, un tel retour reste difficile à évaluer, car on ne sait pas grand-chose de la réalité de ces pratiques, du moins pour la cacherout, aux siècles antérieurs.

Candidat à la présidentielle, François Hollande déclarait que, lui élu, le halal ne serait jamais toléré dans les cantines. Les spécificités alimentaires sont-elles incompatibles avec une société laïque ?

Je ne le crois pas. Il y a eu une forme de translation du modèle catholique au modèle républicain. La table républicaine, c’est la Cène métamorphosée, la communion républicaine. S’il est nécessaire d’éviter toute forme de communautarisation dans l’espace public, il faudrait que chacun puisse consommer, à la table de la République, une nourriture conforme à ses valeurs. Sous la IIIe et la IVe République, l’école avait su se montrer tolérante et ouverte au pluralisme. Le temps des accomodements raisonnables semble aujourd’hui problématique.

Le cochon apparaît comme l’objet du clivage, comme le montrent les manifestations « saucisson et pinard » organisées depuis quelques années. On a l’impression qu’aux yeux de ceux qui s’élèvent contre la cacherout ou le halal, être français, c’est manger du cochon ?

Ce type de manifestation n’est pas anodin car il reflète le rêve qu’ont certains d’homogénéiser de manière identitaire l’espace public et la citoyenneté. Il y a deux ans, une quarantaine de députés ont commémoré la fête nationale autour d’un apéritif « saucisson-pinard » au sein même de l’Assemblée nationale. Les banquets révolutionnaires s’en prenaient certes aux particularismes, mais c’était au nom de l’universalisme, dans une volonté d’intégration. Ici, on se trouve face à des repas organisés pour exclure l’autre qui n’en est pas moins citoyen.

Propos recueillis par Virginie Larousse – publié le 25/03/2015

Pour en savoir plus : http://www.lemondedesreligions.fr/

 

Former les profs à la laïcité : d’accord, mais comment ?

 Philippe Gaudin, directeur adjoint à l’Institut européen en sciences des religions, a été désigné avec d’autres pour concevoir les contenus, méthodes et priorités de la formation à la laïcité.
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(Photo d’illustration) (Jean-Pierre Clatot/AFP PHOTO)
Le 21 janvier dernier, François Hollande donnait le coup d’envoi d’une mobilisation générale de la communauté éducative autour des valeurs de la République. Au premier rang desquelles la laïcité. Le lendemain, c’était au tour de la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem d’annoncer une série de mesures, pas tout à fait neuves pour la plupart.

On retiendra toutefois la volonté de généraliser l’enseignement de la laïcité. Ce qui existe déjà mais dans une toute petite proportion. L’idée, cette fois, est de créer un effet domino de grande ampleur : former des formateurs qui formeront les professeurs qui formeront les élèves. Pas simple à mettre en oeuvre. Et pour l’heure, rien n’a été tranché sur le fond.

Tout au plus sait-on que les programmes des cours d' »Enseignement moral et civique », mis sur les rails par l’ancien ministre Vincent Peillon, qui entreront en vigueur à la rentrée 2015, vont être réécrits. Mais après ? Philippe Gaudin, responsable des formations recherche à l’Institut européen en sciences des religions (IESR) et ancien professeur de philosophie (1), a été choisi avec d’autres pour mettre en œuvre ce projet. Il définit pour « l’Obs », les contenus, méthodes et priorités de ce nouvel enseignement.

Enseigner les faits religieux

« A l’IESR, nous ne dissocions pas la nécessité d’une formation sur la laïcité d’une formation sur les faits religieux, qui ont tendance à disparaître des programmes d’Histoire ou de Français. Exemple : l’étude de la religion aux Etats-Unis au XXe siècle par exemple a disparu, alors qu’on ne peut comprendre Martin Luther King sans connaître son contexte religieux. L’effort n’a pas été soutenu depuis 1995, car c’est un enseignement transversal. Difficile d’entretenir la flamme !

Qu’on se comprenne bien. Enseigner le fait religieux, comme l’a recommandé le rapport de l’historien Philippe Joutard dès 1989, n’est pas faire entorse à la laïcité. Il s’agit plutôt d’une maturation, d’une extension de la laïcité, dans un monde qui ne ressemble plus à la France de 1905. Nous vivons dans une société à la fois très sécularisée, et dans laquelle les identités religieuses peuvent se manifester, pour le meilleur et pour le pire. Face à cela, l’école ne peut rester muette.

Je vois deux grandes justifications à l’enseignement des faits religieux :

– Intellectuelle : on ne peut pas bien comprendre le passé, ni le présent, si on n’a pas une bonne connaissance des faits religieux ; et on ne peut pas non plus comprendre le patrimoine artistique.

– Politique : pour faire société dans un monde marqué par une nouvelle pluralité religieuse, il faut une culture commune. D’où l’expression de Régis Debray, d’une « laïcité d’intelligence ».

La laïcité ainsi entendue n’est pas ouverte à tous les vents, ni une sorte de libre-service où toutes les religions s’exprimeraient n’importe comment. Elle reste fidèle à l’esprit de l’école, celui de la connaissance et du savoir.

Apprendre à penser

« Pour la rentrée 2015, il n’est pas prévu de faire un cours de laïcité spécifique. Cette notion sera intégrée à l’enseignement moral et civique, prodigué de l’école maternelle à la terminale, environ une heure par semaine, mais sous la forme d’ateliers par exemple, à l’image des TPE. Toute la communauté éducative sera concernée.

On pourrait y discuter des questions autour de la cantine, par exemple. L’idée est de proposer un enseignement laïc de la morale et non d’enseigner « la morale laïque », qui était l’expression initiale de Vincent Peillon quand il a lancé le projet. Autrement, il ne s’agit pas d’enseigner une morale toute faite – à part les règles de droit fondamental – mais d’apprendre le questionnement éthique et de le traduire dans son comportement. C’est peut-être une façon d’apprendre à agir avec sagesse avant la classe de philosophie !

Ce qui n’exclut pas pour autant que les questions de laïcité soient présentes dans tous les autres enseignements. A l’issue de la formation, il y aura une forme d’évaluation, mais certainement pas telle qu’elle est pratiquée habituellement, avec copies et notes. Elle reste à définir. »

Démultiplier les référents laïcités

« Notre institut participera à la formation des formateurs. Sur les 1.000 formateurs annoncés, nous allons d’ores et déjà nous appuyer sur les « référents laïcité » des académies créés en 2014, en général composés d’inspecteurs ou de professeurs d’Espé (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation). Eux-mêmes, devront trouver d’autres formateurs et toucher ainsi le plus grand nombre de professeurs possible. Ce processus commence à peine, la tâche sera rude.

Former les futurs professeurs d’abord

La priorité, c’est la formation initiale des jeunes générations d’enseignants, de façon à toucher tous les futurs professeurs à partir de maintenant. Il doivent recevoir une formation dans trois domaines : la laïcité, les faits religieux et une préparation à enseigner cette nouvelle discipline qui sera dans les programmes dès la rentrée 2015.

En revanche, impossible de former tous les professeurs en poste à court et moyen terme. Si les modules de formations ne peuvent s’adresser à 50 personnes à la fois et s’il y a 100.000 professeurs (sur environ 800.000) à former, cela fait un très grand nombre de modules de formation ! »

Cibler les établissements en difficulté

« Est-ce qu’il ne faudrait pas une étude sérieuse sur ce qui se passe dans les établissements de l’ensemble du territoire du point de vue de la laïcité ? Avec une équipe de chercheurs indépendants, une méthodologie scientifique, une déontologie transparente et, pourquoi pas, un conseil de surveillance scientifique et politique.

Y-a-t-il des difficultés ? Y-a-t-il des élèves qui refusent d’écouter leurs professeurs sur telle partie du programme ? Sans doute observerait-on que la situation est bonne dans de nombreux établissements. Cela contribuerait à rasséréner le climat moral, social et politique en France. Il apparaîtrait – dans quelle proportion je ne sais pas – qu’une minorité d’établissements posent problème. Il faudrait alors clairement les identifier et connaître précisément  leurs difficultés.

A partir de là, on peut avoir une vraie politique volontariste avec de gros moyens -pas seulement au sens financier mais aussi ‘moral’ justement !-pour y apporter un remède. L’école porte toutes les misères du monde et elle n’a pas le pouvoir de les supprimer. Mais on y verrait plus clair. L’école est l’âme de la République et sur le plan de notre pacte politique, la République est l’âme de la France. Si notre école va mal, c’est l’ensemble de la communauté nationale qui va mal. Ce ne serait donc pas une dépense mal placée. »

Propos recueillis par Sarah Diffalah

(1) « Vers une laïcité d’intelligence en France ? L’enseignement des faits religieux en France comme politique publique d’éducation depuis les années 1980 », Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2014.

« Double défi pour l’école laïque : enseigner la morale et les faits religieux », Riveneuve éditions, 2014.

L’Institut européen en sciences des religions est une composante de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il a été créé après le rapport de Régis Debray en 2002 qui préconisait un pont entre le monde de la recherche universitaire et tous ceux qui ont besoin de formation sur le fait religieux, notamment dans l’administration publique. Ses fonctionnaires travaillent pour l’Education nationale, et sont donc en concertation avec le ministère, ainsi qu’avec la Direction générale de l’Enseignement scolaire, mais apportent la plus-value et l’indépendance universitaire et scientifique. L’Institut a été nommé par la ministre de l’Education pour participer à la formation des formateurs à la laïcité.

Publié le 04-02-2015 à 11h03

Pour en savoir plus : http://tempsreel.nouvelobs.com/

L’opportunité économique du marché multiculturel

Avec plus de 11 % de sa population d’origine étrangère, la France est la plus importante société multiculturelle d’Europe (1). Un monde métissé aux multiples habitudes de consommation auxquelles les marques globales ne parviennent pas toujours à répondre. Une niche de croissance encore trop souvent délaissée par les entreprises françaises qui y trouveraient pourtant là une opportunité de rebondir en cette période de crise.

Au nom de l’universalité du modèle français et de la crainte qu’inspire toujours le communautarisme, le marché « ethnique » peine à se développer dans notre pays, contrairement aux autres pays tels que les Etats-Unis ou l’Angleterre. En dehors de l’alimentaire, des cosmétiques et des télécommunications, les entreprises limitent leurs investissements dans ce secteur pourtant très prometteur. Le poids économique des consommateurs issus des différentes communautés est en effet estimé à plus de 10 milliards d’euros par l’agence Sopi. De ce fait, les entreprises françaises gagneraient donc à développer des stratégies marketing spécifiques correspondant à la communauté à qui elles s’adressent.

Sortir des réseaux spécialisés

De grands groupes tels que Nestlé ou l’Oréal se sont d’ailleurs positionnés en leaders sur ce marché en attente de réponses spécifiques. Les laits fermentés ou caillés, un produit consommé en général en accompagnement de plats orientaux traditionnels, ont fait leur apparition dans les gammes de produits laitiers, tandis que le numéro un mondial des cosmétiques, a développé une gamme de produits entièrement dédiée aux besoins spécifiques d’une population ethnique diverse. Un investissement gagnant puisque les femmes noires et métissées dépensent, en moyenne, 980 € par an pour les produits cosmétiques, contre 250 € pour les femmes dites caucasiennes. En volume, elles achètent neuf fois plus de produits (2). Une manne qui n’a pas échappé aux stratèges de la marque, d’autant qu’en mal de reconnaissance, ces consommateurs aspirent à sortir des réseaux de distribution spécialisés qui captent encore plus de 85 % de leurs achats, pour trouver dans la grande distribution les produits dont ils sont friands. Le développement des secteurs halal (5,5 milliards d’euros en 2011 selon Nielsen) dans les hypermarchés en témoigne.

Des marchés en croissance

À l’évidence, ces marchés constituent en effet de vrais relais de croissance en période de crise. Ils vont continuer à se développer et acquérir une maturité, sous l’impulsion d’offres qui vont s’étoffer, et de circuits de distribution qui vont s’organiser. Les marges de progression sont grandes. Aujourd’hui, plus de 70 % des achats de viandes halal, dont les ventes progressent de 15 % par an, se font encore auprès des boucheries spécialisées. Et au-delà des secteurs traditionnels, de nouveaux acteurs s’intéressent de plus en plus fortement à ces consommateurs jeunes et urbains concentrés principalement dans cinq régions et sensibles à la valorisation de leur groupe ethnique. Swiss Life a ainsi lancé la première assurance vie répondant aux valeurs de l’Islam. Le halal peut en effet s’inscrire dans les composantes transversales actuelles et aller vers la praticité, le nomadisme, la santé, le bien-être, comme le souligne Sébastien Monard, insight manager chez Nielsen.

S’ouvrir au marketing ethnique

Même si la République ne forme qu’une communauté indivisible, force est de constater que la diversité est bel et bien une réalité de notre société. Or les marques ont encore trop tendance à oublier les minorités ou à jouer sur les clichés réducteurs. 88 % des publicités ne font encore apparaître que des modèles de type caucasien. Pour capter l’attention de cette population dont le pouvoir d’achat ne cesse de progresser, les entreprises doivent plus largement s’ouvrir à leurs habitudes de consommation, proposer des gammes dédiées répondant à leurs attentes spécifiques et ne pas hésiter à construire un discours fondé sur leurs codes, comme c’est déjà le cas depuis plusieurs années aux Etats-Unis. Le marketing ethnique ciblé existe d’ailleurs déjà dans les réseaux de distribution spécialisés où les marques diffusent des publicités dédiées. Rien d’étonnant à cela. De même que les marques adaptent leur discours selon les tranches d’âge du consommateur, il apparaît logique de prendre en considération les attentes spécifiques d’un public en attente de réponses appropriées. Une prise de conscience objective des nouvelles réalités du marché devrait nous aider à faire tomber ce tabou très français.

(1) source INSEE
(2) source L’OREAL.

 

Sabrina Fodzo

 

Publication: Mis à jour:

« Le Prophète Mohammed demande de ne pas prendre les armes »

« Tout est pardonné ». La une de Charlie Hebdo, après l’attentat qui a décimé la rédaction du magazine le 7 janvier 2015, présente le Prophète Mohammed dans une posture de miséricorde. Cette attitude correspond-t-elle aux paroles et actes de Mohammed, que les djihadistes, comme les détracteurs de l’islam, présentent comme un prophète guerrier ? Éric Geoffroy, islamologue à l’université de Strasbourg, nous explique la véritable signification du djihad, très loin de la « guerre sainte » prônée par les fanatiques d’aujourd’hui.

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© Stephane Mahe / Reuters

Cette semaine, la une de Charlie Hebdo met en scène le Prophète Mohammed tenant une pancarte où il est inscrit « Tout est pardonné ». Cela va-t-il dans le sens des paroles et actes du Prophète ?

Beaucoup de paroles et d’agissements du Prophète vont dans le sens de la compassion, de la miséricorde et du pardon. Le Prophète lui-même disait : « Je suis une pure miséricorde offerte aux mondes. » Dans les hadiths, les paroles du Prophète, il est dit que toutes les créatures sont la famille de Dieu. On trouve cette compassion chez tous les prophètes, mais chez Mohammed en particulier. Les terroristes n’avaient pas à venger le Prophète, car il n’était pas dans la vengeance. Un hadith convient tout à fait aux évènements actuels : « Lorsqu’il y a des troubles ou une guerre civile, la personne assise sera en meilleure posture que celui qui sera debout. De même, celle qui marche sera en meilleure posture que celle qui s’empresse. Brisez donc vos arcs, arrachez-en les cordes et frappez le tranchant de vos épées contre un rocher. Et si un agresseur pénètre dans votre demeure, comportez-vous comme le meilleur des fils d’Adam (Abel). » Le Prophète demande donc de ne pas prendre les armes.
De même, la lapidation pour adultère n’est pas une loi islamique. Aux premiers temps de l’islam, la sharia n’existait pas. Les nouveaux musulmans s’inspiraient de la loi de Moïse. Quand certains individus venaient dénoncer un couple adultère au Prophète, celui-ci faisait tout pour ne pas écouter ce genre de témoignages. Il se détournait. Dans toute la vie du Prophète, il y a une insistance sur cette compassion universelle.

Pourquoi cite-t-on souvent le « verset du sabre » – « À l’expiration des mois sacrés, tuez les polythéistes où que vous les trouviez. Saisissez-vous d’eux, assiégez- les… » (s9.v5) – pour évoquer un Prophète « guerrier » ?

On ne peut pas citer les textes révélés sans préciser leur contexte. Cela vaut aussi pour la Bible ou encore la Bhagavad-Gita des hindous. On ne peut pas se saisir des textes sacrés sans la médiation de gens autorisés. En islam, l’accès aux textes sacrés était médiatisé par les oulémas, des théologiens qui connaissaient le contexte. Maintenant, avec Internet, on peut dire n’importe quoi en toute ignorance. Le verset en question sort d’un contexte particulier. Persécutés, le Prophète et ses compagnons avaient dû fuir à Médine. Les musulmans avaient signé une trêve avec les polythéistes de La Mecque. Mais ceux-ci ont trahi le pacte. Le Prophète attendait une révélation pour pouvoir se défendre militairement. Il a attendu 14 ans, depuis le début de la persécution à La Mecque. Ce verset arrive pour dire « Stop », pour demander aux musulmans de se défendre contre les agressions à répétition des Mecquois. D’ailleurs, on ne peut pas lire le verset 9.5 sans le suivant, le 9.6 : « Et si un de ces polythéistes demande ta protection, accorde-la lui afin qu’il écoute la parole de Dieu. Puis fais-le reconduire en lieu sûr. » Cela prouve qu’il ne faut jamais lire un verset hors contexte.

Remettre les choses dans leur contexte, est-ce aussi valable pour les juifs Banû Qurayza tués en 627 ?

Cette tribu juive, alliée aux musulmans de Médine contre les Mecquois, s’était retournée contre les musulmans lors de la bataille du Fossé (Khandaq). À la suite de quoi, les musulmans les ont assiégés et ont eu raison de leur forteresse. L’entrée en islam leur fut proposée, en vain. Afin que leur jugement soit le plus indulgent possible, le Prophète en chargea un grand ami de cette tribu juive, Sa’d ibn Mu’adh, un membre de la tribu arabe médinoise des Aws. Celui-ci fit exécuter les hommes de la tribu pour haute trahison. Le Prophète approuva cette décision. Le jugement de Sa‘d s’inscrivait en fait dans la droite ligne de la loi juive. Dans le cas d’une cité assiégée, il est dit en Deutéronome 20 : 12 : « Et lorsque le Seigneur ton Dieu l’aura livré entre tes mains, tu feras passer tous les mâles au fil de l’épée ; mais les femmes, les enfants, le bétail et tout ce qui se trouvera dans la ville, ainsi que tout son butin, tu le prendras pour toi. »
La trahison a toujours été punie de la peine de mort, dans toutes les lois de la guerre. Or, la clémence que pratiquait le Prophète jusqu’alors avait toujours joué en sa défaveur : la sauvegarde des prisonniers, à l’issue de la bataille de Badr notamment, avait failli être fatale aux musulmans lors des batailles suivantes. Cette fois, le message fut entendu, et une telle situation ne se présenta plus de son vivant.

D’où vient le concept de djihad ? Et plus précisément, dans quel contexte s’applique le djihad mineur, le djihad militaire ?

Le Prophète distingue « djihad majeur » et «djihad mineur ». Le « djihad majeur » consiste à lutter contre son ego, ses passions et ses illusions, en Dieu. Le terme arabe signifie « effort sur soi ». Le djihad doit répandre le bien. Le Prophète dit par exemple à ce propos : « Ôte un caillou du chemin pour ne pas que ça ne nuise pas aux autres. » Quant au djihad mineur, militaire, il n’est autorisé qu’en cas de légitime défense. Ainsi lors des Croisades. Quand les chrétiens prirent Jérusalem en 1099, ils tuèrent les juifs et musulmans qui y vivaient. Lorsque Saladin reprît la ville en 1187, il épargna tout le monde, croisés compris. Il s’est aussi appliqué pendant l’occupation coloniale. Lorsque l’Europe a pris les terres aux Algériens, selon les lois, le djihad pouvait être déclaré. Mais c’est tout. Le djihad ne peut consister à répandre l’islam par l’épée.

Dans ce contexte post-colonial, les djihadistes d’aujourd’hui peuvent-ils interpréter à leur manière le verset : « quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes » (s5.v32). Considèrent-ils que les Occidentaux ont corrompu leurs terres et méritent donc la mort ?

Ces gens-là savent très bien communiquer. Quand ils ont effacé avec des bulldozers l’ancienne ligne de démarcation entre la Syrie et l’Irak, datant des accords Sykes-Picot de 1916, ils ont affirmé effacer le mal que l’Occident avait fait. Même revendication quand ils ont tué Hervé Gourdel en Algérie. Ils nous renvoient notre miroir : les croisades, le colonialisme, la Guerre d’Algérie, les Guerres du Golfe, la création d’Israël, le conflit israëlo-palestinien….. Ils sont dans le ressentiment vis-à- vis de l’Occident. Cela nourrit des rancoeurs au Proche-Orient. Mais les premières victimes des djihadistes sont les musulmans eux-mêmes, que ce soit au Yémen, en Irak, en Syrie, en Afghanistan. Il y a des milliers de morts. Notamment dans le conflit chiites-sunnites, qui a été attisé par les Américains en Irak. Daech joue clairement la carte antichiite. Et certains musulmans tombent dans le panneau.

Par quels référents les djihadistes s’autorisent-ils des pratiques aussi barbares que l’esclavage sexuel des femmes yézidies ?

En islam, il n’y a pas de magistère suprême. La source d’autorité est plurielle. Les fanatiques peuvent lancer une fatwa, en se référant à un avis juridique antérieur. Dans ce cas précis, ils peuvent affirmer qu’en cas de guerre, une femme qui s’offre aux combattants est récompensée. Mais, alors que l’islam prône l’équilibre, ces gens-là sont d’emblée dans l’extrémisme. Plusieurs autorités islamiques ont condamné ces actes, comme le fait de tuer des juifs et des chrétiens, actes totalement contraires à l’islam. Il ne faut pas entrer dans leur jeu. Ne pas développer de ressentiment antimusulman.

Si cela va à l’encontre des valeurs de l’islam, pourquoi ces djihadistes recherchent-ils la guerre à tout prix?

Cette logique jusqu’au-boutiste est animée par un nihilisme messianique. Ils ne sont pas les seuls. Beaucoup de musulmans, de juifs et chrétiens born-again américains, dont l’ex-président des États-Unis George W. Bush, y croient : il faut précipiter le chaos pour susciter la venue du Mahdi, du sauveur qui va préparer le retour de Jésus sur terre. Pour l’islam, Jésus n’est pas mort et va revenir à la fin des temps pour apporter le règne de la paix. Les djihadistes veulent précipiter le conflit en créant une guerre entre l’Occident et le monde musulman. Ils cherchent à attiser les haines, pour provoquer un choc des civilisations qui n’existe pas. C’est un choc des ignorances. Ces ignorances puisent leurs sources dans un malaise civilisationnel. Les gens qui commettent ces actes, comme les frères Kouachi, sont endoctrinés, mais n’ont pas de connaissance réelle de l’islam. Ils développent une culture du ressentiment envers l’Occident, la mondialisation, etc.. et ils cherchent une identité.

Que faut-il faire pour enrayer le phénomène des départs au djihad ?

Il faut créer des centres français de formation à l’islam. Ne pas laisser les gens partir se former en Arabie ou au Pakistan. La France n’a pas pris en compte le renouveau du religieux en général, de l’islam en particulier. Il y a une dizaine d’années, l’État français n’a fait aboutir aucune demande de création d’institut universitaire de formation à l’islam. Alors que le président Chirac y était favorable. La France doit réformer son rapport au religieux et au spirituel. Il faut prendre en compte le besoin de spiritualité. Beaucoup de gens, musulmans ou non, me confient qu’ils étouffent en France, car l’État nie le religieux et la spiritualité. Qu’elle soit islamique, chrétienne, juive ou autre, la spiritualité est à même de dépasser le champ horizontal du conflit. Elle apporte de la sagesse et du recul face aux évènements. Il faut bien sûr faire des lois antiterroristes. Mais il faut avant tout nourrir l’âme humaine, lui donner un sens.

Propos recueillis par Matthieu Stricot – publié le 16/01/2015

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Des intellectuels de confession musulmane appellent à une «révolution» dans l’islam

 DesMusulmansRéformesIslam

Pour Naser Khader, ancien membre du Parlement danois d’origine syrienne, «les islamistes radicaux sont les nazis de l’islam». Il estime que les musulmans sont à même de les combattre.

Ce dimanche, dans le New York Times, 23 intellectuels musulmans influents des États-Unis, du Canada et de Grande-Bretagne, soutenus par le Gatestone Institute, ont signé un appel vibrant à une «réforme de l’islam». «Que peuvent faire les musulmans pour se réapproprier leur “belle religion”», s’interrogent-ils, soulignant que les massacres, les décapitations et mutilations perpétrés par l’État islamique, les prises d’otages de jeunes filles innocentes orchestrées par Boko Haram ou la mise en esclavage de chrétiens en Irak sont autant de crimes menés au nom d’Allah. «Notre déni et notre silence relatif doivent cesser», écrivent ces personnalités.

«Nous devons nous engager dans la promotion de réformes quand nécessaire, y compris une réinterprétation honnête et critique des écritures et de la charia, utilisées par les islamistes pour justifier la violence et l’oppression.» «La théocratie est un échec prouvé», disent-ils encore. «Le chemin vers la justice et la réforme doit se faire à travers la liberté», ajoutent ces musulmans laïcs, dévoués à la cause de la démocratie. Un propos bien éloigné du discours généralement entendu dans le monde musulman, selon lequel l’islam n’a rien à voir avec les dérives terroristes de certains de ses membres.

Parmi les signataires, se trouve notamment Naser Khader, un ancien membre du Parlement danois, d’origine syrienne, qui y a créé une association «des démocrates musulmans» pendant la crise des caricatures de 2006. Aujourd’hui chercheur au Hudson Institute de Washington, Khader est bien placé pour mesurer la gravité du défi qui se pose à l’Occident et à l’ensemble du monde musulman. Il a été très actif après 2006 au Danemark pour défendre le point de vue des musulmans laïcs contre la domination médiatique des radicaux islamistes. «J’en avais marre de leur monopole sur ce que doit être l’islam, c’était toujours eux que les journalistes allaient interviewer dans les mosquées, mais nous, les musulmans laïcs, avons notre mot à dire.» Il connaissait très bien les journalistes de Charlie Hebdo pour avoir témoigné à leur procès et aussi reçu un prix de la laïcité de la Mairie de Paris, dans le jury duquel figuraient presque tous les journalistes de Charlie.

La démocratie doit venir avant la religion

«J’ai essayé de créer des ponts. Ce que j’ai toujours expliqué aux musulmans, c’est que les Danois n’aiment pas ceux qui haïssent la liberté. Mais si vous êtes pour la liberté, vous serez toujours bien accueilli. Le fossé n’est donc pas entre promusulmans et antimusulmans, mais entre démocrates et antidémocrates», affirme Khader. «La démocratie doit venir avant la religion comme principe organisateur de la société», ajoute cet homme qui reçoit régulièrement des menaces de mort.

Naser Khader sait que seulement 20 % des musulmans danois sont d’accord avec lui, selon un sondage réalisé il y a quelques années. Mais il insiste pour qu’«une bataille s’engage à l’intérieur de la maison islam» afin que prévalent ces idées. «Pour moi, les islamistes radicaux sont les nazis de l’islam. Les gens les mieux placés pour les combattre sont les musulmans, nous devons être en première ligne. Actuellement, mon camp est petit, de même que celui des extrémistes, et au milieu il y a 80 % de gens passifs et silencieux, qu’il faut convaincre de nous rejoindre pour mener cette révolution», analyse l’ancien député, soulignant que pas un religieux n’a signé son appel pour l’instant.

Naser Khader affirme qu’Obama et Hollande«n’aident pas» en répétant sans cesse que les terroristes n’ont rien à voir avec l’islam. «Je ne suis pas d’accord. C’est l’islam aussi. En refusant de le reconnaître, les Occidentaux ne nous rendent pas service, à nous les musulmans démocrates. Car comment se battre si on n’identifie pas clairement l’ennemi ?» Naser Khader se dit en revanche favorablement impressionné par les récentes déclarations du président égyptien al-Sissi qui a appelé à une révolution dans l’islam. «Il faut qu’il aille plus loin, dit-il. Qu’il explique qu’on ne peut continuer de tolérer que les juifs soient traités de singes et les chrétiens de cochons dans les mosquées égyptiennes.» «Il est très important que le pouvoir politique donne l’exemple, car les grands centres théologiques comme l’université al-Azar ne bougeront que s’ils se sentent soutenus», conclut Khader.

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Multiculturalisme américain ou assimilation à la française : le match des modèles

Barack Obama

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Barack Obama a annoncé un plan visant à régulariser la situation de millions d’immigrés illégaux. Le décryptage de François Durpaire.


François Durpaire est historien des Etats-Unis. Il est également responsable de l’antenne de France Diversité Médias TV.


FigaroVox: Le président américain a annoncé un plan de régularisation de la situation de plusieurs millions d’immigrés illégaux. La presse américaine parle de 5 millions d’immigrés. Le sujet de l’immigration est-il aussi sensible aux Etats-Unis qu’en France?

François DURPAIRE: Si le sujet reste très sensible, le fond du débat diffère. Les Etats-Unis se vivent avant tout comme un pays d’immigration. Tous les Américains, y compris les opposants à la régularisation des migrants, partagent l’idée que l’immigration est une richesse pour la nation. Le Président Obama, ainsi, a particulièrement insisté sur ce point, rappelant qu’ils participent au développement économique du pays. Les Américains savent que dans leurs universités, considérées comme les meilleures du monde, un quart des professeurs est né à l’étranger ; ils savent que Windows est un produit certes imaginé par Microsoft, mais élaboré avant tout par des ingénieurs indiens. En d’autres termes, ils reconnaissent l’apport de l’immigration à leur pays.

Le débat, aux Etats-Unis, porte donc moins sur le fond du problème, sur l’acceptation ou non d’étrangers, mais plutôt sur les modalités d’accueil, sur l’ampleur de la vague migratoire. Les Etats-Unis s’assument comme une terre d’immigration, et ce constat n’est nullement remis en cause. Par exemple, la grande loi de 1921 sur l’immigration ne cherchait pas à l’interdire, mais plutôt à la contrôler, en instaurant des quotas par nationalité.

Les Etats-Unis étant un pays entièrement construit sur l’immigration, leur approche de la question est-elle différente? En quoi?

En France, comme aux Etats-Unis, de nombreuses voix s’élèvent pour dire que l’immigration est en soi une chance, à partir du moment où elle reste contrôlée, légale. Toutefois, une remise en cause de l’immigration est apparue en France ces dernières années, poussée par l’extrême-droite.

L’approche américaine est plus pragmatique, au contraire de la nôtre, plus humaniste: la question fondamentale, aux Etats-Unis est celle de l’apport de l’immigration. Qu’est-ce qui est le mieux pour le pays? C’est ainsi qu’un élu de la mairie de New York a pu dire, en parlant de l’immigration illégale, que «ce qui est bon pour les sans-papier est bon pour la ville de New York»: la régularisation permet en effet à l’Etat de collecter davantage de taxes et d’impôts, grâce à l’arrivée de ces nouveaux citoyens. La droite française, réunie autour de Nicolas Sarkozy, a voulu s’inspirer de cette vision. Cependant, il lui manquait un élément essentiel: là où les Américains voient fondamentalement l’immigration comme une richesse, une chance, la France la regarde d’un œil plus réservé. Il manquait donc au gouvernement cette vision positive du phénomène migratoire.

Enfin, les Etats-Unis partagent avec leurs voisins mexicains du sud une frontière immédiate, terrestre, là où la Méditerranée fonctionne comme une barrière naturelle entre l’Europe et les pays du Sud. Les problématiques diffèrent donc d’un point de vue géographique et juridique, les Etats-Unis étant uni au Mexique par l’ALENA.

Le patriotisme américain, parfois moqué, est-il un puissant facteur d’unité?

Tout à fait. On voit ici ce qui peut sembler, vu de France, comme un paradoxe: l’Amérique est un pays multiculturel, où coexistent des populations d’origines variées ; toutefois, la mise en avant de cette diversité va de pair avec une puissante dynamique d’assimilation. En d’autres termes, c’est dans la diversité que se forge l’unité américaine, comme le rappelle la devise du pays, E pluribus unum. La diversité culturelle de la nation se met au service de l’unité américaine.

Le fameux «melting pot» américain ne souffre-t-il pas malgré tout aussi de certaines contradictions? Qu’en est-il de la guerre culturelle qui divise les Etats-Unis entre blancs pauvres et minorités ethniques?

On peut d’abord rappeler l’évolution du modèle d’assimilation à l’américaine, pour comprendre la réalité actuelle.

Dans un premier temps, on parle de «melting pot», où la diversité fusionne dans un creuset unique. Il s’agit du modèle originel, largement théorique.

Dans les années 1960, ce modèle révèle ses limites et finit par exploser. Les noirs américains, notamment, sont encore mis à l’écart, ne peuvent entrer dans les mêmes écoles, transports ou loisirs que les blancs. On passe alors au «salad bowl», autrement dit la cohabitation d’éléments différents, et la mise en avant de la diversité. Ce modèle est basé sur un multiculturalisme célébré.

Enfin, nous sommes entrés depuis peu dans une troisième phase que certains appellent le «new melting pot». Celui-ci passe par un retour à l’idée de brassage et de fusion de tous les éléments différents dans l’unité du pays. Ce modèle est la conséquence directe de deux évolutions. D’une part, l’explosion de la mixité, du métissage, jusqu’ici occulté par la société: je rappelle que les mariages entre noirs et blancs étaient interdits dans certains Etats du sud jusqu’en 1968! D’autre part, la forte vague migratoire hispanique, minorité qui s’intercale entre blancs et noirs. Une majorité d’hispaniques se marie aujourd’hui avec des non-hispaniques, et les familles, les cultures, sont de plus en plus mélangées. Cette diversité réelle, et non plus théorique, a causé l’apparition de ce troisième modèle, que certains qualifient de «mestizo melting pot».

Par conséquent, votre question me paraît caricaturale. Les problématiques sociales et ethniques sont bien plus complexes qu’une simple opposition entre ouvriers blancs d’une part, et minorités ethniques d’autre part. Comme on l’a vu, un brassage très important a vu le jour, notamment au sein de la classe moyenne américaine, et rend invalide votre distinction. Toutes les universités américaines mènent aujourd’hui des recherches poussées sur ces points, sur les rapports complexes entre classe sociale et groupe racial. Votre distinction ne rend donc pas assez compte des réalités complexes du terrain: ainsi, Ted Cruz, d’origine hispanique, est aujourd’hui l’un des principaux opposants républicains à Barack Obama, vent debout contre la régularisation d’immigrés illégaux également hispaniques…

La France est aujourd’hui minée par une grave crise de l’intégration, comme en témoigne le phénomène de djihadistes français. Celui-ci est-il envisageable aux Etats-Unis?

Ce genre de phénomènes arrive bien évidemment aux Etats-Unis comme au Canada. On l’a vu lors de la fusillade à Ottawa, ou encore pendant les attentats de Boston. Des ressortissants américains sont actuellement au Moyen-Orient pour faire le djihad, comme en Europe. Nos sociétés, pourtant basées sur des modèles différents, et une vision plus ou moins positive du multiculturalisme, sont donc aujourd’hui confrontées aux mêmes défis.

Pour autant, la situation diffère entre la France et les Etats-Unis, à partir du moment où l’on considère l’ensemble des jeunes, plutôt que ceux qui partent faire le djihad. En Amérique du nord, plus qu’en France, un jeune dont les parents sont étrangers puis naturalisés se dira volontiers américain, tandis qu’un Français dans la même situation se considèrera davantage sénégalais, algérien ou chinois. Ce phénomène se voit dans les enquêtes d’opinion, et les sociologues l’analysent en disant que la nationalité déclarée diffère de la nationalité ressentie. Cette différence s’explique par la force d’assimilation américaine, ainsi que par le rôle de l’école américaine dans ce processus: on y apprend la citoyenneté, le rôle du drapeau, et l’appartenance à la nation.

La pensée française reste, à mon sens, largement plongée dans une fausse dichotomie caricaturale entre le modèle républicain qui nierait les différences, et le modèle américain qui les célèbrerait. L’opposition est, dans les faits, bien moins caricaturale: par exemple, le best-seller de la IIIème République était Le Tour de la France par deux enfants, livre mettant en avant la diversité de notre territoire, précisément pour promouvoir l’unité du pays. Les deux pays inventent en fonction des périodes historiques des manières différentes de faire vivre la dialectique diversité-unité.

Paradoxalement, la crise identitaire en France n’est-elle pas la conséquence de l’importation du modèle multiculturaliste américain?

On pourrait dire l’inverse: n’est-ce pas justement le refus d’intégrer la diversité des héritages qui ont forgé notre nation qui ont exclu de notre récit commun certains de nos enfants? Un élève américain de 2014 apprend à coder, mais il apprend aussi ce que c’est que d’être américain. Et il n’apprend pas la même chose que son semblable de 1964. L’héritage amérindien ou noir, par exemple, est désormais présent dans les manuels scolaires. Qu’en est-il en France? Les enfants français ont-ils le sentiment de partager des valeurs, des ancêtres, une histoire en commun? Apprend-t-on la Marseillaise à l’école, et avec elle la compréhension de ce qui a forgé notre vivre ensemble?

La réponse à ces questions est à mon sens essentielle pour construire une assimilation à la française réussie. C’est plus complexe que la simple opposition «multiculturalisme américain/républicanisme français»… A l’époque des vagues d’immigration polonaises ou italiennes, l’école assumait une vocation de socialisation ; qu’en est-il aujourd’hui?

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