Un pèlerinage islamo-chrétien pour une rencontre au sommet

Bénite-Fontaine
Le sanctuaire marial de la Bénite-Fontaine, en Haute-Savoie, lieu de pèlerinage chrétien consacré à la Vierge Marie, a accueillit dimanche 9 août une rencontre entre divers groupes islamo-chrétiens du diocèse d’Annecy sous le signe de la fraternité interreligieuse.
Après la messe célébrée par le père Raphaël Deillon, un pique-nique départemental a été prévu. S’en est suivi une visite des lieux – la Bénite-Fontaine étant souvent surnommée « la petite Lourdes savoyarde » – par le recteur et prêtre Christian-Marie Giraud puis une conférence du père Bernard Janicot, directeur du Centre de documentation économique et sociale d’Oran, en Algérie, sur le thème « Vivre en monde musulman, difficultés et espérances ».
Raphaël Deillon, qui a vécu plus de 20 ans en Algérie au service des petites communautés chrétiennes et des musulmans, sera aussi présent lors de ce qui est appelé un « pèlerinage islamo-chrétien ».

« Les paroisses, mosquées ou lieux de culte musulmans du département ont été invités à cette rencontre par le service diocésain des relations avec l’islam », a fait part le diocèse d’Annecy sur son site.

Rédigé par La Rédaction | Mercredi 5 Août 2015
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Mustapha Cherif : « En ces temps de crise, continuer à éduquer et à dialoguer »

MustafaCherif

Ce Ramadan 2015, mois de spiritualité par excellence, n’a pas été épargné par des exactions meurtrières commises au nom de l’islam. Mais le message de paix ‒ dont le mot « As-Salâm », le Pacifique, est l’un des 99 noms de Dieu ‒ doit prévaloir, nous dit le philosophe Mustapha Cherif. Face à la propagande du choc et au danger du repli sur soi, l’espérance en une société meilleure reste le moteur de notre humanité et l’éducation un de nos principaux outils.

Saphirnews : L’actualité française et internationale ne cesse d’être ponctuée d’actes de terrorisme. En même temps, intellectuels, leaders associatifs et une grande majorité des populations musulmanes européennes les dénoncent catégoriquement. Vos écrits ne cessent d’alerter sur les extrémismes de tous bords. Pensez-vous que la situation s’aggrave ou s’améliore ?

Mustapha Cherif : Trop de personnes ne parviennent pas à faire la part des choses. Certains développent une haine de la religion, de l’islam, ils ne saisissent pas son sens réel. Dans cette catégorie, des médias ont une lourde responsabilité. Ils émettent des opinions erronées, profitent des outils et espaces dont ils disposent pour entretenir la confusion, l’essentialisme, des calomnies et des appréciations fausses.
Des courants d’idées matérialistes, allergiques à la spiritualité, ou xénophobes, en profitent. D’autres, des rigoristes, figent la religion et l’instrumentalisent. Tous nuisent à ce qu’ils croient défendre. Cependant, l’immense majorité des citoyens, toutes convictions concernées, reste proche du juste milieu et se méfie à juste titre des discours extrémistes et respecte les critiques constructives. Il nous faut expliquer et consolider la voie du juste milieu.

Vous prônez l’éducation au dialogue interreligieux, des cultures et des civilisations : pour quelles raisons ?

Mustapha Cherif : Il y a trop de malentendus, d’ignorances et de désinformations. Il faut en sortir. Apprendre à se connaître, pour se respecter, passe par l’acquisition des instruments de la compréhension du monde, de sa propre culture, sa religion et sa société, mais aussi celles des autres. Ce qui signifie apprendre à apprendre et à écouter, afin que la capacité à acquérir des connaissances puisse se maintenir tout au long de la vie. Penser et agir par soi-même et avec les autres et pouvoir répondre de ses pensées et de ses choix pour avoir une capacité d’autonomie et d’ouverture à l’altérité vont de pair avec le renforcement du dialogue et de la responsabilité personnelle dans le destin collectif.

Quelles méthodes préconisez-vous ?

Mustapha Cherif : Encourager les regards croisés, pour apprendre à faire lien, afin que chacun s’enrichisse d’autrui et puisse être acteur et porteur de sens évolutif. Il s’agit de partager des points de vue et des expériences, afin de découvrir que l’autre a une part de vérité dans tous les aspects de l’existence. Comprendre le bien-fondé des règles régissant les comportements individuels et collectifs, à y obéir et à agir conformément à elles, principe de discipline et d’entraide. La pédagogie interculturelle et interreligieuse contribue à tisser des liens et à créer de la fraternité et de l’amitié.

Vous défendez le principe du vivre-ensemble : comment le réaliser ?

Mustapha Cherif : Il s’agit d’apprendre à vivre ensemble, afin de participer et de coopérer avec les autres croyants et non-croyants au bien commun et à toutes les activités humaines. Ce n’est point une fiction, le vivre-ensemble reste une réalité. La bonne voie pour le renforcer est de promouvoir l’apprentissage du « vouloir-vivre ensemble », en développant la connaissance des autres, de leur Histoire, de leurs traditions et de leur spiritualité. Par l’interconnaissance, reconnaître les bienfaits de la laïcité ouverte, le pluralisme des opinions, des convictions, des croyances et des modes de vie, principe de la coexistence des libertés et des valeurs.

Que dit la civilisation musulmane au sujet de l’éducation au vivre-ensemble ?

Mustapha Cherif : L’éducation se veut totale. Elle vise cinq dimensions de la personnalité humaine qui doivent être prises en compte : une dimension sensible (culture de la sensibilité) ; une dimension normative (culture de la règle et du droit), une dimension cognitive (culture du jugement), une dimension pratique (culture de l’engagement) et une dimension éthique.
Elle s’adresse au cœur et à la raison, à l’esprit et au corps, à l’individu et à la communauté. L’élève mémorise davantage les savoirs qu’il construit lui-même au fil de ses expériences que la connaissance énoncée par l’enseignant. Les citoyens musulmans d’Europe prouvent tous les jours leur capacité à vivre leur temps, la sécularité et la modernité, sans perdre leurs racines. Pour éviter les dérives, c’est cette ligne du juste milieu qu’il faut encourager.

Ces préconisations ne risquent-elles pas de rester des vœux pieux compte tenu de la crise économique européenne qui se cherche des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…) et du contexte international géopolitique où la loi du plus fort prévaut au nom d’intérêts financiers (pétrole, eau, ressources minières, armements…) ?

Mustapha Cherif : Tenter d’éveiller les consciences à la paix des esprits et au vivre-ensemble n’est point un vœu pieux. C’est une responsabilité collective. Il est clair que la crise économique et morale mondiale suscite des réactions irrationnelles et des fuites en avant. L’islamophobie, le racisme antimusulman sont un prolongement de l’antisémitisme. Hannah Arendt disait que la propagande totalitaire et mensongère se cherche des boucs émissaires comme diversion pour asseoir son hégémonie. Tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté doivent rester vigilants et unis afin que la fraternité humaine l’emporte sur l’exclusion et la loi du plus fort. Le droit et le respect de la diversité doivent prévaloir. Je reste confiant, les citoyens ne sont pas dupes.
Mustapha Cherif est philosophe. Il est l’auteur, notamment, de Le Coran et notre temps (Éd. Albouraq, 2012) ; Le Prophète et notre temps (Éd. Albouraq, 2012), Le Principe du juste milieu (Éd. Albouraq, 2014). Il est également l’auteur de la note Éducation et islam (Fondapol, mars 2015, 44 p.)
Rédigé par Huê Trinh Nguyên
Samedi 11 Juillet 2015
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Ramadan sous la canicule : quand jeûner devient un péché

RamadanCanicule

Le mois du Ramadan est finit depuis jeudi dernier, mais la canicule de cette année 2015 a été d’une rare intensité. Dans ces conditions, quelle attitude doivent adopter les musulmans qui jeûnent pour ne pas subir les fâcheuses conséquences d’un coup de chaud sur leur santé ?

Alerte canicule. Météo France a placé depuis mardi 30 juin près de 50 départements de France en vigilance orange en raison d’un « épisode caniculaire précoce et durable ». L’épisode de l’été 2003 reste gravé dans les mémoires. La canicule avait alors fait 15 000 morts, les autorités sanitaires ayant sous-estimé à l’époque l’impact de la chaleur sur les populations fragiles.

Les pouvoirs publics se disent aujourd’hui mobilisées pour parer à cette situation, « appelée à durer et à s’étendre à de nouvelles régions du Nord et de l’Est du pays » selon le ministère de la Santé. Des conseils pratiques sont également diffusés à grande échelle pour faire face à la chaleur.*

Jeûner malgré tout ?

Particularité cette année, l’épisode caniculaire intervient en plein mois du Ramadan. La France n’est pas la seule à le subir. Plusieurs pays du monde musulman font face à une exceptionnelle chaleur, comme au Pakistan où les autorités dénombrent plus de 1 300 morts en une semaine.

Lors de cette période de 29 ou 30 jours consécutifs, les musulmans se soumettant à ce pilier n’ont pas la possibilité de manger et surtout de boire de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Chacun y va de son astuce pour tenir bon : s’asperger d’eau fraîche – la douche n’étant pas interdite pendant Ramadan ! –, se rincer la bouche, rester au frais ou encore éviter de sortir pendant les fortes périodes de chaleur.

Mais lorsque la difficulté est telle que la santé peut ne plus suivre, faut-il se forcer à jeûner ? La réponse est évidemment non, de l’avis des principales écoles juridiques de l’islam. La vie est sacrée et c’est autour de ce principe fondamental que la religion musulmane est aussi bâtie, bien que des usurpateurs aient décidé d’en dévoyer les enseignements pour justifier le terrorisme.

Mehdi, 29 ans, témoigne : « J’ai souvent mal aux reins mais je me suis forcé à faire Ramadan au début. Comme tout le monde, avec tout le monde… ». Non sans conséquences, aggravées par la hausse de températures observée depuis plusieurs jours : certaines fois, « je n’arrive presque plus à bouger. » Sous les conseils avisés de son entourage, il est désormais convaincu que la meilleure chose à faire pour sa santé est d’arrêter le jeûne le temps qu’il faudra. « Même quand j’ai l’impression que ça va mieux. Je dois boire », dit-il.

La dérogation a ses règles

Car se forcer à jeûner malgré les risques encourus n’est pas recommandé, voire interdit dans certains cas, et revient en effet, selon la tradition islamique, à dénigrer une faveur de Dieu envers les Hommes. « Dieu veut pour vous la facilité, Il ne veut pas pour vous la difficulté », lit-on à la sourate « La Vache » (verset 185). Ainsi, toute personne se sentant en incapacité de jeûner par crainte pour sa santé sont dispensées de jeûne. Nul besoin d’une énième fatwa : la dérogation est déjà possible pour elles, quel que soit l’âge, au même titre que les malades, les personnes très âgées, les femmes enceintes ou encore les voyageurs.

En revanche, ils sont tenus de rattraper les jours non jeûnés dans l’année « par un nombre égal d’autres jours » (verset 184 de la sourate « La Vache ») dès lors qu’ils sont en capacité de le faire ou bien, le cas échéant, de compenser ces jours par des dons en nature ou en argent afin de nourrir des nécessiteux. Etre dispensé de jeûne ne signifie pas forcement avoir raté son Ramadan : autant faire usage de la dérogation lorsque celle-ci est justifiée !

 

Les conseils à adopter par tous, mais surtout par les personnes fragiles les plus à risques, diffusés par le ministère de la Santé afin de lutter au mieux contre les conséquences de la chaleur :
• Buvez régulièrement de l’eau sans attendre d’avoir soif ;
• Rafraîchissez-vous et mouillez-vous le corps (au moins le visage et les avants bras plusieurs fois par jour) ;
• Mangez en quantité suffisante et ne buvez pas d’alcool ;
• Évitez de sortir aux heures les plus chaudes et passez plusieurs heures par jour dans un lieu frais (cinéma, bibliothèque municipale, supermarché, musée…) ;
• Evitez les efforts physiques ;
• Maintenez votre logement frais (fermez fenêtres et volets la journée, ouvrez-les le soir et la nuit s’il fait plus frais) ;
• Pensez à donner régulièrement de vos nouvelles à vos proches et, dès que nécessaire, osez demander de l’aide ;
• Prévoir le matériel nécessaire pour lutter contre la chaleur : brumisateur, ventilateur….
• Consultez régulièrement le site de Météo France pour vous informer.
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L’islam est-il une religion violente ?

Croisades
L’islam n’a pas l’apanage de la violence. Les guerres de religion, les guerres coloniales et les guerres civiles ont été menées, elles aussi, au nom d’une croyance religieuse et d’une idéologie politique. Ce tableau représente l’armée de Saladin, qui, en 1187, défait les armées chrétiennes et reprend Jérusalem. Le siège du royaume de Jérusalem est installé à Saint-Jean-d’Acre en 1229.
En raison d’événements géopolitiques saillants qui, depuis des décennies, dominent l’actualité du monde musulman (Révolution iranienne de 1978, décennie noire algérienne, 11-Septembre, État islamique, etc.), mais aussi à cause de toute une série de biais et de deux poids-deux mesures dans la couverture médiatique et le discours politique sur l’islam, deux notions négatives sur cette religion et ses croyants se sont cristallisées dans les opinions publiques occidentales ainsi que dans de larges segments des pays à majorité musulmane, à commencer par leurs élites et diasporas libérales-sécularistes.Première notion : l’islam serait par essence une « religion de haine » qui favoriserait la violence, ou du moins qui l’encouragerait ou la tolérerait plus que les autres religions. Une grande partie de l’excitation théologique qui agite aujourd’hui nos politiciens et têtes islamiques pensantes autour d’une « réforme islamique » présentée comme urgente semble en fait largement déterminée par ce stéréotype, auquel certains, y compris parmi les meilleurs, semblent désormais céder.En France, grande est en effet la peur de ne pas passer pour un bon musulman bien républicain, bien « modéré » et bien « intégré » si l’on n’a pas le discours politiquement correct que l’Etat et ses pseudo-laïcs attendent de vous.Seconde idée, si implantée dans les esprits que l’on ne songe même pas à la vérifier : la majorité (et pour beaucoup, la quasi-totalité) des attaques terroristes dans le monde serait le fait de « jihadistes islamistes » agissant au nom de l’Islam ou de l’idée qu’ils s’en font (Al Qaïda, ISIS, « loups solitaires » ou cellules semi-autonomes à la Mohammed Merah, Frères Kouachi, etc.). Nous avons affaire ici à un consensus idéologique qui vire à un quasi-unanimisme à l’évidence éminemment néfaste pour tous les musulmans.Cette doxa délétère structure les perceptions et opinions publiques vis-à-vis de l’Islam et de ses pratiquants, souvent d’ailleurs aussi chez les musulmans eux-mêmes. Mais elle détermine également de plus en plus les politiques publiques dans un sens liberticide : surveillance-espionnage des mosquées, politiques de « contre-radicalisation », efforts étatiques d’ailleurs anti-laïques, pour forger un « Islam de France » afin de réguler, y compris théologiquement, une religion perçue comme dangereuse, récente loi renseignement,etc. Le tout dans l’hystérie et la paranoïa collective la plus complète, dans une atmosphère de panique morale médiatiquement et politiquement organisée autour d’une prétendue « menace islamiste » qui ressemble de plus en plus à une de ces orwelliennes politiques de la peur bien connues, fort pratiques pour le contrôle des populations, et calquée sur les précédentes : « Menace Rouge » (la « Red Scare » de la Guerre froide), « complot judéo-bolchévique » ou, plus récemment, « armes de destruction massive » (non existantes) de Saddam Hussein justifiant l’invasion de l’Irak.

Le problème ? Les notions sur lesquelles reposent ces perceptions collectives et entreprises politiques sont toutes factuellement fausses, sur le plan tant historique que contemporain.

Un mythe que chacun peut empiriquement démentir

Première observation : avec 1,6 milliard de musulmans dans le monde, 23 % de la population globale, si l’islam était cette religion de haine et de « barbarie » que ses opposants nous décrivent à longueur de journée, ce n’est pas une poignée d’« États faillis » (Irak, Syrie, Libye, Yémen, Nigéria) qui seraient à feu et à sang, mais l’ensemble de la planète.Force est de constater que si cette religion propage un message de haine, de violence et d’intolérance, alors, bizarrement, la quasi-totalité de ses fidèles ne semble curieusement pas entendre ce supposé message, puisqu’ils restent à 95 % ou plus parfaitement non violents.Sans même aller dans la recherche sur ce sujet (qui existe bel et bien, surtout dans le monde anglo-saxon), faites le test autour de vous : prenez tous vos collègues musulmans, amis, membres de la famille, amis de la famille, tous ceux et celles que vous connaissez de près ou de loin. Combien sont religieusement violents, combien sont terroristes ? On prend le pari : pas un(e) seul(e). Fait aisément observable qui s’applique d’ailleurs non seulement aux musulmans occidentaux mais à ceux dans les autres parties du monde, y compris la zone Afrique du Nord – Moyen-Orient.

Un mythe également démenti par l’Histoire

Dans une perspective plus objective et historique, il n’existe aucune preuve que l’islam et ses civilisations aient été plus violentes et « barbares » que, par exemple, l’Occident chrétien. A vrai dire, cela a, la plupart du temps, été le contraire.Il n’est que de rappeler l’histoire ultraviolente du catholicisme européen, avec son cortège ininterrompu d’atrocités à grande échelle, ses croisades, saintes inquisitions, massacres sans fin de juifs et autres chrétiens (Templiers, etc.), ses guerres de religion seiziémistes (70 000 tués, tous chrétiens massacrés par d’autres chrétiens) et ses entreprises coloniales aux quatre coins de la planète, des Amériques à l’Asie en passant par l’Afrique, avec leurs cohortes de massacres de masse, dont l’immense majorité reste à ce jour inconnus du grand public mis à part les quelques cas médiatisés comme Sétif.Le tout accompli par des États bien évidemment non islamiques, tant monarchiques que républicains, tant religieux que séculaires, mais avec à chaque fois les Églises chrétiennes présente pour stimuler et justifier ces horreurs, au nom de Dieu.Un exemple : quand les croisés européens capturèrent Jérusalem le 10 juillet 1099 (sur ordre du pape Urbain II et au nom de la chrétienté) , ils massacrèrent les populations juives et musulmanes, hommes, femmes et enfants, souvent après les voir torturés et coupés en morceaux, faisant des piles de têtes, jambes, pieds et mains, comme ils s’en vantent dans leurs propres récits, allant même jusqu’à remercier Dieu de leur avoir permis de massacrer les infidèles jusque dans leurs temples et mosquées, où, dit l’un d’eux, « nos chevaux pataugèrent dans le sang jusqu’aux genoux ».Par contraste, quand Saladin reconquiert Jérusalem le 2 octobre 1187, il ne commet, lui, aucun massacre de civils, épargne les populations juives et chrétiennes, et leur donne même une escorte militaire musulmane pour les accompagner jusqu’aux côtes de la Syrie et de la Palestine afin de les protéger contre des attaques de tribus locales, bandes de brigands ou marchands d’esclaves.

Plus tard, tout au long des XIXe et XXe siècles, les nations de l’Occident chrétien se distinguent par une compétition coloniale de nature impérialiste, dont l’ampleur planétaire, la durée et la brutalité restent sans équivalent dans le monde islamique, lui-même d’ailleurs objet de cette colonisation. Et en France, ces guerres de conquête, exemples types de pure « barbarie », sont bel et bien menées par et au nom de la République et de la chrétienté (la fameuse « mission civilisatrice » qui imprègne toujours les esprits de si nombreux laïcards anti-voile), avec, partout, la participation active des Églises catholiques et protestantes qui voient dans les populations africaines, asiatiques ou amérindiennes, toutes conçues comme « arriérées », autant d’opportunités d’évangélisation.

Et cette histoire-là, loin d’être ancienne, ne se termine qu’en 1962 avec l’indépendance algérienne.

Plus généralement, c’est tout le XXe siècle qui infirme la thèse d’un Islam « religion violente ». En effet, parmi les pires atrocités historiques qui pullulent tout au long de ce siècle de sang, et elles furent nombreuses, la quasi-totalité fut commise non pas par des populations musulmanes au nom de l’islam, mais par les États et peuples occidentaux.

Première et Seconde Guerres mondiales. Fascisme. Nazisme. Hitlérisme. Stalinisme. Maoïsme, et on en passe. Aucune de ces horreurs ne fut déclenchée et perpétrée par des musulmans au nom d’Allah. Toutes furent, au contraire, commises par des athées, des agnostiques ou des chrétiens. Rappelons-le encore et toujours : chaque fois que l’on propage ce mensonge d’un Islam-religion-plus-violente : l’Holocauste ne fut pas le fait de musulmans et n’eut pas lieu au Moyen-Orient, mais bien au cœur de l’Europe chrétienne.

Qui plus est, toutes ces tragédies furent bel et bien accomplies non seulement par des régimes et populations européennes (ou asiatiques dans le cas de Mao ou de Pol Pot et de ses khmers rouges) non musulmanes, mais elles le furent au nom d’idéologies qui n’avaient rien à voir avec l’islam : « mission civilisatrice » de la IIIe République, celle de Jules Ferry ; supériorité de la « race aryenne » et nécessité du Lebensraum (l’ « espace vital » du IIIe Reich) ; chrétienté (on oublie trop souvent que, par exemple, la Première Guerre mondiale eut une très forte dimension de guerre religieuse, de guerre sainte, chacun clamant que Dieu était de son côté) ; idéologies athées marxistes-léninistes, etc.

Le mythe actuel selon lequel l’islam a toujours été et reste une religion particulièrement toxique et violente, en tout cas beaucoup plus que les autres idéologies religieuses (ou pas), était déjà un mensonge au Moyen Âge. Il reste un mensonge tout au long du XIXe siècle colonial et du XXe siècle. Il ne saurait perdurer en plein XXIe siècle.

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Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.

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Il faut sauver la laïcité des laïcistes

La République laïque n’est donc pas aussi fermée qu’on le croit à l’expression religieuse, et la surenchère laïciste menace aujourd’hui.

 

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Des étudiants d’un diplôme «Multiculturalisme, laïcité et religion» à l’institut catholique de Paris, 13 mars 2015. REUTERS/Christian Hartmann

La République a-t-elle été mise en danger à cause d’un ourlet ? Pour le New York Times, la France «s’est ridiculisée» fin avril en polémiquant sur la longueur de la jupe d’une collégienne musulmane. «Aucune religion ne menace sérieusement la laïcité», a tranché le quotidien américain. Est-ce si sûr ?

L’islamisme est un ennemi autrement plus redoutable que le cléricalisme d’hier qui suscita les lois laïques. Tout angélisme est interdit. Les islamistes testent les résistances à leur entreprise prosélyte à l’école et celle-ci a un devoir de vigilance devant les tentatives de contournement de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux «ostensibles». Mais l’islamisme n’est pas l’islam, et il faut distinguer l’accessoire –vestimentaire– de l’essentiel et sauver la laïcité de ses «laïcistes». Car la paranoïa anti-islamique qui, depuis le 7 janvier, frappe certains esprits menace bien les trois principaux acquis de la laïcité.

1.La liberté de conscience et de croyance religieuse est un absolu

Il faut toujours se souvenir que la «laïcité à la française» est d’abord l’héritière de la Déclaration révolutionnaire des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) qui proclamait: «Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.» Dans la foulée, la Constitution de 1791 garantit expressément «la liberté à tout homme d’exercer le culte religieux auquel il est attaché». Une disposition qui va bénéficier essentiellement aux religions minoritaires –le protestantisme et le judaïsme–, alors persécutées par le catholicisme hégémonique.

Aujourd’hui, l’intransigeance laïque réinterprète la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 et en fait une loi de combat contre la religion. Ce qui est historiquement faux. Si le Vatican et l‘Église catholique de l’époque l’ont traitée de loi d’oppression, ses principaux auteurs et défenseurs –Jean Jaurès, Aristide Briand– ont tout fait, contre les ultras d’Emile Combes, pour persuader le pays du contraire et pour créer les conditions d’un consensus religieux alors inimaginable et d’un apaisement de tensions qui avaient traversé presque tout le XIXe siècle.

La loi de 1905 ne comporte aucune référence à la «laïcité» et ignore même le mot

La loi de 1905 ne comporte aucune référence à la «laïcité» et ignore même le mot. Au contraire, dès son article premier, elle stipule que «la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes». Elle pose ainsi comme principe absolu la liberté de religion, chacune s’organisant selon son droit propre. D’ailleurs, Aristide Briand, le rapporteur du texte, clamait à la Chambre des députés que «le nouveau régime des cultes ne saurait opprimer ou gêner dans ses formes multiples l’expression extérieure des sentiments religieux».

Le même s’écriera qu’«il y a toujours deux moyens de faire échec à une réforme: soit voter contre; soit, par la voie des surenchères, la rendre inapplicable».

C’est bien la surenchère laïque qui menace aujourd’hui. Marine Le Pen qualifie l’extrémisme  de «cancer» et ajoute que, «si on continue les comportements à risque, comme le communautarisme et l’affaissement de la laïcité, alors il y a un risque de métastase». À l’heure, donc, où certains porte-parole d’une laïcité intransigeante prônent, sinon une révision de la loi de 1905, au moins un durcissement des textes qui en découlent, il faut revenir aux sources législatives et juridiques et rappeler que la vraie laïcité ne met jamais en cause le droit à la liberté d’expression religieuse, sauf atteinte à l’ordre public.

2.La laïcité a toujours fonctionné grâce à des compromis

En régime français, la «Séparation» n’est pas aussi stricte qu’on le croit souvent, surtout à l’étranger. La «laïcité à la française» est le nom donné à un système plus équilibré qu’il y paraît: l’État se met à l’abri des empiétements de la religion et la religion s’interdit de mordre sur l’espace public. Celle-ci bénéficie en retour de nombreux accommodements de la part de l’État.

Comment oublier, par exemple, que c’est toujours le ministre français de l’Intérieur qui a en charge les questions liées à la gestion des cultes. Ou que les aumôneries religieuses, créées dans les prisons, les hôpitaux, les casernes, les internats scolaires, sont financées (partiellement) par l’argent public. Que le patrimoine des bâtiments de culte, construits avant la loi de 1905, continue à être entretenu par l’État (cathédrales), par les départements, les communes pour les églises, temples ou synagogues non classés. Bien d’autres évolutions, depuis les lois laïques, témoignent de la souplesse du système français. Après avoir suscité à l’école de quasi-«guerres civiles», le financement par la collectivité publique d’établissements privés sous contrat, catholiques, juifs, musulmans, ou l’existence d’émissions religieuses sur les chaînes publiques chaque dimanche à la télévision ou les réductions d’impôts liées aux dons à des organismes religieux ne suscitent plus aujourd’hui de vraie contestation.

La République laïque n’est donc pas aussi fermée qu’on le croit à l’expression religieuse. Comment ne pas mentionner les bonnes relations régulières nouées entre les responsables confessionnels et les autorités politiques, que menacerait demain toute atteinte à l’équilibre laïque ? On a en mémoire le dîner annuel du Conseil représentatif des institution juives (Crif) auquel participent toujours des membres du gouvernement mais, depuis 2002, une concertation officielle a lieu aussi, chaque année, autour d’une table à Matignon, entre l’Église catholique et le Premier ministre.

Les compromis n’ont aussi jamais cessé pour faciliter –malgré quelles résistances!– le culte musulman. Des formules conciliatrices sont régulièrement trouvées, malgré les limitations fixées par la loi de 1905, pour permettre la construction de lieux de prières en dehors des financements de l’étranger. Ainsi, des municipalités attribuent ou louent des terrains à des conditions avantageuses, financent des locaux «culturels» (à distinguer des espaces proprement «cultuels») attenant aux mosquées. Des dispositions sont également prises pour faire respecter, dans les cantines scolaires ou les casernes, les prescriptions alimentaires des religions et proposer des «menus de substitution». Puis pour recruter des imams et des aumôniers de prison. Enfin pour réserver des carrés musulmans dans les cimetières. C’est aussi l’État –contre ses propres principes laïques– qui s’est immiscé dans la gestion interne d’un culte en créant une instance nationale de représentation de la communauté musulmane (le CFCM, depuis 2002, à l’initiative de Nicolas Sarkozy).

La laïcité française n’a jamais signifié l’ignorance du fait religieux. Ceux qui font mine de l’oublier risquent d’anéantir plus d’un siècle de compromis passés.

Autrement dit, si beaucoup reste à faire pour faciliter la tolérance, la laïcité française n’a jamais signifié l’ignorance du fait religieux. Ceux qui aujourd’hui, en instrumentalisant les peurs de l’islam, font mine de l’oublier, risquent d’anéantir plus d’un siècle de compromis passés, souvent laborieusement, avec les grandes religions.

Comme disait le grand rabbin de France, Haïm Korsia, en pleine polémique sur la suppression des menus de substitution à l’école, «la laïcité ne peut pas devenir une nouvelle religion niant le fait religieux, sinon nous allons créer deux sociétés».

3.La laïcité distingue espace privé et espace public

L’état actuel du droit délimite strictement le périmètre de la laïcité à l’espace de l’école publique. Il impose la neutralité religieuse aux agents du service public dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi la loi de 2004 interdit les tenues et signes «ostensibles» manifestant une appartenance religieuse à l’école publique, prohibant le voile, la grande croix et la kippa. De même, pour les agents de l’État, il est interdit d’afficher ses convictions personnelles, politiques et religieuses, particulièrement pour un professeur dans le cadre de son enseignement.

Mais de plus en plus de revendications visent aujourd’hui à étendre ce champ historique de la laïcité à l’espace semi-public ou à l’espace privé. On veut réviser la détermination de l’aire légitime et légale de l’exigence laïque, élargir son périmètre juridique. Certains proposent de légiférer une nouvelle fois sur le foulard islamique pour l’interdire à l’université (ce que ne prévoit pas la loi de 2004). Ou pour interdire à des mères musulmanes voilées d’accompagner des sorties scolaires. Et surtout pour bannir toutes les demandes de caractère religieux qui sont en augmentation au sein des entreprises privées.

Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, fait même de cette extension du périmètre laïque une arme politique et électorale. Il s’est prononcé contre les repas de substitution dans les cantines scolaires et contre le voile à l’université. Mais Manuel Valls a répondu par la négative à toute demande de législation spécifique sur les signes religieux dans l’enseignement supérieur (que fréquentent beaucoup d’étudiantes étrangères). De même, dans l’affaire de la crèche privée Baby-Loup, après deux années de polémiques, la Cour de cassation a annulé le licenciement d’une employée voilée. Cette crèche avait imposé, dans son règlement intérieur, une «neutralité philosophique, politique et confessionnelle». Mais, pour la Cour de cassation, rien n’obligeait cette crèche à s’engager aussi loin dans la laïcité. Depuis, le Parti radical de gauche, fief des laïques les plus endurcis, a déposé une proposition de loi visant à l’interdiction du port du voile dans les métiers de la petite enfance, qui sera soumise mi-mai à l’Assemblée nationale.

L’affaire de la jupe du collège de Charleville-Mézières –exclusion d’une élève musulmane porteuse d’une jupe longue assimilée par les professeurs à un «signe religieux ostensible»– a révélé l’extrême confusion qui règne dans les esprits sur cette question du périmètre de la laïcité. Où faire passer la limite entre l’espace public, exigeant la neutralité, et l’espace privé, permettant le droit à l’expression religieuse de s’exercer ? Les rédacteurs de la loi de 2004 sur les signes religieux s’étaient bien gardés de faire une liste précise des interdictions : le foulard, oui, mais comment définir le caractère«prosélyte» d’une jupe, ou d’une barbe pour un garçon, ou d’une petite croix, d’une médaille, d’une main de Fatma, d’une étoile de David. Les experts de la commission Stasi avaient vu le danger d’un engrenage, risquant à terme d’atteindre à la liberté de conscience, et admis que certains usages devaient être tolérés.

On mesure mieux aujourd’hui les dangers d’une extension indéfinie de l’exigence laïque, à la rue, où le port de la burqa a déjà été interdit en 2011, ou dans l’entreprise privée. Comme dit Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité :

«Les choses se passent bien dans les écoles, les universités, les entreprises quand les règles de la laïcité sont connues. Pourquoi en changer ?»

Mais une association comme la Libre pensée, pour qui «les religions sont les pires obstacles à l’émancipation de la pensée», multiplie les recours pour limiter l’intrusion de la religion. En décembre 2014, elle a déposé une plainte contre la présence d’une crèche de Noël dans le hall du conseil général de Vendée. Le danger de l’instrumentalisation de la laïcité, sacrifiée sur l’autel de visées politiciennes et électorales, menace. Ce laïcisme est une trahison de la laïcité telle qu’elle a été établie en 1905, c’est-à-dire sans haine, ni indifférence, envers les religions.

Pour en savoir plus : http://www.slate.fr/

Religion au travail: dans mon entreprise, il y a un espace de prière. La laïcité est sauve

Une enquête réalisée par l’Observatoire du fait religieux en entreprise et le cabinet Randstad révèle qu’en 2015, 23% des managers interrogés ont été confrontés au fait religieux au travail. Comment réagir face à ce phénomène ? Hervé Baulme, directeur général d’Ecodair, a autorisé un de ses employés à se créer un espace de prière au sein de l’entreprise. Témoignage.

Business associates brainstorming in meeting

 23% des managers interrogés disent avoir été confrontés au fait religieux au travail (O.DIMIER/ALTOPRESS/PHOTOALTO).

 

Je respecte toutes les croyances

J’ai moi-même été confronté à cette réalité. Il y a dix ans, j’ai créé Ecodair, une société d’insertion de travailleurs handicapés et en 2012, un de mes employés récemment converti à l’islam m’a demandé de lui attribuer un espace de prière.

Si j’ai été surpris par cette requête, j’y ai tout de suite été favorable : je suis plutôt chrétien, mais je respecte toutes les croyances et je considère que l’on n’a pas le droit de d’interdire à quelqu’un de pratiquer sa religion. De plus, je savais que je pouvais avoir confiance en cet employé.

Malgré tout, j’ai décidé d’y réfléchir et d’en parler avec mes équipes. Je voulais être sûr que c’était une bonne idée. J’ai donc organisé une réunion avec les encadrants de mes salariés pour leur demander leur avis.

Une seule personne, elle aussi musulmane, s’est montré défavorable à cette demande. Elle considérait que l’entreprise n’était pas un lieu adapté pour pratiquer sa religion. Pour me convaincre, elle a mis en avant le fait que mon entreprise recevait des aides de l’État et qu’au nom de la laïcité, je ne devais pas autoriser cela. De mon côté, je lui ai expliqué que la laïcité n’interdisait pas aux gens de croire. Elle a très bien compris et elle a finalement accepté.

Aucune répercussion sur la vie de l’entreprise

Nous sommes une petite structure de 85 personnes, je ne pouvais donc pas dédier une salle entière à la pratique de la religion. Mon employé voulait seulement un petit espace tranquille, pour pouvoir pratiquer sa foi. Il a donc choisi un coin du bâtiment qui était en rénovation. Chaque jour, il s’y installait discrètement avec son tapis de prière.

Le fait d’avoir accepté sa demande n’a eu aucune répercussion sur la vie de l’entreprise. Et depuis, je n’ai pas eu d’autres requêtes de ce type. Je n’ai même pas eu à instaurer de règles spécifiques : tout s’est fait naturellement. Cet employé faisait preuve de beaucoup de discrétion et le soir, il restait cinq minutes de plus au travail pour compenser le temps qu’il avait passé à prier.

Dans l’étude réalisée par l’Observatoire du fait religieux en entreprise et du cabinet Randstad, il est d’ailleurs précisé que 94% de ces demandes n’ont pas entraîné de conflit. Ça ne m’étonne pas, car il s’agit simplement de vivre sa religion de façon plus entière. Ça n’a pas d’impact sur le travail.

 

J’ai vu une belle dimension de l’homme

Pour moi, l’augmentation de ce type de demandes s’explique par le fait qu’il y a de plus en plus de nouveaux croyants. J’ai pu remarquer que ces derniers avaient une forte envie de s’engager dans la religion. Ils semblent avoir une certaine flamme, une certaine ardeur.

Malgré tout, je comprends que certains chefs d’entreprises soient démunis face à ce genre de demandes. Ils pensent probablement que l’expression de la foi au travail peut avoir un impact sur le comportement de chacun au sein de l’entreprise.

 

C’est peut-être parfois le cas, mais je n’ai pas été confronté à cela. C’est pourquoi je suis favorable à une généralisation de ce type d’aménagement, si cela est demandé par les employés. Il ne faut pas avoir peur de ces requêtes car finalement, elles permettent de voir une belle dimension de l’homme. Moi, ça me rend plutôt admiratif.

 

Avatar de Hervé Baulme

Par Hervé Baulme
Chef d’entreprise

Propos recueillis par Anaïs Chabalier

Pour en savoir plus : http://leplus.nouvelobs.com/

Pourquoi le religieux sera au coeur du XXIe siècle

 Malraux

Dans une entrevue qu’il accordait à un journal danois en 1955, le célèbre écrivain André Malraux affirmait que la tâche du prochain siècle serait « d’y réintégrer les dieux ». Bref, que le défi du XXIe siècle serait de faire face au retour, ou mieux, à la permanence du religieux. Anticipant déjà la crise spirituelle dans laquelle serait aujourd’hui plongée la civilisation occidentale, Malraux faisait preuve d’une intuition prophétique.

L’auteur français ajoutait que le retour du religieux serait effectué d’une manière inattendue, imprévisible. Contre toute attente et malgré la montée grandissante de l’islam en Occident, on peut observer que le Dieu universel dont se sont longtemps revendiqués les monothéismes s’épuise. Subtile, mais confiante, la pluralité du sacré s’est taillé une place parmi les dinosaures idéologiques de l’Occident. L’unité de la croyance s’est effondrée. Si Dieu est mort, les dieux, eux, sont bien vivants.

Mes plus récentes réflexions m’ont conduit à constater que trois principaux facteurs pouvaient expliquer ce constat.

1. Déracinement

Dire que l’Occident vit une crise existentielle relève de l’euphémisme. Si l’islam possède des mythes fondateurs agressifs qui exhortent ses fidèles à la reconstruction de la théocratie originelle de Mahomet, il n’en demeure pas moins que l’islamisme profite d’un d’assèchement idéologique — d’un néant spirituel — qui prévaut dans la plupart des sociétés occidentales. Autrement dit, le désenchantement encourage la refondation souterraine de la religiosité.

Les jeunes disent qu’ils vivent dans une société « plate » : ils sont en manque de sensations fortes. Ils sont en quête de figures héroïques, de modèles. Certains optent alors pour des personnages de séries télévisées, d’autres, pour des prophètes ou des maîtres spirituels. Certains s’engouffrent plutôt dans une existence totalement virtuelle en incarnant des personnages moyenâgeux dans des jeux vidéo.

Les grandes idéologies qui ont fait florès au XXe siècle n’ont pas su combler l’espace qui a été laissé vacant par l’abandon des grands récits fondateurs. Le Big Bang a difficilement remplacé la Genèse et le communisme n’a pas succédé au christianisme. Des idéologies ont déployé une énergie comparable à celle des religions, mais elles ont rapidement cédé leur place aux chocs culturels et à l’hédonisme.

Paralysé en raison de son embonpoint bureaucratique, l’Occident voit ses populations souffrir d’un vaste déracinement qui les incite à replonger dans l’univers du mythe. Thème universel de tous les conservatismes, la stabilité redevient à la mode. On veut manger bio, redécouvrir les bienfaits du terroir, renouer avec une authenticité perdue. On veut afficher ses couleurs et se tatouer des idéaux. On court des kilomètres pour perdre le symbole d’une vie redondante et artificielle. On joue aux guerriers pour compenser l’absence de chaleur humaine.

2. Diversité

Le retour du religieux rime aussi avec l’expansion de la diversité culturelle dans les grandes villes. Loin de se limiter à la popularité de la cuisine du monde, le multiculturalisme agit comme un cheval de Troie qui emmène une myriade de religions étrangères. Le renouveau de l’expérience religieuse est en grande partie effectué au contact de l’altérité et de la mondialisation. On comprend les partisans de la laïcité de s’en méfier.

La Cité redevient le centre d’une effervescence spirituelle dont les formes sont aussi diversifiées que contradictoires. Dans la rue, les communautés gaies côtoient dorénavant des groupes religieux qui considèrent l’homosexualité comme un crime méritant la mort. La diversité, c’est la coexistence paradoxale de valeurs radicalement contraires. Par conséquent, la gestion du pluralisme constitue l’un des principaux défis que devront relever les États.

3. Romantisme

Le sentiment de déracinement qui règne dans nos sociétés et l’exaltation du multiculturalisme favorisent le retour du romantisme — c’est-à-dire d’un imaginaire fondé sur les sentiments, l’enracinement et le mythe. Le romantisme, c’est croire qu’il vaut mieux s’accrocher à un rêve que de sombrer dans la dépression collective.

La nouvelle sensibilité écologiste doit aussi être considérée comme une composante essentielle de cette esthétique romantique. Face à la dégradation des écosystèmes et à la perte de repères identitaires, on cherche à renouer avec une société antérieure à l’artificialisation du monde. On désire mettre fin à la société de consommation, quitte à développer un rapport positif au religieux qui en serait le remède.

De même, les derniers appels au djihad auxquels ont répondu positivement de nombreux Européens se nourrissent de ce grand vide qui a été habilement dépeint par Michel Houellebecq dans son dernier roman, Soumission. Il ne s’agit pas d’imputer à la civilisation occidentale ce qui relève bien évidemment de la violence musulmane, mais bien de constater que l’islamisme exploite à merveille cette grande désillusion.

Finalement, tous ceux et celles qui ont prédit la mort du religieux pourraient bien s’être trompés. Le religieux est bien vivant et trois mots peuvent rapidement en expliquer la recrudescence : déracinement, diversité et romantisme. Il s’agit de prendre un peu de recul pour s’en apercevoir.

Jérôme Blanchet-Gravel
Auteur du livre «Le nouveau triangle amoureux: gauche, islam et multiculturalisme»

Publication: Mis à jour:

Pour combattre le radicalisme, pas moins d’islam mais plus d’histoire

Les origines kharidjites de l’organisation de l’État islamique

Pour combattre le radicalisme, les pays de l’Union européenne devraient changer d’approche. Il est nécessaire qu’ils cessent de croire que l’on est en voie de radicalisation dès lors qu’on s’intéresse aux origines et à la nature de l’islam. De leur côté, les États où la religion musulmane est majoritaire devraient encourager la jeunesse à mieux connaître et analyser sa religion, afin de rejeter systématiquement l’islamisme radical. 

L’organisation de l’État islamique (OEI) représente-t-elle l’islam ou en est-elle une caricature maléfique  ? Cette question continue de diviser. Elle oppose ceux des Occidentaux qui soupçonnent l’islam par principe aux musulmans indignés par l’OEI. Le débat fait également rage sur le front de la politique intérieure, en Europe et aux États-Unis.

Si nous devions suivre un raisonnement linéaire, nous en conclurions, comme ceux qui s’en méfient, que l’OEI représente l’islam et défend ses valeurs. Après tout, selon cette analyse, l’OEI est composée uniquement de musulmans, prétend parler au nom de l’islam, s’est proclamée «  califat  » et cite abondamment des versets et des dogmes coraniques tout en massacrant des musulmans et des religieux, en décapitant des Occidentaux, en démolissant des lieux de culte et des monuments historiques et en forçant des femmes et des jeunes filles à la prostitution et à l’esclavage. En outre, la doctrine et le militantisme violents du califat auto-proclamé du XXIe siècle ne sont-ils pas sans précédent historique  ? Ne raniment-ils pas des pans entiers du passé islamique  ?

Ce genre de raisonnement oublie un fait très simple : il ne suffit pas qu’une chose appartienne au passé pour devenir «  vraie  » ou «  authentique  ». Le passé ressuscité par l’OEI n’est pas «  l’islam véritable  », inaltéré par la réforme moderne. C’est seulement un épisode du passé islamique, qui était déjà très loin du système de croyances et de pratiques de l’islam normatif.

«  Vrais  » croyants, kafirs et idolâtres

En fait, l’OEI est la copie conforme du mouvement des kharidjites du VIIe siècle1, en particulier de leur branche radicale, les azraqites, disciples de Nafi Al-Azraq. Les azraqites furent les premiers dans l’histoire musulmane à terroriser les masses par des actes violents et abominables. Ils furent les premiers à séparer les «  vrais  » musulmans de ceux qui, selon eux, ne l’étaient que de nom. Cette distinction entraîne la violence, et ce n’est pas une coïncidence si les azraqites ont été les premiers terroristes de l’islam. Il va sans dire qu’ils se considéraient comme les seuls vrais croyants, et leur camp comme le centre de l’islam. En dehors d’eux, il n’y avait que des musulmans de nom, qui mettaient en danger la pureté de la religion. Pour faire cette distinction, les kharidjites employaient la dichotomie coranique de mou’min (croyant) opposé à kafir, (infidèle). Mais pour eux un kafir était un hérétique, pas simplement un non-croyant comme ce qu’indique le Coran.

Les azraqites sont allés encore plus loin en déclarant que les musulmans non kharidjites étaient moushrik —, coupables du péché impardonnable d’idolâtrie. Les azraqites décrétèrent par ailleurs qu’un seul péché suffisait à excommunier un musulman, ce qui va à l’encontre de la doctrine coranique sur les péchés. Il était légal pour eux de tuer tout homme désigné comme mécréant, de détruire ses biens et de massacrer ou d’asservir ses femmes et ses enfants. Les azraqites ont dénoncé les prophètes du passé comme hérétiques et leur propre contemporain, le calife Ali, cousin du prophète Mohammed, comme pécheur, avant de l’assassiner. Un certain nombre d’azraqites ont aussi pratiqué l’istirad : obliger quelqu’un, à la point du sabre, à adhérer à la doctrine défendue par le mouvement. Le choix était simple : la soumission à la conception azraqite de l’islam ou la mort. Ils ont ainsi jeté les bases de l’islam radical, qui va du wahhabisme du XVIIIe siècle jusqu’au terrorisme islamiste radical d’aujourd’hui. Il faut noter au passage que la religion servait plutôt de couverture à une entreprise politique : il s’agissait de prendre le pouvoir en se présentant comme les dirigeants légitimes de l’oumma — la communauté des musulmans.

Difficile de ne pas voir les similitudes entre l’OEI et les azraqites. En proclamant le califat, elle envoie bien plus qu’un message politique. Elle s’est autodésignée comme le foyer de l’islam, composé uniquement d’authentiques croyants. Quiconque demeure en dehors du califat est un kafir dans le sens défini par les azraqites. Tout comme les fanatiques du VIIe siècle, l’OEI estime licite de tuer tous ceux qu’elle considère comme infidèles : musulmans, non-musulmans, religieux sunnites, femmes, enfants. Il est également licite, pour l’OEI, de les asservir, de détruire leurs biens et de brûler leurs lieux de culte.

Pour les premiers théologiens islamiques, d’Ibn Hazm à Taftazani et Al-Ghazali, le terme kafir ne signifiait rien d’autre que «  non-croyant  », et il suffisait de se déclarer croyant pour être considéré comme tel. De nombreuses écoles de la pensée islamique professent que la foi est une conviction intime et que son siège est le cœur. Dieu seul peut connaître le cœur d’une personne. Même les prophètes ne peuvent ni ne doivent séparer les vrais musulmans des musulmans de nom. Ceci est dit clairement dans un hadith. Pour répondre à un homme qui en accusait d’autres de professer ce qui n’était pas dans leur cœur, le prophète Mohammed a dit : «  Je vous assure que je n’ai pas été envoyé afin de disséquer le cœur des hommes.  » Vis-à-vis des non-croyants, la doctrine islamique est sans équivoque : elle interdit formellement d’attenter à leur vie, sauf en cas de légitime défense. En outre, il n’y a pas de foi sans liberté de choix2. Croire doit être un acte volontaire.

Déradicaliser qui  ?

L’OEI viole tous ces préceptes, qui attribuent à Dieu une autorité absolue et dotent ainsi l’individu d’autonomie morale et de la liberté de choix. Reconnaître que l’OEI n’incarne pas l’islam mais sa perversion n’est pas seulement un exercice intellectuel destiné à défendre l’islam. C’est aussi une démarche très pratique, qui a des conséquences sur les programmes de déradicalisation.

Au début des années 2000, les pays de l’Union européenne se sont d’abord concentrés sur la répression et la protection de la population contre les attentats terroristes. Devant le défi posé par la montée de la radicalisation, on a ensuite mis en place la «  déradicalisation  ». Il s’agit d’agir en amont, en empêchant le recrutement de jeunes musulmans pour la cause terroriste. Cela va dans le bon sens, mais il y a toutefois un problème majeur. Les pays de l’Union européenne ont tendance à associer radicalisme et islam. N’importe quel musulman pratiquant ou pieux, jeune homme ou jeune femme, devient un-e terroriste en puissance. Selon cette vision fausse, pour déradicaliser la jeunesse musulmane, il faudrait la «  dé-islamiser  ».

Prenons le cas de la France, pays qui a la plus forte population musulmane d’Europe. Il y a quelques mois, l’académie de Poitiers a élaboré un document listant les indicateurs individuels d’une radicalisation musulmane3. Parmi ces signes : la perte de poids due au jeûne du ramadan, le refus du tatouage, le port d’une barbe longue et l’adoption d’une tenue musulmane. De simples éléments de la pratique religieuse sont décrits comme des signes de radicalisation. Cette approche porte atteinte aux libertés individuelles, à la liberté de pensée et au pluralisme religieux. Elle viole les principes de la laïcité en conférant à l’État le droit de dire jusqu’à quel point on peut être religieux.

Autre signe de radicalisation possible, selon ce même document : le sujet s’intéresse à l’histoire de l’islam, à ses origines et à sa nature. Une affirmation encore plus dangereuse que les précédentes. Essayer de mieux comprendre le message de l’islam, ce n’est pas une cause de radicalisation. Au contraire, c’est précisément le déclin de la réflexion personnelle et de la pensée critique vis-à-vis de la religion dans les sociétés musulmanes qui a fait le lit du radicalisme.

Pour combattre le radicalisme, il nous faut renouveler la réflexion personnelle sur l’islam. On ne peut se satisfaire d’un savoir transmis d’en haut, que ce soit par l’État ou par des communautés autoritaires. Paradoxalement, la montée de l’OEI a eu un effet très constructif : elle a finalement suscité chez les musulmans une prise de conscience individuelle et collective de la nécessité de mieux connaître leur religion, ce qui leur permet de rejeter systématiquement l’islamisme radical. Il est crucial de soutenir cet intérêt et de le canaliser dans la bonne direction pour que la jeunesse musulmane s’approprie une véritable connaissance de l’islam. Cet intérêt croissant donne au monde une excellente occasion de tuer dans l’œuf le radicalisme, et à l’Europe de s’attaquer à la question de la déradicalisation sans enfreindre ses propres principes démocratiques. À moins bien sûr que des politiques motivées par l’islamophobie ne lui coupent l’herbe sous le pied.

Neslihan Çevik

Chercheure post-doctorante associée à l’Institut des hautes études de la culture, université de Virginie.
Membre du corps professoral au Centre de recherche des études post-coloniales, université Üsküdar d’Istanbul.

1NDLR. «  Ceux qui sortent  », l’une des premières dissidences dans l’islam.

2«  Critical spirit of Islam against the mass insanity of ISIS  », Daily Sabah, 23 octobre 2014.

3Hanan Ben Rhouma, «  Lutte contre la “radicalisation” : quand l’Éducation nationale construit le problème musulman  », SaphirNews, 24 novembre 2014.

 

Pour en savoir plus : http://orientxxi.info

Ouvrez les portes du silence… la Parole renaît !

Pâques à l’aube en Rhône-Alpes :

Samedi 4 avril 2015

intervention de Marie DAVIENNE – KANNI

sur les fondements historique de l’Islam

lors des ateliers créatifs

 

MissionFrance2

 

2 jours pour fêter et célébrer Pâques ensemble

Avec les adultes, les jeunes et les enfants

Vivre des temps d’expression, d’échange, de créativité

Donner le temps à la rencontre, au silence

Alors que nous sommes bousculés par les événements du monde d’aujourd’hui, souvent dépassés par les flots d’images, de mots, de violence, comment nous positionner, dire une parole, agir ? Comment résister au repli sur soi ?
« Demeurez ici et veillez », nous dit Jésus, alors que la tourmente de son arrestation
approche.
Nous vous proposons pour cette fête de Pâques de prendre le temps du silence, de nous laisser accompagner par la Parole, cette Parole qui nous pousse à nous tenir debout et à oser la rencontre avec nos frères.
Et vient le temps du silence.
Silence qui fait résonner la voix du Fils de l’homme.
Vient le temps du désespoir, le temps de la mort, le temps de l’absence.
Peur, incrédulité…
Les mots de l’ange, les mots des femmes n’ont pas prise sur les disciples.
C’est la manifestation de Jésus ressuscité et sa parole
« Allez dans le monde entier et proclamez l’évangile à toute la création » qui les envoie et les disperse en tout lieu pour parler en langue nouvelle, le Seigneur agissant avec eux.

Ouvrez les portes du silence
La parole renaît.

 

Déroulement :

Samedi 4 avril
À partir de 11h : Accueil
12h : Repas partagé à partir de ce que chacun aura
apporté
14h : Jeux et atelier soupe
15h : Accueil, lancement

16h à 18h30 : Ateliers créatifs dont un atelier sur l’interreligieux :

Intervention sur les fondements historiques de l’Islam : Marie DAVIENNE – KANNI

Témoignages de couples mixtes et échanges.

19h : Repas
21h : Célébration de la Passion
Dimanche 5 avril
7h30 : Marche à l’aube
8h à 8h45 : Petit déjeuner
9h à 9h20 : Temps d’annonce de la Résurrection
9h30 à 10h15 : Ateliers créatifs, suite de la veille
11h : Célébration Eucharistique de la Résurrection
13h : Repas festif
15h à 16h : Envoi

Pour en savoir plus : http://catholique-mission-de-france.cef.fr/pages/decouvrez.html

 

Arabie saoudite vs Iran: pourquoi c’est le nouveau choc des religions

En intervenant au Yémen contre les rebelles chiites soutenus par l’Iran, l’Arabie saoudite, championne du sunnisme expose la région à un embrasement général.
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Des avions de l’armée aérienne de l’Arabie Saoudite, photographiés le 1 janvier 2013. (FAYEZ NURELDINE / AFP)

Remarque d’un haut gradé du Pentagone, dans le Wall Street Journal: « Je regarde la carte du Moyen-Orient ; je regarde tous ces affiliés de l’Etat Islamique ; je regarde toutes ces zones de combat. Et je me demande qui sera l’archiduc dont l’assassinat déclenchera un embrasement général ».

Une guerre totale, dans tout le Proche et le Moyen-Orient, provoquée, comme en juin 1914, par le meurtre de l’héritier – ou d’un haut dirigeant – d’un territoire non pas austro-hongrois mais sunnite ou chiite? L’hypothèse est glaçante mais désormais plausible avec l’intervention directe de l’Arabie saoudite au Yémen.

En s’attaquant à la rébellion houthiste, soutenue et armée par l’Iran, le champion de la branche majoritaire du sunnisme est entré en conflit direct avec Téhéran, chef de l’axe chiite. En bombardant les troupes houthistes, sur le point de chasser le président yéménite, leur allié, en combattant au sol ces chiites désormais aux portes d’Aden, la deuxième ville du pays après avoir conquis Sanaa, sa capitale, le royaume wahhabite saoudien a pris le risque d’affronter, par milices interposées, la République islamique iranienne, sa grande rivale dans la région.

A la tête d’une coalition de 8 pays

Certes, en laissant faire, l’Arabie saoudite aurait perdu toute crédibilité dans sa zone d’influence. Mais en prenant la tête d’une coalition de huit pays arabes (Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Koweït, Égypte, Jordanie, Maroc, Soudan) plus le Pakistan, contre l’Iran, héritier de la « vraie légitimité » (celle de la descendance de Mahomet), le royaume qui abrite les lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine) court le pire des dangers. Un enlisement, une guerre longue, fratricide déstabilisant toute la région.

Arrêt sur image.

Depuis décembre 2010, début du « printemps arabe » en Tunisie, jamais cette région n’a été aussi divisée, fragmentée entre allégeances, tribus, confessions et ambitions. Après la chute de Moubarak en Egypte, celle de Kadhafi en Libye, puis l’éclatement de la guerre civile en Syrie (en quatre ans plus de 200.000 morts et deux millions de réfugiés), l’irruption de la machine Daech en Irak et en Syrie, avec des « affiliés » du Yémen à la Tunisie, a provoqué une recrudescence des affrontements religieux et une pulvérisation des frontières rendant illisible la carte de la région. Que cache, par exemple, l’opposition à Bachar al Assad, le dictateur syrien ? Des réformistes (le Conseil national syrien, dominé par les sunnites) ? Des groupes armés partiellement convertis au charme vénéneux du califat d’Abou Bakr al-Bagdadi ? La « Résistance islamique », branche armée du Hezbollah, mouvement chiite libanais renforcé par des combattants iraniens de même obédience ? Même casse-tête en Irak. À Tikrit, engagées aux côtés des forces menées par les États-Unis (combattants kurdes, armée régulière irakienne) contre les djihadistes, certaines milices chiites sous les ordres du général iranien Ghassem Soleiman, menacent de « cibler » des conseillers militaires américains. Qui chercheraient à leur « voler la victoire ». « Bataille dans la bataille », qu’on retrouve au Yémen. Les « conseillers » américains s’étant retirés (tout en continuant à assister l’aviation saoudienne), les rebelles houthistes bénéficient du soutien de l’Iran, mais le pays a été longtemps – et semble rester – l’un des terrains d’action d’Al Qaida.

Un maître d’oeuvre local

S’il est souvent difficile de repérer la main de Téhéran, celle de Riyad ou de l’Etat islamique qui n’utilisent pas toujours leurs propres forces mais choisissent un « maître d’œuvre » local pour appliquer leur stratégie, impossible, en revanche, d’ignorer une évidence : cette région du monde hyper inflammable peut s’embraser totalement à tout moment. Au petit jeu de la responsabilité, chacun peut se renvoyer la balle. Les pays arabes ? Ils ont beau jeu d’accuser la colonisation et les accords Sykes-Picot de 1916, « organisant » le démantèlement de l’empire Ottoman et le découpage du monde arabe selon des frontières totalement artificielles. Les occidentaux ? Ils soulignent l’incapacité des nations arabes à bâtir de vraies démocraties capables d’endiguer le terrorisme islamiste. Le vrai problème : comment sortir du tsunami qui bouleverse la géostratégie de la région?

Après les deux guerres d’Irak et l’échec des néoconservateurs américains à imposer par la force un nouvel ordre international, Obama voulait (discours du Caire en 2009) en finir avec le mythe du « choc des civilisations », dissiper la méfiance des musulmans vis à vis de l’Amérique et, la paix rétablie, concentrer son attention sur l’Asie (doctrine du « pivotal shift » vers le Pacifique).

Mais voilà, le gendarme de la région n’a tenu aucun de ses engagements. Ni vis à vis de l’Arabie saoudite (lâchée par les USA lors de la répression de la révolte populaire de Bahreïn), ni vis à vis de l’Égypte (abandon de Hosni Moubarak en 2011, soutien mitigé au président Al-Sissi), ni vis à vis de ses alliés européens (refus de bombardements ciblés en Syrie en septembre 2013, malgré l’utilisation d’armes chimiques contre sa population par Bachar Al-Assad). Alors, se poser aujourd’hui en médiateur, éviter une confrontation entre l’Arabie saoudite -sunnite – qu’elle n’a cessé de trahir et l’Iran -chiite – avec qui elle négocie une limitation cruciale de son programme nucléaire : mission impossible.

Sans alliés sur le terrain, sans ligne directrice claire, l’Amérique jongle avec trop d’enjeux : détruire l’Etat islamique, normaliser ses rapports avec l’Iran, ménager les théocraties du Golfe, mais également Israël, farouchement opposé comme Ryad à la rentrée de l’Iran sur la scène internationale. « Leading from behind », « diriger les choses de derrière » : c’est la nouvelle « real politik » des États-Unis. Dans l’affrontement chiites-sunnites, cette recette paraît simpliste pour l’Orient compliqué.

Jean-Gabriel Fredet

Par Jean-Gabriel Fredet

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